Human Village - information autrement
 
Des enfants cireurs de chaussures à Djibouti
par Mahdi A., février 2016 (Human Village 26).
 

Qui n’a jamais vu des enfants cireurs de chaussures, ou des enfants faisant la quête dans les artères de la capitale ? C’est devenu tellement naturel que cela ne choque plus personne de voir des enfants, dont l’âge varie entre 5 et 14 ans, travailler durant la journée pour survivre et faire survivre leurs proches [1]. Ils sont laissés à leur propre sort et doivent se débrouiller pour s’en sortir et subvenir à leurs besoins.
C’est en me faisant raser la barbe que je suis tombé sur deux d’entre eux, le plus âgé a 7 ans, il se prénomme Ali Abdo, le cadet, Aden Ali a 6 ans. Ils me proposent de me cirer chacun une de mes chaussures durant le temps où le coiffeur s’affaire sur la taille de ma barbe. J’ai acquiescé avec un petit sourire aux lèvres… Je trouvais amusante la manière dont ils s’y étaient pris pour me demander de leur confier la tâche. J’ai donc enlevé mes chaussures pour qu’elles soient cirées.
Après que ma barbe a été taillée et m’être rechaussé, j’ai questionné ces enfants sur leur travail de cireurs de chaussures, mais également sur ce qui a pu les conduire à arpenter les rues à leur âge au lieu d’aller à l’école. Ils se sont prêtés aux questions-réponses comme si c’était un jeu ! C’est ainsi qu’ils m’ont expliqué que c’est vers 7h à 8h du matin qu’ils arrivent au centre ville, qu’ils quittent généralement aux environs de 17h. Ils font une journée continue. Ce métier leur permet de gagner en moyenne 800 FD par jour, indiquent-ils. Le tarif pour se faire cirer les chaussures est de 50 FD. Ils me disent s’octroyer 100 FD pour un plat de spaghettis à midi, leur seul véritable repas de la journée.

Leur cible, ce sont d’abord les fonctionnaires et les employés des entreprises du centre ville, les clients installés dans les cafés et les clients des barbiers. Une clientèle exclusivement masculine.
Ils portent chacun un petit sac-banane, contenant une brosse, des boîtes de cirage et des chiffons. Ils disent déambuler à travers le centre ville, à guetter les clients.
Le plus jeune, Aden Ali, m’apprend qu’il a un petit frère, âgé de 5 ans, qui fait la quête tous les jours en bas « des caisses » et aux alentours de la grande mosquée, située place Mahamoud Harbi. Avec sa mère et ses quatre frères et sœurs il réside à Quartier 3. Son petit frère et lui seraient les seules sources de revenus du foyer. À la question de savoir s’il n’a pas peur de circuler tout seul dans les rues, le petit Aden me répond qu’il n’a peur de personne, qu’il sait se défendre, que très vite il a du apprendre à défendre son territoire, pour survivre !

Il m’avoue tout de même qu’il a parfois une petite crainte, celle de se faire arrêter par la police, à qui il arrive, dit-il, de le « coffrer » pour le conduire à Nagad (Académie de police Idriss Farah Abaneh). Dès sa libération obtenue, il affirme retourner immédiatement dans la rue, car c’est le fruit de son travail, l’argent gagné à la sueur de son front, qui fait vivre sa famille. Il n’a pas de temps à perdre. Sa famille compte sur lui pour mettre à « manger sur la table ».
Quand à savoir s’il n’aurait pas préféré aller à l’école comme les jeunes de son âge qu’il doit sans doute croiser le matin en allant à son « travail »… Il reste sans voix, incapable de formuler le moindre son ! J’insiste pour obtenir une réponse ; mais je dois finalement me faire une raison, je n’obtiendrais qu’un lourd silence. On devine dans son regard une certaine douleur. Mais que pourrait-il répondre ? Une évidence s’impose à nous, cet enfant n’en est plus vraiment un, ce n’est pas un adulte non plus.
Il porte sur ses frêles épaules un poids et des responsabilités qui sont incroyables. Il ne connaîtra jamais l’insouciance, la quiétude, les amusements ou bien encore les salles de classe qui auraient du être son quotidien. La faute à qui ? Doit-on blâmer la mère du jeune Aden Ali ? Avait-elle un autre choix que celui de faire travailler ses enfants pour subvenir à leurs besoins ? Que devrions-nous faire pour panser les plaies béantes d’une société de plus en plus individualiste, en profonde mutation ?

Mahdi A.


[1L’article 5 du Code du travail djiboutien de 2006 interdit le travail des enfants de moins de 16 ans.

 
Commentaires
Des enfants cireurs de chaussures à Djibouti
Le 14 février 2016, par Wesh.

La dure réalité mon ami. Ces enfants ne sont pas djiboutiens , mais issue de l’immigration clandestine des pays voisins. Qu’Allah leur viennent en aide.


Des enfants cireurs de chaussures à Djibouti
Le 15 juillet 2016, par Mahan .

Ces enfants ne sont pas tous d’origine étrangère. Il existe bel et bien des enfants djiboutiens contraints d’aller travailler dans les rues de notre chère capitale pour subvenir aux besoins de leurs familles. Autre info qui devrait aussi choquer l’opinion publique, 1/3 des enfants de rue sont Djiboutiens, issus des quartiers pauvres et défavorisés de Djibouti. La place de l’enfant (Djiboutien ou autre) n’est pas la rue.

 
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