Fahmi Ahmed El Hag, conseiller du président de la République, publie dans La Nation une tribune sur les relations djibouto-saoudiennes que nous reproduisons ci-desous [1].
Une délégation saoudienne de haut niveau du Fonds saoudien pour le développement, conduite par son président exécutif, Sultan Ben Abdurahman Al Murshed, a séjourné à Djibouti du 15 au 17 février en vue d’examiner avec les autorités djiboutiennes l’avancement des projets en cours d’exécution qu’il finance et d’identifier les nouveaux projets pour lesquels le bailleur a marqué son intérêt à apporter son concours financier. Cette visite fut également l’occasion pour le président exécutif du Fonds ainsi que sa délégation de prendre part à la célébration de deux projets économiquement prioritaires.
Le premier concerne la pose de la première pierre de la route de Galafi, une infrastructure routière cruciale qui constitue le principal axe de transport routier entre Djibouti et l’Éthiopie par lequel transite une part importante de l’import-export éthiopien.
Le projet de réhabilitation de la route de Galafi a été mis en œuvre à la suite du constat alarmant de l’état de dégradation croissante de cette infrastructure, sur un tronçon de plus de 60 kilomètres, provoqué par les pluies diluviennes qui ont durement frappé la région, entraînant un ralentissement significatif du trafic, les camions et semi-remorques éthiopiens ayant été provisoirement détournés sur des pistes qui ont naturellement allongé leur temps de trajet. C’est dans ce contexte d’urgence que l’Arabie saoudite a répondu favorablement à la requête du gouvernement de Djibouti en lui octroyant un financement de 120 millions de dollars U.S destiné au travaux de réhabilitation de ce tronçon routier afin de fluidifier la circulation des camions et semi-remorques éthiopiens et assurer ainsi l’acheminement d’une quantité en progression croissante de marchandises vers l’Éthiopie, qui représente un hinterland naturel couvrant un marché de plus de 100 millions de consommateurs et constitue à ce titre un partenaire commercial de premier plan. Ce financement de 120 millions de dollars est assorti de conditions financières souples avec un taux d’intérêt de 1 % et une période de remboursement de trente ans, dont un délai de grâce de dix ans, de nature à soulager notre capacité de remboursement.
Enfin, la réalisation de ce corridor stratégique pour le flux des marchandises vers l’Éthiopie relève du secteur tertiaire qui constitue le socle de notre économie et s’inscrit dans le cadre de la politique du gouvernement visant à promouvoir des secteurs d’investissements clés à dimension régionale, aptes à positionner notre pays comme une plate forme multimodale compétitive au service du commerce régional.
Le deuxième projet porte sur l’inauguration de l’infrastructure hydraulique de Bissidirou, dans la région d’Obock qui permettra d’approvisionner les populations de la région d’Obock et de ses localités environnantes en eau potable, condition vitale au bien-être des populations, et contribuera ainsi à créer les conditions nécessaires pour rompre leur isolement économique et social. Car le contexte de déficit important en eau potable de la région d’Obock confrontait la population à un manque aigu d’approvisionnement en eau et la privait de la sorte de toute perspective de développement, sachant que le seul moyen d’y accéder auparavant était assuré par la distribution occasionnelle de camions citernes.
C’est pourquoi, ce projet a été au centre des préoccupations du président de la République qui a voulu en faire une priorité nationale dans le cadre de la politique de lutte contre la pauvreté et de l’exclusion sociale inscrite dans sa feuille de route visant à subvenir aux besoins essentiels des groupes sociaux vulnérables des régions de l’intérieur, notamment en eau potable et en l’occurrence des régions du Nord, aux fins d’amélioration de leurs conditions de vie et partant à un développement socio-économique homogène et durable, facilitant leur participation progressive aux fruits de la croissance économique. Là, également, le royaume frère d’Arabie saoudite a répondu positivement à l’appel du président de la République, et compte tenu de la nature du projet a apporté son appui financier sous forme de dons dans le cadre du Programme d’investissement national (PIN).
Par ailleurs, cette visite fut l’occasion pour le président exécutif du Fonds saoudien d’avoir un entretien fructueux avec le président de la République, au cours duquel ils ont passé en revue les projets en cours financés par le Fonds saoudien et déterminé un certain nombre de nouveaux projets au premier rang desquels figurent le programme de construction de logements sociaux ainsi que le projet de remise en état de la route de l’Unité, baptisée du nom du défunt roi Fahd, reliant la capitale à la ville de Tadjourah.
Sur ce dernier projet en vue, le président exécutif du Fonds saoudien a fait part au président de la République du vif intérêt de son institution à fournir l’appui financier nécessaire à la réhabilitation de cette infrastructure routière.
Pour appréhender la mise en place séquentielle de ce financement, un bref historique de ce projet s’impose. En effet, cette infrastructure avait été réalisée dans les années 1980 avec un financement de l’Arabie saoudite pour répondre à l’époque aux vœux du feu président Hassan Gouled de créer un axe routier de transport de véhicules destinés à faciliter le désenclavement des régions du Nord et rapprocher ainsi leur population à celles de la capitale.
Il se trouve que depuis quelques années cette infrastructure a connu une première dégradation sous forme de fissures provoquées par le trafic routier et l’état d’usure avancé de la route datant des années 1980 ; ce qui a conduit le gouvernement de Djibouti à approcher le Fonds saoudien pour une ligne de crédit destinée à réparer ces fissures, une démarche qui s’est traduite par une étude de faisabilité financée par l’Arabie saoudite et débouchant in fine sur un financement de 27 millions de dollars U.S. Cependant, ce montant s’est avéré insuffisant au vu de la détérioration accentuée de cette infrastructure survenue dans l’intervalle et à partir surtout de fin 2020, sous le double effet des pluies diluviennes qui se sont abattues fréquemment dans la région et du passage récent d’un certain nombre de camions en provenance d’Éthiopie via le tronçon routier Tadjourah-Balho (infrastructure routière financée par le Fonds koweitien et baptisée du nom du défunt émir du Koweït, Cheikh Sabah) qui assure le cheminement des marchandises en transit au port de Djibouti à destination de l’Éthiopie. La surcharge en tonnage, non prévue pour cet axe routier conçu initialement pour des véhicules utilitaires légers, a causé des dégâts considérables au point de le rendre impraticable. Compte tenu de ces nouveaux facteurs, le gouvernement a sollicité un financement complémentaire auprès du Fonds saoudien destiné cette fois-ci à la réhabilitation totale de l’infrastructure et fixé à cinquante millions de dollars U.S selon l’étude de faisabilité établie à cet effet ; ce qui porte le financement totale de l’Arabie saoudite à 77 millions de dollars U.S dont vingt-sept millions déjà acquis, le reliquat de cinquante millions de dollars ayant reçu un accord de principe comme vient de le confirmer le président exécutif du Fonds saoudien au président de la République. Et ce eu égard aux retombées économiques substantielles que va générer la réhabilitation de cette infrastructure routière :
– tant sur le plan national du fait qu’elle longe des pôles économiques comme le projet de géothermie, l’exploitation du sel du Lac Assal et celle de la perlite connu pour son intérêt vital dans l’industrie pétrolière, et va stimuler la création d’activités génératrices d’emplois et de revenus pour la population locale ;
– que sur le plan régional comme second corridor stratégique du commerce djibouto-éthiopien.
A l’issue de l’entretien, le président de la République et son hôte, le président exécutif du Fonds saoudien, ont admis mutuellement la qualité des relations étroites et historiques liant la République de Djibouti au royaume Frère d’Arabie saoudite, grâce à l’implication active du Fonds saoudien à l’effort de développement de notre pays.
Sur ce point, il convient de mentionner que ces relations ont pris racine à la veille de l’indépendance de notre pays lorsque l’Arabie saoudite a donné son engagement de garantir à notre pays les appuis techniques et les moyens financiers nécessaires pour contribuer à sa construction économique et sociale.
Cet engagement a donné naissance au fil du temps à une véritable coopération économique pérenne et viable entre la République et le Fonds saoudien où ce bailleur n’a eu de cesse à nous apporter son concours financier à des projets cruciaux couvrant l’ensemble des secteurs d’activités économiques ; allant du secteur social tel que la construction de forages d’eau dans les régions de l’intérieur, l’édification des premières structures éducatives comme le collège de Boulaos ainsi que dans le domaine de la santé, aux programmes de logements sociaux en passant par des projets d’envergure semi industriels comme la première usine minérale d’eau de Tadjourah, mais aussi d’infrastructures routières, hydrauliques et portuaires tels que le Port autonome de Djibouti.
Sans perdre de vue l’autre forme d’aide de l’État frère d’Arabie saoudite à notre pays, de nature différente mais non moins importante, celle qui concerne son soutien financier ponctuel à l’équilibre budgétaire de nos comptes sociaux ; et qui se traduit concrètement par un apport en liquidités substantielles destiné à combler, en cas de nécessité, le déficit conjoncturel de trésorerie de notre budget national, inhérent à des ressources financières limitées.
Tous ces concours financiers tant au niveau des projets de développement que de l’aide budgétaire prouvent assurément que le royaume frère d’Arabie saoudite est resté et demeure fidèle à son engagement historique, ce qui mérite sans aucun doute de le hisser à ce titre au rang de premier contributeur et partenaire financier à la dynamique de développement de notre pays.
C’est pour cette raison que nous devons lui faire part de notre profonde gratitude et lui exprimer nos remerciements pour sa disponibilité constante et indéfectible à concourir à la croissance économique nationale, une disponibilité qui constitue de fait un gage de stabilité et de paix sociale pour notre pays.
De par ma fonction de coordinateur des projets de développement auprès des institutions financières arabes du golfe et de l’expérience que j’en ai acquise, aussi modeste soit-elle, je voudrais ici saisir cette occasion pour affirmer, sans la moindre hésitation, que notre coopération avec l’État frère d’Arabie saoudite tient une place historique tout à fait exceptionnelle ; et que sa contribution inégalée et constante au développement économique et social de notre pays et à sa cohésion nationale, confère indiscutablement au royaume frère d’Arabie saoudite le rôle central de bailleur de référence et de partenaire fidèle.
Fahmi Ahmed El Hag, conseiller du président de la République pour la promotion des investissements
[1] Fahmi Ahmed El Hag, « Le royaume frère d’Arabie Saoudite, un partenaire fidèle », La Nation le 17 février 2022.