Dans l’espoir de relancer la campagne de vaccination contre le Covid auprès de la population – actuellement en échec avec à peine 2% des habitants vaccinés -, le nouveau ministre de la Santé, Ahmed Robleh Abdillahi, veut faire de l’augmentation du taux de vaccination le marqueur de son efficacité à la tête de ce département. Il a donc décidé de rendre obligatoire la vaccination contre le Covid-19 pour tous les ressortissants djiboutiens, ainsi que les étrangers résidant sur le territoire national, âgés de plus de 25 ans et désirant accomplir un déplacement international.
La mesure, pourtant annoncée sur les ondes de la RTD il y a un mois, a déchainé les critiques. Cette disposition est vue comme une obligation vaccinale, une dérive autoritaire. En effet, le décret n° 2021-143/PRE, promulgué le 20 juin 2021, rend « obligatoire la vaccination contre le Covid-19 pour tout individu âgé de plus de 25 ans ressortissant djiboutien et étranger résidant sur le territoire national avant tout déplacement international ». Dès sa diffusion sur les réseaux sociaux hier, lundi 21 juin, les réactions ont été vives. De nombreux appels à dénoncer et rejeter cette vaccination obligatoire « déguisée », nécessaire pour quitter le territoire en pleine saison estivale, fleurissent chez les internautes qui ne prennent pas de gants. Ils rejettent une décision autoritaire. Ils considèrent comme contraire à leurs droits en particulier son article 3 qui précise que « l’autorisation de quitter le territoire est subordonnée à la présentation de l’un des documents suivants : un certificat ou une attestation attestant du respect de l’administration d’au moins une dose des schémas vaccinaux en vigueur ; une attestation de l’existence de contre-indication(s) médicale(s) à la vaccination contre la Covid-19 ». Une injonction qui passe difficilement, c’est le moins que l’on puisse dire !
Un vif débat sur les réseaux sociaux
Florilèges d’extraits de messages publiés sur la page Facebook de Djib Live :
– Jouleibib Al Yafeh : « Même quand nous sommes au lit d’hôpital les docteurs prennent nos consentement pr ce faire opéré ALLAH KARIM »
– Ahmed Omar : « C’est la récompense du vote avec 97% »
– Med Osman : « Même le pays développe n’ont pas rendu obligatoire dans leur pays , c’est chaud »
– Abdoukader Yassin : « Je trouve que le pire ce le fait de ne pas consulter la population, au lieu de considérer le peuple comme du bétails et annoncer des décrets sans vote ni même un sondage. »
– Farhan Cher : « Le décret ne précise pas une réduction du tarif de l’EDD pour les non vaccinés qui seront empêchés de partir en vacances dans un pays aux températures plus clémentes »
– Zeid Ahmed : « Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu pour mériter toutes ces obligations en violant le principe de garant de sa propre santé. »
– Hemeda Houssein : « la vaccination est un choix et chacun est garant de sa propre santé donc je ne vois pas pourquoi la rendre obligatoire. »
– Houssein Ismael : « Cesser de voir les choses négativement ce décret présidentiel n’a rien de stupéfaction je me suis vaccinée volontairement avant même l’officialisation du vaccin anti covid j’ai pris les deux doses et je ss bel et bien en vie ya rien a créer de cela une polémique l’état garantie la santé publique luttons contre les esprit fanatiques… »
L’analyse de Mohamed Abayazid
Pour mettre un peu de raison dans ce débat, nous avons recueilli l’avis de maître Mohamed Abayazid sur la validité de ce décret. Sa réponse est claire : sur la forme cette décision serait illégale.
« Le décret n’est pas conforme au droit puisqu’il contrevient à un principe qui est consacré par la Constitution dans son article 52, mais aussi par les articles 14 à 19 du Code civil. Ils protègent le principe du respect de l’intégrité de la personne humaine. Ces articles précisent que l’on ne peut pas porter atteinte au corps humain, à l’exception de raisons thérapeutiques impérieuses. C’est-à-dire que l’État ne peut pas obliger un être humain à se vacciner. Le consentement de l’individu est un préalable obligatoire.
Le principe est simple : a-t-on le droit d’injecter un produit dans le corps d’un individu sans son consentement ? La covid-19 est-elle une obligation thérapeutique ou est-ce de la prévention pour protéger le vacciné et les autres individus ? Si c’est pour protéger autrui il n’appartient pas au gouvernement de prendre cette décision, car cela porte atteinte à l’article 52 de la Constitution, qui relève du domaine exclusif de la loi. C’est-à-dire que comme c’est la loi qui l’a établi, il ne peut être défait que par la loi à la suite d’un débat parlementaire pour que l’on puisse imposer les conditions de cette restriction. Si des personnes se sentent lésées par ce décret, ils peuvent l’attaquer au tribunal administratif pour faire constater son illégalité, puisqu’il contrevient aux dispositions législatives. »
Quant à savoir s’il est déjà arrivé que le tribunal administratif récuse un décret présidentiel, maître Mohamed Abayazid livre son sentiment : « Bien évidemment nous sommes dans un État démocratique. Moi-même j’ai fait annuler en Cour de justice un décret de révocation de six agents de l’État parce qu’il ne respectait pas les dispositions légales. Le gouvernement s’est plié à la décision et a été contraint de réintégrer les plaignants dans leur fonction. Maintenant comment expliquer cette situation ? Le président a probablement été mal conseillé. L’obligation vaccinale pour obtenir un document administratif ou quitter le territoire est une atteinte grave aux principes de la dignité humaine et du corps humain. Pour déroger à ce principe, il faut passer par l’Assemblée nationale : seul le législateur a la possibilité de rendre une vaccination obligatoire. »
Est-ce à dire que le président de la République aurait outrepassé ses prérogatives ? À cette question Mohamed Abayazid sort de son chapeau une jolie pirouette, expliquant que les choses ne sont pas aussi simples : « Le président exerce le pouvoir réglementaire, mais il est supposé être conseillé par des personnes spécialisées qui aurait dû connaitre les textes qui régissent le pays. Même si il est de la responsabilité du président de promulguer la loi, il sait que ses actes peuvent être soumis au contrôle du tribunal administratif. C’est une instance de contrôle a posteriori. Le gouvernement pourrait dès à présent rectifier le tir en retirant le décret et en soumettant au débat parlementaire un projet de loi sur cette question. Cette décision permettrait d’éviter l’empiètement sur les prérogatives du pouvoir législatif, de respecter la séparation des pouvoirs. Le ministre de la Santé aurait dû consulter en amont la commission de législation, de l’administration générale et des droits humains de l’Assemblée nationale avant de chercher à édicter un texte qui contrevient autant à la loi, notamment aux principes de libertés régis par l’article 52 de la Constitution. »
À en croire cet avis juridique, un décret présidentiel ne peut ôter la primauté que la loi a attribuée au corps humain. Les personnes qui contesteraient la légalité de ce décret peuvent saisir le tribunal administratif, un droit garanti par nos institutions.
Nous devons noter cependant que l’obligation vaccinale n’est pas illégale par principe, si l’on considère par exemple les campagnes de vaccination obligatoire contre la poliomyélite ou la tuberculose ou, pour les voyageurs internationaux, contre la fièvre jaune.
Mahdi A.
Décret n° 2021-143/PRE
Rendant obligatoire la vaccination contre la Covid-19 pour tout individu âgé de plus de 25 ans ressortissant djiboutien et étranger résidant sur le territoire national avant tout déplacement international
Le président de la République, chef du gouvernement,
VU la Constitution du 15 septembre 1992 ;
VU la Loi constitutionnelle n°134/AN/06/5ème L du 02 février 2006 portant révision de la Constitution ;
VU la Loi constitutionnelle n°215/ AN/08/sème L du 19 janvier 2008 portant révision de la Constitution ;
VU la Loi constitutionnelle n°92/ANIl0/6ème L du 21 avril 2010 portant
révision de la Constitution ;
VU la Loi n° 48/AN/99/4ème L du 03 juillet 1999 portant orientation de la politique de santé ;
VUla Loi n° 173/ AN/07/5ème L du 22 avril 2007 portant réorganisation du ministère de la Santé ;
VU le décret n°2021-062/PRIMS du 18 mars 2021 instituant diverses mesures de prévention contre la propagation du Covid-19 ;
VU le décret n°2020-080/PRIPM du 10 mai 2020 portant levée partielle des mesures exceptionnelles de prévention contre la propagation du Covid-19 ;
VU le décret n°2020-333/PRE du 28 décembre 2020 portant création d’une commission nationale chargée de l’introduction et du déploiement du vaccin
Covid-19 en République de Djibouti ;
VU le décret n°2021-10S/PRE du 24 mai 2021 portant nomination du Premier ministre ;
VU le décret n°2021-106/PRE du 24 mai 2021 portant nomination des membres du gouvernement ;
VU le décret n°2021-114/PRE du 31 mai 2021 fixant les attributions des ministères ;
VU l’urgence de la situation.
décrète
Article 1 : La vaccination contre la Covid-19 est obligatoire pour tout individu âgé de plus de 2S ans, ressortissant djiboutien et étranger résidant sur le territoire national avant tout déplacement international.
Article 2 : Le ministre de la Santé communiquera trimestriellement, et lorsque cela est nécessaire sur la base des données disponibles et de l’évolution de la situation sanitaire, les recommandations relatives aux modalités de mise en oeuvre des schémas vaccinaux contre la Covid-19.
Article 3 : L’autorisation de quitter le territoire est subordonnée à la présentation de l’un des documents suivants :
– Un certificat ou une attestation attestant du respect de l’administration d’au moins une dose des schémas vaccinaux en vigueur ;
– Une attestation de l’existence de contre-indication(s) médicale(s) à la vaccination contre la Covid-19.
Article 4 : Les contre-indications à la vaccination sont :
a. Contre-indications permanentes
– Age inférieur à 25 ans sur présentation d’une pièce d’identité ;
– Délivrance d’une 1ère dose d’un vaccin contre la Covid-19 autre que ceux disponibles sur présentation d’un carnet vaccinal ou d’un certificat de vaccination ;
– Allergie à l’un des composants du vaccin ;
– Pathologies qui contre-indiquent la vaccination.
b. Contre-indications temporaires
– allaitement d’un nourrisson de moins de 6 mois ;
– grossesse ;
– personne qui a eu le Covid-19 positif dans un délai inférieur à 4 mois sur présentation d’un certificat de positivité ;
– infection aiguë documentée.
c. Dérogations
Pour les personnes désireuses de se vacciner à l’étranger, il y a lieu de fournir la preuve de rendez-vous à l’étranger puis la présentation du certificat de vaccination au retour.
Toutes les personnes qui quittent le territoire national et qui présentent l’une de ces contre-indications ou dérogation doivent se munir d’un certificat de contre-indication délivrés par l’un des médecins régulateurs dument désigné par le ministère de la Santé.
Article 5 : Les voyageurs au départ et à l’arrivée de Djibouti et qui sont âgés de plus de 11 ans sont tenus à la présentation obligatoire d’un test RT-PCR du Covid-19 négatif réalisé dans les 3 jours avant le voyage. Le dépistage reste obligatoire même pour les passagers vaccinés.
Article 6 : Tout voyageur qui rentre sur le territoire djiboutien et qui présentent un test Covid-19 positif sera immédiatement mis en isolement durant 10 jours.
Article 7 : Durant l’isolement, les voyageurs étrangers seront logés à leur frais dans un hôtel. Les voyageurs djiboutiens seront logés et nourris gratuitement dans des sites d’isolement. Les voyageurs djiboutiens pourront également à leur frais résider dans un hôtel.
Article 8 : A l’arrivée sur le territoire Djiboutien, tout voyageur qui n’est pas vacciné contre le Covid-19 et qui présente un test négatif sera soumis à une quarantaine obligatoire à domicile.
Article 9 : Le présent décret qui prend effet à compter de sa date de signature sera enregistré, communiqué et exécuté partout où besoin sera.
Circulaire n° 290-MS-2021 du ministère de la Santé sur la délivrance de certificats médicaux de contre-indications à la vaccination
21 juin 2021
La présente circulaire a pour but de communiquer la liste des « médecins régulateurs », impliqués dans le dispositif de délivrance des certificats
médicaux de contre-indications à la vaccination et ce conformément aux
directives édictées par le décret 2021-113 du 20 juin 2021.
– La délivrance des certificats de contre-indications à la vaccination contre la coovid-19 recouvre les cas relevant de :
• De contre-indications médicales définitives ou temporaires ;
• De situations dérogatoires.
– Sont habilités à les délivrer :
• Pour les ressortissants djiboutiens et étranger résidant à Djibouti :
les médecins régulateurs en poste dans les vaccinodromes déployés sur le territoire (cf. liste nominative en p.j.) ;
• Pour le personnel des forces armées étrangères stationnées à Djibouti (et leurs familles) : les médecins des forces des services de santé des différentes bases militaires étrangères.