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Renouvellement de l’accord militaire : bisbilles franco-djiboutiennes ?
par Mahdi A., mai 2024 (Human Village 51).
 

Officiellement les voyants restent au vert. Pourtant le nouvel accord de défense franco-djiboutien aurait dû être conclu au plus tard le 30 avril 2024. Sa signature a déjà été maintes fois reportée puisque le texte actuel devait durer jusqu’au 21 décembre 2021 [1]. On dirait que les deux parties ne sont pas encore parvenues à s’entendre sur des points de détails, y compris la « contribution » payée par la France pour l’utilisation des emprises militaires dans le pays.

Que sait-on de ces négociations ?
Participant à la conférence humanitaire de Paris pour le Soudan organisé, Mahmoud Ali Youssouf a profité de cette réunion, qui rassemblait de nombreux ministres et responsables ce qui n’est pas le cas tous les jours, pour faire progresser notamment la question du renouvellement des accords militaires.
En effet, si l’on se réfère aux propos d’Ismail Omar Guelleh dans les colonnes de Jeune Afrique, en mars dernier, son élève préféré a été chargé de présenter l’offre djiboutienne : « Les dernières propositions françaises nous sont parvenues mi-février. Nos experts les étudient, et nous y répondrons rapidement. […]. L’aspect financier tout d’abord. Nous estimons le loyer annuel de la base à 100 millions d’euros, alors que la partie française en propose à peine 60 millions. Le statut de l’îlot du Héron ensuite, une emprise que la France occupe sans que nous sachions ce qu’elle projette d’en faire concrètement et dont nous voulons récupérer une partie. Faut-il en faire un sujet de clash ? Je ne le souhaite pas. Mais la France, qui dispose de l’usage de près de 400 hectares rien qu’à Djibouti-Ville, où est installée sa plus importante base militaire sur le continent, devrait faire preuve d’une plus grande capacité d’écoute. » Ismail Omar Guelleh ajoutait : « La présence française est une nécessité stratégique pour Djibouti, en proie aux convoitises et aux immixtion récurrentes de certains de ses voisins. Nous tenons au maintien de cette relation ancienne, et c’est pour cela que le fameux “sentiment antifrançais” est pratiquement inexistant chez nous. En fait, chacun a intérêt à ménager l’autre, et, en ce qui nous concerne, nous remplissons notre part du contrat. » [2].

Djibouti demande à la France de faire preuve de plus grande capacité d’écoute
Mahmoud Ali Youssouf a porté ce message à Stéphane Séjourné, son homologue français, lors d’une rencontre sous les ors du Quai d’Orsay. Avant de quitter la capitale française, il n’a pas manqué de s’adresser aux pays alliés, dont la France et via le canal semi-officiel de ces vingt-cinq dernières années des autorités djiboutiennes : Jeune Afrique. Il a signifié que cette proposition était la dernière offre de Djibouti : « Nous sommes toujours dans les délais puisque l’ancien traité prend fin le 1er mai. Les discussions sont en cours depuis six mois et plusieurs rencontres ont eu lieu à Paris et à Djibouti. Des comités techniques ont également été mis en place. Nous préférons prendre le temps d’être vigilants car ce traité nous engage sur la durée et nous ne voulons pas avoir à faire marche arrière après six mois. Le dossier en lui-même est pratiquement bouclé. Nous avons fait nos derniers amendements et la balle est maintenant dans le camp français. Je pense pouvoir affirmer que ce traité sera très prochainement finalisé, car nous voulons pérenniser notre partenariat avec la France » [3].

Éviter le clash
Des prolongations de dernières minutes pour éviter le clash sont très certainement en train de se jouer pour arrondir les derniers angles. La relation bilatérale, jusqu’alors structurée autour des questions sécuritaires, a vocation à s’ouvrir enfin aux thèmes économiques, notamment aéroportuaires. Le projet d’aéroport pourtant bien avancé avec la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan passerait donc à la trappe, pour privilégier « ce partenaire auquel nous sommes habitués ».
Dans les relations internationales, le souhaitable n’est pas toujours le possible. Il faut savoir composer. Au sujet des histoires de sous, Djibouti réclame 100 millions d’euro, la France propose 60 millions. Peut-être que les deux parties pourraient se retrouver autour de 80 ? Une petite suggestion…

L’autre point d’achoppement concerne aussi l’avenir de la base navale du Héron. Ismail Omar Guelleh tente probablement de cerner les ambitions d’Emmanuel Macron concernant la position française à Djibouti et leurs conséquences sur la population djiboutienne et autour de la question de souveraineté. Ce dernier souhaite en effet porter une stratégie dans l’Indopacifique en lien avec son projet d’une « Europe puissance » crédible [4]. La France joue-t-elle cartes sur table ou une partie de son jeu reste-t-elle dissimulée à son partenaire djiboutien ? Mystère et boule de gomme.

Notons que, l’article 22 du traité de coopération en matière de défense entre les deux pays, relatif à la clause de retrait, prévoit à son alinéa 3 que ce dernier ne peut intervenir au plus tôt que douze mois après la réception de la notification écrite par l’une et l’autre partie... Pas d’inquiétudes immédiates donc…

Mahdi A.

Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Mahmoud Ali Youssouf, n’a ni réagi à nos demandes ni répondu à nos appels.


 
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