Voilà une cérémonie dont on ne trouve pas trace sur le site de la Primature, ni dans les colonnes du quotidien gouvernemental, où dans celles en ligne de l’Agence djiboutienne d’information (ADI), encore moins sur le site de l’ambassade de France. Mais le compte Facebook de la Primature signale que « L’Ambassadeur de France à Djibouti, M. Christophe Guilhou a été élevé par le Premier Ministre, S.E.M Abdoulkader Kamil Mohamed, au rang de Chevalier dans l’Ordre National du 27 juin. La cérémonie qui s’est déroulée dans le Salon d’Honneur de la Primature ce mercredi dans la journée a vu la participation du Général Thierry Laval.
M. Guilhou qui a occupé les fonctions d’ambassadeur à Djibouti durant trois ans, de janvier 2016 à juin 2019 quitte le pays pour poursuivre sa carrière diplomatique au Cameroun.
Avant son affectation à Djibouti, l’ambassadeur sur le départ a exercé en tant que Consul général à Boston puis comme Directeur de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme à l’Organisation internationale de la Francophonie. » [1]
Pourquoi une telle discrétion ?
Tout simplement parce que cette cérémonie a été à l’origine d’un incident diplomatique mineur, ou plutôt d’une fausse note pour ne pas donner une dimension exagérée à l’évènement. Alors que cette belle journée du mercredi 24 juillet visait à célébrer une amitié franco-djiboutienne renouvelée, à l’avant-veille de la fin de mission de l’un de ses principaux artisans, supposé « heureux » récipiendaire de la décoration de Chevalier dans l’Ordre national du 27 juin. Les petits plats avaient été mis dans les grands : une série d’entrevues avec des femmes et hommes de premiers plans, déjeuner d’adieu offert par le gouvernement en présence de l’ensemble des représentants diplomatiques résidents à Djibouti et, clou du spectacle, la cérémonie de remise de l’honorable décoration. Pourtant, c’est ce dernier hommage qui aurait rendu chèvre l’ambassadeur de France, au point selon des informations concordantes, de voir la décoration renvoyée à l’envoyeur dès le lendemain de la cérémonie. L’attitude de l’ambassadeur pourrait étonner, mais pour le diplomate elle porte sans doute une signification. Il représente officiellement son pays, la France, et considèrerait que cette décoration, au « rabais » selon ses propos rapportés, comme une marque d’estime insuffisante qui ne reflèterait pas l’excellence des relations entre les deux nations. Pour rappel cette distinction comporte trois grades : chevalier, officier et commandeur. La couleuvre passe d’autant moins que des subalternes en mission pour la France à Djibouti auraient été décorés d’un grade supérieur. L’ambassadeur pouvait-il la refuser ? L’ayant reçu sans l’avoir réclamée, rien ne l’empêchait de décliner l’honneur, même si la démarche est inédite pour Djibouti. L’affront suprême !
Comment expliquer une telle bourde du cabinet du Premier ministre ?
Il n’y avait bien entendu aucune volonté malintentionnée, l’erreur est imputable à notre légèreté coutumière dans l’attribution des décorations… Prenons-en de la graine. Cet épisode doit nous interroger plus largement : à quoi sert-il de décorer de l’Ordre du 27 juin à tour de bras ? Beaucoup reprochent au triumvirat de la Primature de distribuer ces médailles un peu trop généreusement et non pour des actions exceptionnelles. En effet, il n’aura échappé à personne que le choix de certains décorés, pour des mérites qui ne sont pas nécessairement toujours très clairs, peuvent laisser médusés les citoyens que nous sommes… Qu’ont fait ces individus décorés de plus que le reste des citoyens ? Quels services éminents certains supposés héros de la patrie ont-ils rendus à la nation pour justifier ces décorations ?
Dans notre pays où les notions et valeurs qui portent la citoyenneté ont du mal à se développer, cessons de brader les honneurs si on ne veut pas les démonétiser. Chérir sa patrie, s’engager pour la défendre et porter ses valeurs, voilà ce qui devrait guider l’attribution des médailles. L’ambassadeur a-t-il eu raison de renvoyer le médaillon ? On peut raisonnablement penser qu’il était dans son bon droit même si la formule surprend… Une lecture attentive de l’entretien publié il y a tout juste deux jours - le 1er août - dans nos colonnes permet cependant de mieux comprendre ses raisons : la décoration n’est pas à la hauteur des efforts que Christophe Guilhou a fournis et des avancées qu’il a obtenues dans le renforcement des liens entre les deux pays.
Mahdi A.