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Coup de tonnerre : l’État nationalise le terminal de Doraleh
par Mahdi A., février 2018 (Human Village 32).
 

La nouvelle est tombée, jeudi 22 février 2018, avec un communiqué du ministère de l’équipement et des transports, qui annonce que le gouvernement a procédé, avec effet immédiat, à la nationalisation du Doraleh Container Terminal (DCT).

Le gouvernement abroge la concession de DP World à Doraleh
« En application de la loi du 8 novembre 2017 portant sur les contrats d’infrastructures stratégiques, le gouvernement de la République de Djibouti a décidé de procéder à la résiliation unilatérale avec effet immédiat du contrat de concession attribué à DP World sur le site portuaire de Doraleh Container Terminal (DCT). La loi du 8 novembre 2017 a pour objectif de protéger, dans le cadre des contrats d’infrastructures stratégiques, les intérêts supérieurs de la nation, en particulier ceux ayant trait à la souveraineté de l’État et à l’indépendance économique du pays. Elle met en place un cadre légal permettant de renégocier si nécessaire les contrats portant sur la gestion ou l’exploitation d’infrastructures déjà conclu. La loi autorise le gouvernement à prononcer la résiliation des contrats en question. (…) Le gouvernement de la République de Djibouti, dès ce jour, reprend en charge la gestion du terminal ».
La prise de contrôle du DCT par les autorités djiboutiennes se matérialise concrètement par la modification de la dénomination de l’entité portuaire, qui dès lors, sera désignée comme la Société de gestion du terminal à conteneur de Doraleh (SGTD) , la gestion est dorénavant djiboutienne, puisque dans la foulée Warsama Hassan Ali a été nommé directeur général de la SGTD pour six mois [1].

Comment expliquer cette décision pressentie par de nombreux observateurs depuis l’adoption de la loi portant sur les contrats d’infrastructures stratégiques [2] le 8 novembre 2017 ? On trouve un début de réponse dans l’interview du chef de l’État, Ismaïl Omar Guelleh, réalisée par le rédacteur en chef, Zyad Limam, dans les colonnes d’Afrique magazine en février 2018 [3]. Le gouvernement fait indéniablement feux de tout bois dans une opération de communication rudement menée. Que peut-on en retenir ?
Si un seul message devait ressortir de l’entretien réalisé par Zyad Limam du chef de l’État, ce serait : « Djibouti est libre de ses choix ! ». Il faut comprendre que ce message s’adresse à Dubaï.

Contexte
Lorsqu’en décembre 2008, le DCT a été inauguré en grande pompe par le chef de l’État, Ismaïl Omar Guelleh, accompagné d’Abdourahman Mohamed Mahamoud Boreh, alors président de l’autorité des ports et des zones franches (APZFD), le pari était osé, il faut le reconnaître, mais aujourd’hui c’est un succès : c’est devenu l’un des premiers terminal à conteneurs en Afrique de l’Est en termes d’installations et d’équipements modernes. Il dispose de 8 portiques de quai de dernière génération, de 16 portiques de parc, de 400 points de connexion pour les conteneurs frigorifiques, d’une zone de stockage pour conteneurs fuyants, ainsi que d’une zone de réparation et de nettoyage des conteneurs. Son atout maître : une profondeur de quai de 18 mètres ! Là réside tout le noeud du projet… Cette profondeur exceptionnelle donne enfin accès à un marché dont par le passé le pays était exclu : les navires de catégorie « Super Post Panamax » à même de transporter plus de 50 000 conteneurs. La taille phénoménale de ces nouveaux monstres marins nécessite un minimum de 12 hectares d’espace de déchargement. Le Port autonome international de Djibouti (PAID) ne comptait que 12 mètres de tirant d’eau. Il manquait par ailleurs d’espace pour satisfaire pleinement les besoins indispensables pour ériger des infrastructures adéquates de transbordement de conteneurs. Suite à la montée en force de la part du conteneur dans le fret international, le pays n’avait pas d’autre alternative que celle de repenser la géographie de l’ancien port, ou à défaut de se préparer à moyen terme à une chute brutale de ses activités portuaires. Le positionnement et l’urbanisation dense autour du site du PAID rendait impossible, faute d’aires portuaires disponibles, l’agrandissement du port historique. À partir de ce constat, l’idée de la création d’un nouveau port a vite fait son chemin. Djibouti ne pouvait se permettre de rater le coche, l’activité portuaire est, il faut le répéter, ce qui a façonné notre destin, la pierre autour de laquelle a été édifiée une économie viable et notre unité. C’est à ce moment là que le pays noue un dialogue stratégique avec DP World pour impulser nos ambitions de devenir le port de référence dans la région, avec l’espoir d’un impact non négligeable sur la création d’entreprises et l’emploi. De ce partenariat naîtra, le « Doraleh Container Terminal ». La cible visée est le trafic qui transite sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, au carrefour de trois continents, et qui fait de Djibouti, un centre de transbordement idéalement situé pour desservir l’Afrique de l’Est et le Proche-Orient, et de pouvoir croiser les lignes reliant l’Asie et l’Europe avec la grande ligne Est-Ouest. L’ambition est de faire du DCT un véritable port d’éclatement vers l’Afrique de l’Est et la zone océan Indien, un hub portuaire de la région à l’image du port de Singapour ou de celui de Dubaï. Tout aurait pu continuer ainsi dans le meilleur des mondes, sauf que, la lune de miel prend fin en 2012…

Le ver est dans la pomme...
« Mais évidemment, tout le monde le sait, nous avons un problème particulier avec DP Word (Dubaï Ports World). […] À l’époque, l’urgence et les circonstances dont je vous parle ont fait que nous avons fait des erreurs, de bonne foi, et nous le reconnaissons. Résultat, aujourd’hui, nous sommes propriétaires de la majorité des actions, mais minoritaires au conseil d’administration. DP World est en situation d’exclusivité sur le territoire de la République de Djibouti, ce qui limite nos capacités de développement. Nous avons souscrit des dettes liées au projet et dès que nous les avons remboursées, nous avons tenté de rediscuter de tout cela. Sans résultat. Nous nous sommes retrouvés en arbitrage à Londres et nous avons perdu. La loi des parties fait la loi, nous a-t-on dit .
Nous ne voulons « nationaliser » aucune structure. Nous sommes patients. Nous avons des intérêts diversifiés avec les Émirats arabes unis. Nous avons des amis qui sont leurs amis. Nous ne voulons heurter personne. Nous sommes tout d’abord et essentiellement à la recherche d’un accord. Mais nous sommes tenus par une exigence, au-delà des termes contractuels, celle des intérêts fondamentaux de notre nation. La structure Doraleh Contenair Terminal (DCT) doit fonctionner au bénéfice du pays, elle doit pouvoir se développer, s’étendre, investir en particulier dans l’activité de transbordement qui est vitale, essentielle pour nous » [4]], explique Ismaïl Omar Guelleh au magazine parisien dédié à l’Afrique.

En brandissant cet argumentaire relatif aux « amis qui sont leurs amis », et d’ajouter que « nous ne voulons heurter personne », le chef de l’État cherche à caresser dans le sens du poil les membres du Conseil de coopération du golfe, à savoir l’Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar. Ils représentent les premiers partenaires financiers du pays, il s’agit de ne pas les froisser. Il développe donc une plaidoirie argumentée et de qualité afin de les sensibiliser sur la situation draconienne du contrat de gestion liant DP World et la République de Djibouti. Il rappelle que Djibouti a été « patient » et prend à témoin les pays du Golfe dont certains ont joué les médiateurs un temps entre les deux pays pour applanir le contentieux. Ils n’ont pas réussi à rapprocher les positions. C’est la raison pour laquelle le chef de l’État a décidé, considérant que la situation n’a que trop duré, de procéder à la nationalisation du DCT et de verser des compensations au titre des dommages et intérêts à DP World. La République de Djibouti veut tout mettre en œuvre afin de maximiser son potentiel géostratégique pour créer de la richesse, soutenir la croissance, afin de lutter contre le chômage et sortir le pays de la pauvreté en en faisant, un pays émergent. Il n’est question uniquement de la défense de nos droits légitimes et souverains et ils ne sont pas négociables.

Dans une précédente interview à Afrique magazine, le chef de l’État nous en disait un peu plus sur le fond du dossier : « Aujourd’hui, nous sommes en arbitrage. Nous souhaitons faire rectifier ce contrat inéquitable afin que l’actionnaire majoritaire de Doraleh (c’est à dire nous) puisse avoir plus d’administrateurs que l’actionnaire minoritaire (DP World). Ce sont ces deux éléments seulement que nous cherchons à changer. Et pour le moment, les Dubaïotes se montrent, disons, intraitables… Vous savez, DP World a des problèmes avec beaucoup de gens. Avec le port d’Aden, avec le Sénégal, avec l’Egypte, et maintenant le Kenya sur le projet de Mombassa » [5].
Alors que l’État djiboutien est l’actionnaire majoritaire du DCT, « dans les prises de décision PDSA est minoritaire et dispose seulement de 33,33% du droit de vote du conseil d’administration » alors qu’il possède 66,66% des parts et que DP World en détiendrait 66,66 en étant actionnaire minoritaire… « Pire encore ces accords précisent que PDSA doit obligatoirement voter comme DP WORLD. En réalité le PDSA à 0% du droit de vote au conseil d’administration »[« Déclaration de la République de Djibouti », PDF en ligne.]].

Analyse
L’ire des autorités djiboutiennes, conviennent les observateurs, n’est pas sans lien avec l’affaire Boreh et les malversations supposées concernant le contrat de concession entre Doraleh container Terminal (DCT) et de DP World. Une procédure d’arbitrage auprès de la Cour international d’arbitrage de Londres (LCIA) avait été engagée afin d’examiner la requête déposée par le gouvernement djiboutien visant à résilier le contrat de concession, et les documents relatifs au projet, pour cause d’illégalité et de corruption. La juridiction britannique avait exonéré, le 21 février 2017, la société DP World de toutes poursuites et condamné la République de Djibouti à régler les frais de procédure et des dommages et intérêts à Abdourahman Mahamoud Boreh, accusé à tord selon la Cour de collusion et de la perception de pot-de-vin pour l’obtention de conditions extrêmement favorables à la partie Émiratie, dont notamment une concession de cinquante ans du terminal portuaire.
Les Émiratis sont présents à Djibouti depuis l’an 2000, avec la signature d’un premier contrat qui leur a confié la responsabilité de la gestion du PAID pour vingt ans. Depuis, de nombreux autres contrats ont été signés avec ce partenaire stratégique, qui a été le premier à croire au potentiel de croissance et au positionnement géostratégique du pays. Les fruits de cette coopération inédite et originale ont permis de sortir de terre le nouveau complexe portuaire de Doraleh, comprenant une nouvelle zone franche, un nouveau terminal pétrolier et un terminal à conteneur à la pointe de la modernité. Il accepte des navires d’un tirant d’eau de 18 mètres, lui permettant d’accueillir les porte-conteneurs de dernière génération, et de s’attaquer à une niche peu exploitée jusqu’à lors, le marché du transbordement. Il faut reconnaître que cette stratégie a été couronnée d’un succès incroyable, pourtant, et alors que, ses infrastructures sont débordées, aucune extension n’a été programmée, anticipée afin de répondre à la hausse constante et prévisible du trafic maritime par le gestionnaire Dubaïote. C’est là que le bât blesse. DP World est à la fois partie prenante et concurrente de la République de Djibouti, notamment avec la réalisation en cours d’un projet de 442 millions de dollars à Berbera. Ismaïl Omar Guelleh veut mettre fin à l’hypocrisie de cette partie de poker autour du futur port multipurpose de Doraleh que mène les Emiratis afin de brider le développement des activités portuaires de Djibouti. Ce contrat léonin est d’autant plus rageant que « la République de Djibouti à travers le Port de Djibouti est l’investisseur le plus important du terminal à conteneur de Doraleh » avec ses 66,66% de part du capitale de la société, soit 87,78 millions de dollars, DP World n’en détient que 33,34% soit 45,22 millions de dollars alors que « les ressources investies par DP World dans la nouvelle société provenaient de la rémunération qu’elle percevait du contrat de gestion de l’ancien port de Djibouti. Les travaux du DCT ont été financés grâce à des emprunts garantis par le gouvernement djiboutien. La société DCT a totalement remboursé les emprunts contractés depuis juin 2017. […] Pire encore, cette concession donnait la possibilité à une société étrangère de s’opposer aux intérêts fondamentaux de la République de Djibouti en entravant le processus de son développement économique et sociale. Cette concession et l’usage fait de celle-ci par la société DP World constituent un crime économique contre la nation djiboutienne » [6].
La réalisation du DCT a coûté 397 millions de dollars, financés pour une part sur fonds propres, à hauteur de 134 millions par les associés – PAID (90 millions, 23%) et DPWD (44 millions, 11%) -, et le restant, 263 millions, auprès de financements bancaires tels que Standard Chartered Bank (25 millions, 6%), Dubaï Islamic Bank (25 millions, 6%), West LB (25 millions, 6%), Banque islamique de développement (65 millions, 17%), Bank of London ans Middle East (20 millions, 5%), BAFD (80 millions, 20%), Proparco (23 millions, 6%).

Cheval de Troie
DP World a signé le 9 mai 2016 avec les autorités somalilandaises un contrat de concession du terminal de Berbera pour les trente prochaines années. La société Émiratie devrait investir 442 millions de dollars sur la durée de la concession en plusieurs phases. Les autorités somalilandaises espèrent en faire un port d’envergure, avec pour ambition de concurrencer à terme le corridor de Djibouti. Les Émiratis n’ont pas fait les choses à moitié, manoeuvrant pour faire prendre langue l’Éthiopie avec le gouvernement autoproclamé du Somaliland. De ce conclave est sortie la signature le 31 mars 2016 d’un accord de commerce et de transit le long du corridor reliant l’Éthiopie au port de Berbera. Les autorités éthiopiennes s’engagent à y faire transiter d’ici à 2020 jusqu’à 30% de leur trafic marchandise. Ce document vaut son pesant d’or : il donne l’assurance aux Émiratis que les investissements consentis pourront être amortis. Or depuis le conflit avec l’Érythrée en 1998, Djibouti est le seul débouché maritime du géant éthiopien et ses 100 millions d’habitants.
Cela a tout l’air d’une situation schizophrène… DP World organise et se porte promoteur ce qui deviendra de facto le concurrent le plus redoutable de Djibouti pour la captation du fret éthiopien, alors que dans le même temps, le pays se retrouve les mains et les pieds liés et donc son développement est entravé. Le texte de la concession stipule, comme nous en informe la déclaration du gouvernement, que « la République de Djibouti n’a pas le droit de construire un nouveau port sur son territoire depuis 2004. Seule DP World a le droit de développer un nouveau port. Ainsi, à cause de cette concession, la République de Djibouti n’avait plus le droit de construire » et que d’entreprendre la construction de plusieurs ports ces dernières années afin de répondre à la demande (du DMP, Tadjourah, Goubet, Gazier, Damerjog), aurait conduit DP World à engager « des poursuites contre Djibouti pour [leur] construction ». Heureusement que le ridicule ne tue pas... nous sommes les dindons d’une double farce !

Conditions iniques
La consultation de la déclaration du gouvernement donne le tournis. On ne peut s’empêcher d’avoir les cheveux hérissés à la lecture des conditions signées, qui sont d’une telle absurdité que l’on n’en vient à se dire qu’un enfant de dix ans aurait compris que le contrat était déséquilibré et qu’apposer sa signature en bas de ce document revenait à se faire soi-même hara-kiri… en se soumettant « de plein gré » au desiderata de son partenaire. C’est invraisemblable ! Mais l’heure n’est pas à la polémique ni à la division. Chaque chose en son temps. Ce qui prime aujourd’hui c’est de faire un front uni dans ce qui s’apparente à la défense de nos intérêts vitaux, « au regard d’exigences essentielles : celles qui relèvent des intérêts fondamentaux de la nation, de la souveraineté, des prérogatives régaliennes de l’État. Notre devoir est de défendre ces intérêts, tels qu’ils sont d’ailleurs communément admis par l’ensemble des pays du monde. En particulier quand nous devons faire face à des contrats qui ne tiennent pas compte de ces intérêts, ou pas suffisamment… », comme le souligne si justement - mais malheureusement trop tardivement -, Ismaïl Omar Guelleh.
Le chef de l’État prend soin de préciser dans les colonnes d’Afrique magazine qu’il « n’y a pas de cible cachée, d’intention inavouée. C’est une loi de la République dont l’objectif est clair. Nous avons une grande ambition économique pour notre pays. Elément-clé de notre approche, nous voulons devenir l’une des principales plateformes logistiques et commerciales de l’Afrique émergente. Cette stratégie suppose des investissements dans le secteur des infrastructures. Dans le cadre, des contrats majeurs ont été signés depuis le début des années 2000. La mise en place, la réalisation de certains d’entre eux s’est révélée insatisfaisante au regard d’exigences essentielles… » [7].
En acceptant de collaborer avec l’entreprise Dubaïote, Djibouti a accepté de ne décharger les conteneurs à destination de Djibouti ou des pays de l’hinterland qu’au DCT. Mieux DP World intenterait un autre procès à Londres car « le nouveau train traverserait le terrain de la concession de DCT. Alors que le terrain de DCT appartient à l’Etat et DCT l’utilise gratuitement » [8].
Ce n’est pas tout, « DP World est libre de fixer les tarifs portuaires » et comme elle est en situation de monopole aurait pris la liberté de surfacturer les services à l’endroit des commerçants djiboutiens par rapport aux tarifs avantages concédés aux produits à destination de l’Ethiopie. Il y a là quelque chose d’incompréhensible.
La coupe n’est encore pleine, le meilleur est pour la fin : « Le DCT bénéficie d’une exonération totale d’impôts et de taxes pour une période de 50 années » [9], le gouvernement se contentant en contrepartie, d’une somme forfaitaire de 5% sur le chiffre d’affaires. Et comme si cela n’était pas suffisant « DP World bénéficie d’un contrat de management du DCT et perçoit à ce titre gratuitement une redevance égale à 5% du chiffres d’affaires du DCT. Pourquoi gratuitement parce que cette redevance n’est liée à aucun objectif de performance » [10]. Sont évoqués dans ce document également la fuite des capitaux, avec notamment les versements des fruits de l’activité dans des comptes bancaires à l’extérieur du territoire, le détournement de trafic du DCT dans d’autres ports de la mer Rouge, ou bien encore le fait que les dividendes de quatre années durant ont été « bloqués (entre 2014 et juin 2017) pour asphyxier la République de Djibouti. DP World espérait ainsi stopper les grands projets d’infrastructures du pays » [11].
Tout cela pour quels résultats ? « Aucun grand nom du conteneur n’a fait du DCT son hub de transbordement », rappelle Paul Tourret, loin des ambitions affichées il y a dix ans qui visaient à en faire le Singapour de l’Afrique. Un développement portuaire aujourd’hui entre les mains chinoises qui, dit-on, ont engagé pas moins de 16 milliards de dollars (environ 13 milliards d’euros) à Djibouti » [12].

Dilemme cornélien
« Nous sommes inclus dans le grand plan des routes de la soie. Il investit massivement à Djibouti. Les Chinois sont particulièrement dynamiques et ambitieux. Ils sont durs en affaires, il faut s’y habituer et bien négocier aussi. Ils s’investissent comme personne d’autre sur l’Afrique. Ils parient sur notre avenir, notre émergence. Et Djibouti par ailleurs représente à leurs yeux un intérêt stratégique majeur avec notre position sur le Bad-el Mandeb, là où transite une bonne partie du commerce chinois et international. Et nous avons de grands projets en cours, qui vont au-delà des ports, des zones franches, du commerce. Je pense en particulier à ces projets de connexions télécoms par câble qui relieraient la Chine, l’Asie, à l’Afrique et à l’Europe en transitant par des data centers à Djibouti (projet Peace) ».
Le président met le doigt sur le dilemme cornélien qu’il a été amené à trancher, entre l’extraordinaire opportunité aujourd’hui d’avoir toutes les cartes en main pour faire enfin de Djibouti le hub portuaire de la sous-région - comme si cela avait toujours été une évidence inscrite depuis toujours dans l’ADN de notre pays -, et l’obligation de demander à une société Dubaïote aux intérêts contraires, la permission de réaliser ce rêve si fou mais à portée de vue… « Djibouti est libre de ses choix ! » répond le chef de l’État qui a opté pour convoler en juste noces avec la Chine qui a investi pas loin de deux milliards de dollars en République de Djibouti car elle croit à nos atouts et à notre potentiel. Un avis que l’on partagerait assurément si, les contrats conclus avec notre nouvel ami, de "l’Empire du Milieu", étaient, plus transparents que, ceux opaques, jusqu’à encore ces derniers jours, avec Dubaï. Pourquoi la teneur de ces nouveaux accords ne sont-ils pas communiqués à la population ? Ne dit-on pas que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets... ?
Concernant les craintes de froisser nos amis des États arabes du golfe Persique du fait de notre brouille avec « les spartiates » Émiratis, le danger de les indisposer étant quasi nul, eux mêmes, confrontés au tempérament impétueux et à la prise de contrôle violente du stratégique port d’Aden[« Aden : les affrontements entre les pro-Riyad et les pro-Abu Dhabi s’intensifient, PressTV, 28 janvier 2018.]], pourtant qui étaient aux mains des forces loyales du gouvernement « légitime » du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi. Les Saoudiens, semblent pas loin d’être, aussi médusé que nous, sur les agissements des Émiratis…

Cependant il ne faut pas se leurrer d’illusion même si la levée de ce diktat est une belle aubaine pour le devenir de Djibouti, et enlève une grosse épine au gouvernement, il lui reste maintenant à trouver les moyens de déminer les dossiers judiciaires que les Émiratis tarderont pas à ouvrir, à moins qu’ils ne reviennent à la raison et acceptent de négocier à l’amiable la rupture de contrat et les dédommagements correspondants.

Mahdi A.


[1Décret 2018-088/PRE portant nomination du directeur général. Warsama Hassan Ali est nommé directeur général de la société de gestion du Terminal à conteneur de Doraleh (SGTD) pour une période transitoire de six mois.

[2Voir le texte au Journal officiel.

[3« Ismaïl 0mar Guelleh “Djibouti est libre de ses choix” », Afrique magazine, février 2018.

[4Ibid..

[5Afrique magazine, n° 358, décembre 2015-janvier 2016.

[6« Déclaration de la République de Djibouti », op. cit.

[7Afrique magazine, février 2018, op. cit.

[8« Déclaration de la République de Djibouti », op. cit..

[9Ibid..

[10Ibid..

[11Ibid..

[12Thibaud Teillard, « Les ambitions déçues de DP World », Jeune Afrique n° 2979 du 11 février 2018.

 
Commentaires
Coup de tonnerre : l’État nationalise le terminal de Doraleh
Le 9 mai 2018, par Mahad Ô. .

Enfin un article détaillé qui explique simplement la situation complexe dans laquelle nos dirigeant se sont mis. Le choix de rompre ce contrat totalement abusive coulait de source et notre jeune nation devra tenir Unis pour défendre ces intérêts, notre futur ! Les arguments du gouvernement sont certes audible mais comment peut on leur faire confiance aujourd’hui pour négocier avec la 2eme puissance mondiale ?...

 
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