Human Village - information autrement
 
Des cas de viol aux somnifères de plus en plus nombreux à Djibouti…
par Mahdi A., juillet 2016 (Human village 27).
 

Une arme redoutable a fait son apparition ces dernières années à Djibouti : le somnifère ! Ce médicament a, première vue, inoffensif est devenu ces dernières années l’arme préférée de criminels. N’hésitant devant rien pour assouvir leur plaisir, ils vont jusqu’à mettre sur pied de diaboliques stratagèmes afin d’amener des jeunes filles à consommer des boissons préalablement saupoudrées de somnifères !
Ces monstres ne sévissent pas à Paris, ni aux États-Unis d’Amérique, ces histoires tragiques se déroulent à Djibouti. Ces faits qui nous ont été contés par deux responsables de la Cellule d’écoute, d’information et d’orientation des femmes et des filles victimes de violences, mesdames Saharla Hassan Ali (coordinatrice) et Amina Goudaleh Gouda (assistante sociale) remontent à 2015. A travers ce témoignage, elles souhaitent alerter et interpeller les parents, les pouvoirs publics, mais aussi et surtout les jeunes filles sur les dangers et les risques qui les guettent…

Comment opèrent ces violeurs…
La première victime est une mineure, d’à peine 15 ans, inscrite en collège. Elle fréquente un petit ami majeur, qui conduit sa propre voiture. Ils sont ensemble depuis plusieurs mois et il vient régulièrement la récupérer à la sortie de son collège. S’estimant trop jeunes pour aller au delà du flirt, le sexe n’est pas au programme de leur relation. Mais il faut croire que son compagnon ne l’entendait pas de cette oreille. C’est ainsi que, comme à son habitude, il la récupère à la sortie du collège pour une petite promenade en voiture, en lui proposant de siroter un Fanta décapsulé, tout en profitant du paysage… La collégienne ignore que sa boisson a été droguée aux somnifères !
Tout d’un coup elle ouvre les yeux, elle ne comprend pas, elle a l’impression de sortir d’un sommeil profond, elle a un mal de tête et ne sait pas où elle est, tout est flou… Immédiatement elle prend conscience que quelque chose ne va pas. Elle a comme une sensation qu’il y a comme un trou noir, une perte de mémoire sur les derniers évènements. En jetant un œil sur sa montre elle ne comprend pas comment elle a pu être assoupie aussi longtemps. Rapidement elle en vient à s’inquièter de ses parents qui pourraient ne pas comprendre pourquoi elle n’est encore rentrée au domicile familial à une heure aussi tardive.
Son compagnon cherche à la rassurer en lui disant qu’elle s’est endormie et qu’il n’avait pas souhaité la déranger… Rentrée à son domicile, la jeune victime se dirige immédiatement à la salle de bain pour sortir de cette torpeur, calmer ce mal de tête infernal… En se déshabillant, elle constate qu’elle a eu une relation sexuelle à son insu, qu’elle a été déflorée… Effondrée, elle n’en revient pas, mais les faits sont évidents : elle a été violée ! Sa première réaction a été de faire disparaitre les traces de cette ignominie. Il importait pour elle que ses parents n’en sachent rien ! Sans doute la peur d’être jugée, d’être accusée d’être à l’origine de ce malheur… Elle est dans une impasse, mais sa décision est prise : elle ne dévoilera cette atrocité à personne ! Elle préfère souffrir en silence pour préserver son « honneur ». Elle coupe bien évidemment les ponts avec son petit ami dans la foulée.

Une grossesse inattendue…
Cette triste histoire aurait pu en rester là ! Mais quatre mois plus tard la jeune fille ne peut plus cacher à sa mère qu’elle est enceinte… Affolée, la mère cherche de l’aide. Elle en trouve à la cellule d’écoute. Le violeur est convoqué à la cellule en présence des parents de la victime. Il nie le viol, et donc la paternité de l’enfant, mais reconnaît avoir été le « petit ami » de l’adolescente plusieurs mois. Les preuves du crime ayant été détruites, il n’a pas été possible de confondre le criminel. Cependant il sera condamné par la justice et emprisonné pour détournement de mineur… En effet faute de preuves, la justice ne peut aller plus loin ! L’adolescente meurtrie a du arrêter ses études, et la voilà fille-mère à 16 ans…
A la même époque, un autre cas similaire a été géré par nos deux militantes de la cause des femmes. Il s’agit cette fois-ci d’une jeune étudiante majeure, qui aurait subit la même agression par un homme d’âge mûr. Elle a été également droguée aux somnifères et est tombée enceinte. La cellule d’écoute et la gendarmerie n’ont malheureusement pas pu agir dans ce cas, puisque l’auteur du forfait a nié avoir utilisé des drogues dans une boisson. Il parle de relation sexuelle consentie entre deux adultes responsables et dément fermement l’avoir violée ! Ces prédateurs bénéficient dans leurs forfaits honteux de la « complicité » indirectement de leurs victimes… La peur de la famille, de ce que l’on pourrait dire, d’être stigmatisée par la société, fait que les personnes violées se refusent à dénoncer le crime qu’elles viennent de subir et préfèrent effacer toutes les traces visibles au plus vite. Ces atrocités ne sont révélées qu’en cas de grossesse.

La situation deviendrait préoccupante, les jeunes s’inspirent de ce qu’ils voient à la télévision pour commettre leurs crimes
Tel est le constat des deux mousquetaires de la cellule d’écoute, même s’il n’existe pas de chiffres précis pour soutenir ce qu’elles avancent. Nos deux militantes de la cause des femmes ne peuvent faire que la supposition que les cas qui se manifestent à la cellule ou la gendarmerie ne reflètent probablement que l’écume de la situation. Par peur ou par honte, beaucoup de jeunes filles se terrent dans le silence plutôt que d’affronter l’oprobre de la famille, de la société, du quartier…

Que faire pour combattre ce fléau qui semble prendre de l’ampleur ?
Saharla Hassan Ali et Amina Goudaleh Gouda sont d’avis qu’il vaut mieux encadrer les enfants, pour leur faire comprendre qu’ils courent un danger et qu’ils doivent être vigilants. Il est essentiel que les parents informent leurs enfants des réalités, qu’ils fassent de la prévention : il faut briser les tabous et ne pas avoir peur de parler de sexualité avec eux. Ce n’est pas tout. L’école doit aussi jouer son rôle, les programmes scolaires doivent être revus, et des campagnes de sensibilisation à l’intention des jeunes filles doivent être largement diffusées. La peur doit changer de camp et les violeurs doivent savoir que le crime ne restera pas impuni !

Mahdi A.

 
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