Le sauvetage en cours du pétrolier grec Sounion a été accueilli avec une grande satisfaction par les riverains de la mer Rouge et de l’océan Indien, car les conséquences environnementales de son naufrage seraient très élevées.
La journaliste Laurence Defrnoux met en avant que le succès de cette opération de sauvetage est le fruit d’un travail collectif. De nombreux États ont agit « main dans la main » afin de protéger la planète. « Après que le pétrolier, en flammes depuis le 23 août, a été remorqué au large de l’Arabie Saoudite à bonne distance des missiles houthis, la phase d’extinction de l’incendie devrait commencer ce week-end. Une opération dangereuse et complexe qui pourrait prendre plusieurs semaines. » [1]
Il faut dire que les inquiétudes étaient grandes après la frappe de « trois projectiles non identifié » à l’ouest d’Hodeïdah le 22 août. Plusieurs incendies s’étaient déclenchée sur le navire après cette attaque attribuée aux houtis. Les 29 membres d’équipage avaient été évacués vers Djibouti par la frégate française Chevalier Paul pour des raisons de sécurité. Depuis, le pétrolier était resté à l’arrêt en mer Rouge, entre les côtes yéménites et érythréennes. Le risque de propagation de l’incendie a l’ensemble du navire faisait craindre la fuite des 150 000 tonnes de pétrole brut qu’il transportait. Ce danger a motivé l’appel à la solidarité lancé par l’APZFD. « En réponse à cette situation critique, l’Autorité des ports et des zones franches appelle de toute urgence à une intervention immédiate de l’Organisation régionale pour la conservation de l’environnement de la mer Rouge et du golfe d’Aden (PERSGA) pour protéger l’environnement marin et atténuer l’impact de cette attaque. » [2].
Une catastrophe environnementale
La Grèce aura été probablement en première ligne pour porter assistance à ce navire, qui appartient à une de ses compagnies, Delta Tankers. Elle affirmait il y a quelques jours prévoir une intervenir rapidement « pour déplacer le navire vers une destination plus sûre » [3]. « La mission iranienne auprès des Nations unies (ONU) avait indiqué le 28 août que le mouvement des houthis avait accepté la “trêve” sollicitée par plusieurs parties pour permettre l’opération de sauvetage, compte tenu des impacts pour les communautés côtières yéménites en cas de déversement. Toutefois, les moyens de la société de sauvetage ont été encadrés par une escorte des forces navales de l’Eunafvor. Le remorqueur a été identifié comme étant l’AHTS Aigaion Pelagos, de la société grecque Megatugs Salvage & Towing. D’une force de traction de 120 t, ce navire expert des eaux profondes et des environnements difficiles est conçu pour repositionnement des plateformes, la manutention des ancres et la lutte contre les incendies. [4].
En effet les dégâts environnementaux causés par un écoulement du brut en mer Rouge seraient majeurs, selon Wim Zwijnenburg, spécialiste des questions liées aux conflits et à l’environnement de sein de l’ONG néerlandaise Pax For Peace. Dans les colonnes de Libération, il insistait sur la fragilité de l’ecosystème marin de la mer Rouge : « S’il s’agissait d’un déversement de pétrole brut de grande ampleur, cela affecterait l’écosystème marin de la mer Rouge, notamment les récifs coralliens et leurs nombreuses espèces de poissons. En fonction du courant, les îles alentour, comme les îles Farasan ou l’archipel érythréen des Dahlak, pourraient aussi être touchées. Les zones côtières yéménites, ses pêcheries et ses quelques réserves naturelles protégées comprenant des espèces de tortues seraient aussi concernées. Au niveau des côtes saoudiennes, les usines de dessalement de l’eau potable pourraient aussi être affectées. Les attaques des houthis sur les navires constituent donc un risque permanent pour l’environnement marin de la mer Rouge. » [5]
Djibouti aurait pu être touché par une fuite du brut en mer Rouge, puisque la mer Rouge communique avant l’océan Indien selon le sens des courants et les saisons. Interrogée sur l’ampleur d’une possible pollution par les 21 000 tonnes d’engrais transporté par le Rubymar en cas de cassure de la coque, Sylvie Gobert, professeure d’océanographie biologique à l’université de Liège, considérait alors qu’il était difficile d’en évaluer l’ampleur, tout en soulignant que les eaux de la Méditerranée et de l’océan Indien pourraient certainement être impactées en cas de grave sinistre : « 21 000 tonnes, ce sont d’énormes quantités bien sûr, mais ça va dépendre aussi des courants. La Mer Rouge a une forme de “tube” qui va vers la Mer Méditerranée depuis l’océan Indien. Il y a des courants entrants en Mer Rouge à certains moments, mais il y a aussi des courants sortants et donc la pollution pourrait alors être exportée vers l’océan Indien et, à ce moment-là, être un peu plus diluée. Mais on peut aussi se trouver dans la situation inverse. » [6].
Pour l’heure tout est bien qui finit bien ! Mais pour combien de temps ?
Mahdi A.
[1] Laurence Defrnoux, « En mer Rouge, union sacrée pour le sauvetage du « Sounion » », Libération, 20 septembre 2024.
[2] « Sauvetage du Sounion en mer Rouge », Human Village, août 2024.
[3] « Un pétrolier attaqué au large du Yémen pose un “risque environnemental” », alerte l’UE », Le Monde, 22 août 2024.
[4] Adeline Descamps, « Mer Rouge : le pétrolier en feu a trouvé une zone refuge », Actu Transport Logistique, 20 septembre 2024.
[5] Izia Rouviller, « Mer Rouge : “Les attaques des Houthis sur les navires constituent un risque permanent pour l’environnement marin”, Libération, 18 juillet 2024
[6] Myriam Baele, « Attaques en mer Rouge : inquiétude après le naufrage d’un navire, une “catastrophe écologique” », Le Soir, 4 mars 2024.