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Une base navale éthiopienne à Djibouti… nous répondons « non merci » !
par Mahdi A., mars 2019 (Human Village 35).
 

De quoi s’agit-il ? D’une incroyable farce… dont les Djiboutiens pourraient devenir les dindons, servis à la table du fringant Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Il est plus que temps de sonner les clairons et signifier clairement que la population djiboutienne dans son ensemble répond « non merci ! », à la demande du lion d’Abyssinie – pays enclavé dépourvu de façade maritime - de disposer sur notre sol, le long de nos côtes, d’une emprise navale pour ses forces militaires, que cela soit, pour un temps réduit pour des raisons « formatives », que pour une durée un peu plus longue. Un point c’est tout !

Un doigt dans l’œil avant que l’Éthiopie puisse ouvrir une base navale à Djibouti !
« Ainsi, l’Éthiopie serait le premier État contemporain au monde à posséder une marine de guerre opérant sur des eaux internationales ouvertes, à partir des eaux territoriales d’un autre État, par définition et supposément indépendant. Ce n’est pas peu mais mieux vaut en avoir clairement conscience à travers cette mise en perspective.
Avec toutes ces bases militaires étrangères et souvent jalouses les unes des autres, Djibouti prend un peu plus les atours d’une courtisane courtisée ; Marianne jouerait-elle le rôle de “Madame Claude” ? Encore une exclusivité mondiale éthiopienne, après le tef de l’injira et celle du seul “ministère de la Paix”
 ».
Cassim Ahmed Dini, dans une très récente tribune, a donné un «  coup de poing sur le crâne » de ses compatriotes, en sifflant la fin de la récréation et a appelé la population djiboutienne à se mobiliser, à se réveiller, et surtout à réagir pour contrecarrer les pressions politiques, voire économiques, exercées sur notre gouvernement pour l’amener à avaler la couleuvre et accorder, ne serait-ce que pour une très courte durée, la possibilité de faire mouiller des navires de guerre éthiopiens dans nos eaux territoriales. Navires, il faut le savoir, acquis auprès de la France de Macron, à l’aide de financements gracieux émiratis et saoudiens, dans le cadre d’une planification à longue vue américaine.

Cadeau empoisonné d’Emmanuel Macron... quand on a des amis comme ça on n’a pas besoin d’avoir d’ennemis !
Dans cette étrange histoire, nos amis français voient « midi à leur porte » : contrats de bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral, frégates de type Gowind, chars d’assaut Leclerc, avions de chasse Rafale, drones de surveillances, véhicules blindés légers, et pourquoi pas aussi des sous-marins Barracuda version diesel dans un autre futur proche… C’est tant mieux pour la préservation de l’emploi des gilets jaunes et des « sans dents », de parvenir à faire décaisser les pétromonarchies saoudo-émiratis pour acheter des équipements militaires français et de la formation, à destination des troupes éthiopiennes. Belle aubaine que ces généreux émirs apeurés. Grâce à eux, Emmanuel Macron s’apprête à rééditer le même type d’opération commerciale que François Hollande avec l’Égypte d’Abdel Fattah Sissi et le pays du Cèdre. L’industrie militaire française peut se frotter les mains, cette partie de billard à plusieurs bandes va lui rapporter quelques milliards d’euros… ou un peu moins, si les navires de guerre ne trouvent finalement pas de port pour les accueillir. Pour ne pas compromettre la vente, et soutenir le complexe militaro-industriel de l’Hexagone, - [qui représente tout de même, en 2017, la troisième place au classement mondial des exportateurs d’armes, avec près de 7 milliards d’euros de commande des industries de défense françaises à l’exportation, employant « [c]haque jours, 200 000 personnes, travaillant dans des grands groupes comme dans 4 000 PME et ETI »] [1] -, on peut raisonnablement penser qu’Emmanuel Macron a essayé de jouer de son influence pour ouvrir la boîte de Pandore en encourageant Ismaïl Omar Guelleh à entrouvrir légèrement la porte aux hommes en armes de notre fringuant voisin, aux visées en réalité très bien définies. Pour s’en convaincre une relecture du discours du Premier ministre éthiopien d’alors, Haile Mariam Dessalegn, prononcé depuis l’hémicycle du Parlement de Djibouti en février 2015, devrait suffire à mieux cerner certains enjeux sous jacents à ces ambitions navales. Pour parfaire son point de vue sur la question, la lecture minutieuse d’une tribune publiée dans les colonnes de The Reporter [2], par le chercheur Tesfaye Tadesse, ainsi que l’écoute attentive des propos tenus par le Premier ministre Abiy Ahmed aux rencontres de Davos en janvier dernier [3], sont fortement recommandées à tous les citoyens djiboutiens. Abiy Ahmed y affiche à la face du monde une ambition hégémonique sous le faux-nez de la lutte contre la pauvreté : unifier « trois ou quatre pays de la région » sous un même gouvernement, une seule armée, et une même représentation diplomatique à l’étranger… Tout est dit : il s’agit d’anschluss ! Pour le moins, c’est décapant ! On en ressortira les cheveux hérissés…

« L’Éthiopie est actuellement en train de construire des moyens de transport ferroviaire, routier et autres entre l’Éthiopie et Djibouti pour accélérer son développement économique, ces moyens de transport vitaux ont deux objectifs à la fois pour l’Éthiopie et d’autre nations, à savoir commerciale et militaire.[…] En cas de crise grave dans les environs, l’Éthiopie sera la première victime de l’incident. L’Éthiopie étant le plus proche voisin de Djibouti et plus proche du Bad-el Mandeb nous devions avoir une présence militaire [navale] dans la région pour défendre notre intérêt national au plus haut niveau en cas de crise internationale dans la région. […] Après tout, les Éthiopiens sont une centaine de millions de personnes à seulement quelques kilomètres du Bad-el Mandeb. » [4].

Que nous importe à nous, Djiboutiens, qu’Abiy Ahmed ait décidé de vendre l’âme de l’Éthiopie aux ambitions inavouées des Émiratis, Saoudiens, Américains, ou Français, tant que les navires de guerre éthiopiens se déploient depuis une autre côte que la nôtre ! Car, que cela soit bien clair, il s’agit de transformer en chair à canon la population en âge de combattre – au minimum 170 millions d’habitants en 2050 – pour affronter au sein d’une coalition occidentale - ou tout simplement par délégation pour eux - des nations rivales comme les Iraniens, les Russes ou bien encore les Chinois… En sachant qu’en 2018, la population chinoise était estimée à 1,3 milliard d’habitants, le calcul est assez simple, il faudra beaucoup de petites mains nigérianes, algériennes, marocaines, éthiopiennes, égyptiennes, indiennes, indonésiennes et autres ex-colonies, pour la sale besogne !

Petite suggestion : en attendant que le colosse aux pieds d’argile éthiopien trouve un port qui veuille bien accueillir sa marine militaire, Emmanuel Macron devrait entamer rapidement la formation des futurs marins éthiopiens en France métropolitaine, préférablement en Corse dont l’hospitalité des habitants est légendaire et le climat pas très éloigné de celui de l’Abyssinie. D’une pierre deux coups, puisque finalement ces dizaines de milliers de militaires éthiopiens stationnés sur l’île de beauté, profiteraient du séjour prolongé pour s’initier à la langue de Molière, tout en contribuant au renforcement des liens culturels entre les deux peuples. Cerise sur le gâteau, en attendant de sécuriser le Bad el Mandeb et de trouver un port d’attache, ces hommes en armes positionnés à Bastia, ne resteraient pas inactif et participeraient à la protection de l’autre versant, en Méditerranée, du canal de Suez.

La « toupie » Abiy Ahmed est un fin politicien, les annonces successives par son gouvernement sur le développement de zones portuaires commerciales dans les pays riverains - Soudan, Somalie, Kenya, Érythrée, Djibouti - ne sont pas innocentes. Habilement, il fait miroiter une part conséquente du fret éthiopien au premier qui cédera à ses demandes en lui concédant sur son territoire, par un bail de longue durée, une emprise navale militaire… Même si la proposition semble alléchante, la nation djiboutienne passe son tour !

On ne peut s’empêcher de se demander quel serait le dirigeant de la région imprudent - pour ne pas dire irresponsable, voire criminel, au regard de la trahison éhontée au serment de protéger la patrie - qui consentirait à offrir un abri armé à la première force militaire de la région et la sixième du continent [5], de surcroît enclavé et qui comptera possiblement selon un scénario démographique catastrophe pas loin de deux cents millions d’âmes dans une trentaine d’années… D’un point de vue djiboutien - et au niveau régional -, ces ambitions de plus en plus affirmées de se rapprocher de la mer n’ont rien de très rassurants.

Patriotes, il n’y a plus de temps à perdre ! Mobilisons-nous pour rejeter ensemble, tous unis, un marché de dupes !

Mahdi A.


 
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