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Le Petit Koudou documenté à Djibouti
par Houssein Rayaleh, janvier 2024 (Human Village 50).
 

Nous documentons pour la première fois la présence du Petit Kudu Tragelaphus imberbis à Djibouti. Un Petit Koudou mâle adulte, désorienté et fatigué, a été heurté et tué par une automobile le 18 mai 2023, en bordure de la ville d’Ali-Sabieh (Figure 1) – 11°9’13.79"N, 42°42’44"E – capitale de la région d’Ali-Sabieh au sud de Djibouti (Figure 2).

Figure 1. Preuve photographique de la présence d’un Petit Kudu à Djibouti (18 mai 2023, Ali Sabieh)

Le Petit Koudou est originaire des zones semi-arides du nord-est de l’Afrique, s’étendant de la vallée d’Awash au sud-est de l’Éthiopie et à la majeure partie de la Somalie, dans certaines parties du Kenya, au sud-est du Soudan du Sud, à l’extrême nord-est de l’Ouganda jusqu’au centre de la Tanzanie ; la région coïncide avec la « zone aride Somali-Masai » (Leuthold 2013, Tilahun 2019).

Djibouti se situe dans l’aire de répartition du Petit Koudou Tragelaphus imberbis et du Grand Koudou Tragelaphus strepsiceros, mais avant cette observation, ces espèces n’étaient connues que par quelques rapports verbaux et anecdotiques, et les preuves confirmées de leur présence manquaient (East 1988, 1999). Laurent et Laurent ( 2002) a cité quelques rapports historiques sur le « koudou » (espèce non définie) et a mentionné une seule observation de Petit Koudou faite en 1999 par un ornithologue en visite.

Figure 2. Localisation à Djibouti en 2023 et aire de répartition mondiale du Petit Kudu

Les Petits Koudous sont classés comme quasi menacés et considérés comme potentiellement éteints à Djibouti sur la Liste rouge de l’UICN (UICN SSC Antelope Specialist Group 2016).

Cet enregistrement du 18 mai 2023, même s’il s’agit d’une triste nouvelle car l’individu observé a été tué, présente la première preuve concrète de la présence du Petit Koudou à Djibouti, et renforce les annales du patrimoine biologique du pays, que nous apprécions grandement. On ne sait pas comment cet individu est arrivé dans la ville d’Ali-Sabieh et pourquoi il était désorienté et fatigué. La région d’Ali-Sabieh, est limitrophe des pays voisins d’Éthiopie et de Somalie, et il est possible que l’animal ait parcouru une grande distance à la recherche d’un fourrage abondant, suite aux pluies récentes et inhabituelles dans cette région. Alternativement, il pourrait provenir d’une population habitant encore le terrain montagneux accidenté de cette région. Quoi qu’il en soit, cette observation est un point importante qui met en lumière les points chauds de la biodiversité de Djibouti, montrant qu’il existe des opportunités pour de nouvelles recherches scientifiques.

Ayant passé plus de trente-quatre ans à mener des travaux de terrain à Djibouti, j’ai toujours soupçonné que cette espèce pouvait y vivre, car de nombreuses régions du territoire sont peu peuplées et difficilement accessibles en raison de leur géologie accidentée. Nous pensons donc que d’autres Petit Koudou, ou d’autres grands mammifères, vivent encore à Djibouti sans être détectés.

La République de Djibouti, ancienne colonie française, dispose d’un nombre limité de travaux de recherche en histoire naturelle d’intérêt international. Les descriptions historiques de la flore et de la faune du pays l’ont dépeint comme une contrée inhospitalière, même pour la faune, et riche uniquement pour l’exploitation minière. Cependant, des travaux récents de terrain ont montré la présence d’espèces non répertoriées à Djibouti, qui abrite en fait de nombreuses espèces marines et terrestres cachées. Par exemple, le Somali Sengi Galegeeska revoilii était considéré comme endémique à la Somalie et n’avait pas été observé depuis les années 1970. En 2019, l’espèce a été piégée et photographiée dans plusieurs localités de Djibouti, démontrant à la fois que l’espèce est toujours existante et qu’elle connaît une extension significative de son aire de répartition (Heritage et al. 2020). Puis, en 2022, un guépard adulte, Acinonyx jubatus, a été photographié sur le plateau de Digri, première preuve photographique de l’espèce dans le pays (Murgatroyd et al. 2023). Le plateau de Digri se situe en effet à seulement 30 km environ d’Ali Sabieh où a été découvert le Petit Koudou.
Ces redécouvertes pourraient constituer une première étape des nécessaires efforts de conservation de l’espèce et soulignent la nécessité de poursuivre les recherches sur la faune sauvage à Djibouti. La publication de découvertes comme celle-ci peut contribuer à susciter de l’intérêt et à obtenir des fonds supplémentaires pour la conservation (Ladle et al. 2011). Des études plus approfondies sont nécessaires dans cette poche d’Afrique qui est devenue un point d’intérêt militaire stratégique, soumise à un développement rapide des infrastructures électriques et des énergies renouvelables. Nous recommandons que des enquêtes de terrain soient entreprises rapidement, dans la zone de cette observation ainsi que dans d’autres habitats naturels potentiels du pays, pour déterminer s’il existe une population résidente de Petit Koudou et d’autres espèces d’antilopes. Nous faisons donc appel à la générosité des communautés philanthropiques et internationales de la conservation pour nous aider dans cette entreprise.

Houssein Rayaleh

Cet article est la version française de Houssein Rayaleh et Faysal Daher Djama, « Lesser Kudu documented in Djibouti », GnusLetter, IUCN SSC Antelope Specialist Group (ASG), volume 40, n° 2, novembre 2023.

 
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