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Le laboratoire national d’analyses alimentaires
par Mahdi A., septembre 2010 (Human Village 13).
 

Monsieur le Directeur, Djibouti vient de se doter depuis peu d’un laboratoire national d’analyses alimentaires : Pourriez-vous nous éclairer sur les raisons qui ont amené le gouvernement à se doter d’une telle structure ? Enfin quelles sont les missions et les attibutions de ce laboratoire de santé publique ?

D’abord il me semble important de signaler qu’il n’existe pas de pays au monde qui ne dispose pas d’un laboratoire d’analyses alimentaires, puisque c’est l’instrument indispensable de contrôle de la santé des consommateurs. En se dotant de ce service, la République de Djibouti comble d’abord un grave manque qui faisait cruellement défaut à son dispositif de sécurité sanitaire. Auparavant, le service de l’élevage qui est en charge des contrôles des denrées alimentaires et qui délivre les autorisations nécessaires à leurs mises en circulation sur le territoire, ne disposait pas de tous les outils et instruments nécessaires à une évaluation approfondie et vérifiable scientifiquement des produits soumis à leurs contrôles. Les contrôles s’effectuaient sommairement, si je puis dire, de visu : l’apparence, la date limite de consommation et le conditionnement des denrées étaient les seuls critères qui étaient pris en compte.
Aujourd’hui les prises de décisions du service de l’élevage se passent notoirement de manières différentes, dorénavant elles se fondent sur des données scientifiques. Nous analysons quotidiennement des demandes de prestations alimentaires quelles soient hydriques, bactériologiques et physico-chimiques, aussi bien pour l’importation que pour l’exportation des denrées alimentaires qui nous sont adressées par le service de l’élevage, à partir d’échantillons qui ont été prélevés sur ces produits. Et c’est seulement à partir des résultats de ceux-ci que nous fondons notre appréciation. Il faut savoir que nos interventions portent sur deux catégories de produits : les produits importés et ceux fabriqués localement. Pour la première catégorie, nous procédons à des prélevements d’échantillons depuis les frontières d’entrée du pays pour des analyses. Ainsi le contrôle déclare le produit conforme ou non à la consommation. Le produit importé déclaré impropre n’est pas autorisé à entrer sur le territoire national. Pour le produit fabriqué localement, nous procédons autrement. Le laboratoire se déplace dans les lieux de fabrique, et effectue des prélevements qui sont ensuite analysés. Suite aux tests, les produits déclarés impropres sont retirés du marché, s’ils y sont déja ou tout simplement interdits de vente.
Pour ce faire nous avons établi dès le démarrage du laboratoire un protocole très précis assurant une entière confidentialité des données transmises, celui-ci est à la base de nos travaux. Ainsi les techniciens du laboratoire tout au long du processus n’ont aucune indication aussi bien sur le nom que sur l’origine du produit qu’ils scutent, il y a sur ce point un véritable anonymat.

Le centre travaille t-il en vase clos, ou pour être plus clair n’est-il accessible qu’aux services satellites de l’État, ou est-il également possible pour toute personne susceptible d’être interessée par vos prestations de pouvoir vous contacter ?
Bien entendu nos services et prestations sont également ouverts au secteur privé puisque le laboratoire peut les accompagner dans leur démarche qualité, ce qui contribue par là même à la protection sanitaire du consommateur, tout récemment un transitaire est venu nous rencontrer pour des prestations d’analyses. Il semblait très satisfait de nos services puisqu’il n’était plus obligé d’envoyer ces échantillons au Kenya. Par ailleurs nous fournissons de nombreuses prestations pour le privé dans le domaine alimentaire, nous effectuons déjà la collecte et le prélèvement d’échantillons pour certains clients qui souhaitent réaliser des analyses physico-chimiques, des analyses bactériologiques dont notamment la listeria. Ces prestations interviennent sur les produits alimentaires d’origines végétales et leurs dérivés, cela peut-être les céréales, la farine, la viennoiserie ou bien encore les fruits frais et les conserves ; les produits d’origines animales, comme le lait, la viande conditionnée, le poisson ou encore la pâtisserie, les plats cuisinés, les corps gras et les boissons…
A plus forte raison nos travaux de recherche peuvent permettre le suivi de l’hygiène des unités de production, de distribution et de transformation et facilite les analyses biologiques pour l’importation et l’exportation. Il s’agit de la sécurité contre les risques d’origines alimentaires, mais aussi des risques provenant de l’eau, des boissons diverses susceptibles de menacer la santé de l’individu ou de la communauté.
D’ailleurs un grand volet de nos analyses est occupé par le domaine hydrique, ces analyses sont effectuées sur des eaux de consommation conditionnées comme les fontaines réfrigérantes ou la glace alimentaire ou bien encore sur les eaux de piscine, les eaux de mer, les eaux usées, ou enfin les eaux techniques hôtelières, comme celles que nous avons effectuées tout récemment pour l’hôtel Kempinski. Il faut bien saisir que ces analyses bactériologiques ne sont pas une fin en soi, mais plutôt un outil de travail qui permet d’obtenir une photographie de l’état sanitaire d’un produit à un moment donné. Le but qui est le nôtre, est de rechercher, avant qu’il ne soit trop tard, la ou les sources d’une éventuelle contamination par les microbes, de manière à stopper leur développement et à éviter toute contamination à grande échelle : rupture de la chaîne du froid ou de la chaîne du chaud, arrivée de la matière première avec une contamination initiale qui va se développer au gré des préparations, contamination croisée avec un environnement sale ou de matériel souillé, manque de propreté du personnel... Les causes de contaminations sont multiples mais, bien souvent, ce sont les règles d’hygiène de base qu’il faut revoir totalement. Nous intervenons là aussi car nous avons également pour mission d’apporter conseil pour la mise en place de bonnes pratiques d’hygiènes alimentaires. C’est ainsi que nous proposons des méthodes et des outils pratiques pour améliorer les différents aspects de la question sanitaire aux entreprises qui le souhaitent.

Etes-vous en mesure de procéder à l’analyse de tous les produits alimentaires présents en République de Djibouti et pourriez vous nous indiquer d’où vous tirez vos ressources puisque vous êtes un service financièrement autonome ?
Malheureusement nous ne sommes pas en mesure de réaliser en interne l’ensemble des champs possibles d’analyses de denrées alimentaires, et d’ailleurs je ne pense pas qu’il en existe un au monde qui, le puisse ! Pour autant en matière d’équipement d’analyse et de contrôle de la qualité des aliments, la capacité scientifique de notre laboratoire de recherche est très satisfaisante, la plupart des analyses de base sont réalisées dans notre laboratoire, pour celles dont nous sommes pas en mesure de réaliser ici nous disposons d’un plateau technique d’appoint avec lequel nous travaillons en étroite collaboration, et qui est en mesure de réaliser les analyses manquantes. Ces différents programmes de collaboration que nous entretenons avec différents laboratoires à l’étranger prend en compte également l’échange de personnel scientifique et technique de laboratoires ; ce qui va nous permettre d’améliorer et d’introduire régulièrement de nouveaux protocoles d’analyse dans notre laboratoire de recherche.
Quant à votre questionnement relatif aux ressources de notre Institution, je vous répondrais que nous sommes effectivement un service administrativement et financièrement autonome, et de ce fait nous ne recevons aucune subvention de l’Etat, la facturation des prestations que nous réalisons constitue notre seule source de financement. Le coût de ces prestations est fonction de la taille de l’entreprise. Toutefois un taux normal est demandé aux industries, un tarif réduit aux petites entreprises, aux importateurs, et une somme forfaitaire aux micros entreprises ou aux entreprises artisanales : celles-ci nous permettent d’assurer le bon fonctionnement de nos travaux de recherche.

À Djibouti nous assistons ces dernières années à une prolifération anarchique de commerces offrant au public des repas sommaires, confectionnés de façon rapide et désignés sous le nom d’en cas et dont les Djiboutiens sont très friands. Que pourriez-vous nous dire quant aux règles d’hygiènes qui y sont pratiquées ?
Bien évidemment certains de ces commerces ne répondent pas de façon stricte aux mesures d’hygiène telles qu’édictées par la réglementation en vigueur. Ce qui expose les consommateurs aux divers désagréments qui peuvent aller de la simple douleur gastrique à une toxi-infection. Les conditions actuelles dans le pays ne sont pas des plus favorables au développement d’une culture de la qualité.
La faible sensibilisation des métiers de la bouche est la principale contrainte je dois reconnaître. Seule une action concertée entre ces acteurs, dans le cadre d’une stratégie nationale, peut conduire selon moi, à une amélioration et à un développement de la chaîne alimentaire et de sa compétitivité. Il faut bien être conscient que toute manipulation de denrées alimentaires par l’homme est potentiellement source de contamination, c’est la raison pour laquelle les produits vendus dans les rues constituent pour nous une attention particulière. Nous allons investir les lieux publics, les restaurants afin de prélever et contrôler ces produits et établir un état sanitaire des métiers de la bouche : C’est une question de santé publique. Mais il faut tout de même garder à l’esprit que nous ne sommes pas un instrument répressif, notre objectif à travers cette démarche n’est nullement de sanctionner, de réprimer. Au terme de répression nous d’ailleurs celui de conseil ou de prévention, notre but est de guider nos clients dans l’interprétation et l’application de bonnes pratiques sanitaires.

Savoir expliquer et parvenir à convaincre s’avèrent essentiel pour la réussite d’une politique nationale de sécutité sanitaire des aliments, mais comment comptez-vous faire pour y parvenir ?
Je crois que c’est en éveillant la vigilance du consommateur que peuvent être créé les comportements nouveaux. Je ne suis pas naïf, je me doute bien que cela ne sera pas facile, c’est la raison pour laquelle nous avons réaliser un vaste plan de communication, nous l’avons conçu comme un concentré d’activitées de sensibilisation et de plaidoyer en direction de l’opinion nationale, afin d’aboutir à l’implication de l’ensemble des intervenants dans le domaine de la santé de nos populations. Dans le contexte de la globalisation de l’économie, il nous faut être plus prudents, plus vigilants sur le respect des exigences sanitaires et phytosanitaires nationale afin de mieux assurer la protection et la santé de nos populations. Cela est d’autant plus important que notre pays a connu par le passé de nombreux cas d’intoxications alimentaires fort heureusement d’intensité peu aïgues. Mais il faut tout même garder à l’esprit les effets néfastes sur la santé des toxi-infections alimentaires collectives, ces dernières par ailleurs peuvent faire peser un lourd fardeau aux systèmes de soin de santé. Et ce qui est d’autant plus regrettable, c’est que tous ces cas de toxi-infections alimentaires que nous avons connus sont dus pour la plupart à l’insuffisance d’informations sur les bonnes pratiques d’hygiènes et de condionnement des produits de consommation.
La solution à ce problème se trouve sans aucun doute dans le vaste plan de communication que nous allons sans plus tarder mettre en place au niveau national, avec des messages accessibles à toutes les populations. Il faudrait, par le biais des canaux de communication appropriés, amener les consommateurs à appréhender les problèmes de sécurité sanitaire des aliments dans toute leur plénitude.

Quel est votre ambition et vos espoirs pour le laboratoire, demain ?
C’est simple je crois que ce laboratoire doit parvenir à s’imposer conme un acteur incontournable, il peut jouer un rôle de facilitateur du commerce je dirais, et ainsi contribuer à l’essor de l’économie nationale. Pour cela nous devons adopter une démarche d’ouverture pour expliquer aux opérateurs économiques, à nos concitoyens, nos missions, leur inculquer des techniques simples de bonne conservation des produits dans les entrepôts, dans leurs réfrigirateurs, ou dans les lieux de vente ou bien encore attirer leur attention sur le fait que si une denrée est déclarée impropre à la consommation humaine, elle l’est de facto également pour les animaux. Nous devons également améliorer les délais d’exécution des analyses, former le personnel pour qu’il soit au diapason de la technologie. Enfin, notre plan stratégique va dégager une vision pour les cinq prochaines années qui précise l’évolution du laboratoire, ses principaux défis et ses objectifs. Nous projetons par exemple de mettre en place prochainement un label, une sorte de certification des restaurants qui se soumettent régulièrement et volontairement à un contrôle de nos services. Je pense que ce sont des petites choses comme celles-ci qui à la longue permettront de faire évoluer les mentalités progressivement et consciencientiser d’avantage nos restaurateurs et nos concitoyens sur les questions sanitaires.
Pour ce faire nous sommes tenus tout de même de rester à la pointe sur tous les plans, par exemple en poursuivant notre politique d’acquisition de matériels neufs pour répondre aux exigences normatives, en adaptant les locaux, ou encore en formant toujours d’avantage le personnel.

Propos recueillis par Mahdi A.

 
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