Human Village - information autrement
 
L’Éthiopie dénonce l’accord gazier avec Poly-GCL
par Mahdi A., juin 2025 (Human Village 54).
 

Selon The Reporter Ethiopia, le gouvernement éthiopien a décidé de renoncer à exporter les ressources en gaz de l’Ogaden ; il privilégie dorénavant les besoins de sa population aux devises procurées par l’exportation de gaz liquéfié. Plusieurs raisons sont évoquées pour cette nouvelle orientation de sa stratégie énergétique, dont notamment des retards et le non-respect des engagements pris par la société Poly-GCL pour le développement de l‘extraction du gaz, mais aussi la nécessité de produire de l’engrais et de réduire les importations d’énergies.
« Le ministère des Mines relance ses ambitions de réduction des importations
Le gouvernement a officiellement abandonné ses projets longtemps annoncés d’exportation de gaz naturel du bassin de l’Ogaden vers Djibouti via un gazoduc, invoquant des obstacles financiers persistants et des retards dans la mise en œuvre.
Cette annulation, confirmée dans le rapport Ethiopian Energy Outlook 2025, représente un changement majeur dans la politique énergétique nationale, qui s’éloigne des ambitions d’exportation pour se tourner vers l’utilisation domestique. Le gouvernement éthiopien a annulé le projet d’extraction de gaz naturel dans la région de l’Ogaden, ainsi que le projet de gazoduc vers Djibouti pour l’exportation sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL).
Préparé conjointement par le ministère de l’Eau et de l’Énergie, Ethiopian Electric Power (EEP), Ethiopian Electric Utility (EEU) et l’Autorité du pétrole et de l’énergie, le rapport Energy Outlook note que “les difficultés pour obtenir le financement du projet et la lenteur de sa mise en œuvre » ont contribué à la décision du gouvernement d’annuler le projet” » [1].

Dans les éléments de langage distillés pour justifier de la renonciation au projet d’exportation de gaz, le gouvernement éthiopien aurait pu aussi rappeler ses objectif de production de cryptomonnaie, une activité très énergivore qui « devrait consommer près d’un tiers de l’approvisionnement en électricité du pays en 2025, ce qui suscite des inquiétudes quant à la répartition de l’énergie dans un pays où la moitié de la population n’a pas d’accès fiable à l’électricité » [2]. L’apport de l’énorme potentiel gazier de son sous-sol dans son mix énergétique favoriserait l’essor des centres de données, pourvoyeur d’importantes entrées de devises pour l’économie éthiopienne.

Ce revirement ne sera peut-être pas sans conséquence. Poly-GCL peut saisir une instance d’arbitrage puisque « l’Éthiopie avait enregistré plus de 825 millions de dollars d’investissements liés à l’octroi de concessions de gaz naturel à des investisseurs en 2023/24. » Pour l’heure, ni le groupe Poly-GCL ni Djibouti n’ont réagi à cette information, qu’aucune déclaration officielle d’une autorité éthiopienne n’a encore confirmer au moment où nous publions ces lignes [3].
L’abandon du projet de pipeline ferait perdre à Djibouti les bénéfices que devait lui apporter l’accord signé en mai 2018 avec la société chinoise Poly-GCL, dont des droits de transit [4].« Le projet gazier, dont l’investissement total avoisine 4 milliards de dollars, comprend un pipeline de gaz naturel, une usine de liquéfaction et un terminal d’exportation. Les infrastructures seront localisées à Damerjog, au sud-est de la capitale Djibouti. Le gazoduc, long de 749 km, pourra transporter jusqu’à 12 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an, de l’Éthiopie vers Djibouti. L’usine de liquéfaction aura la capacité de produire annuellement 10 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) après l’achèvement des différentes phases du projet.

Dimanche, en marge de la formalisation du contrat de ce projet, Poly-GCL a également signé un mémorandum d’entente avec Electricité de Djibouti (EDD) – société en charge du service public de transport et distribution de l’électricité sur le territoire djiboutien – pour le développement de formules d’utilisation du gaz et des énergies renouvelables (solaire, éolien et CSP). Ce MoU vise “le développement de plus de 1500 mégawatts à Damerjog Industrial Parcs”, avec diverses usines dont : “une usine de production de méthanol, une raffinerie, une usine de PVC, une usine de production d’acier, mais aussi un data center (centre de données) et une usine de dessalement des eaux”, précise le ministère de l’Energie » [5].

La dénonciation des accords avec Poly-GCL, n’est pas le premier recul éthiopien. En 2022, l’Éthiopie avait déjà invoqué des retards dans la commercialisation de l’énergie pour révoquer la concession d’exploitation. Elle avait cependant été finalement reconduite en juin 2024 [6], décision qui faisait suite à la visite à Djibouti et Addis Abeba du PDG de la maison-mère de Poly-GCL, durant laquelle il avait rencontré Ismail Omar Guelleh et Abiy Ahmed.
Cette décision inattendue contredit des propos très récents du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed auprès d’acteurs du secteur économique et des journalistes, affirmant que « l’Éthiopie commencera à exporter du pétrole brut vers le marché international pour la première fois de son histoire à partir de septembre » [7].

Enfin, au-delà des raisons invoquées par le gouvernement éthiopien, d’autres facteurs expliquent sans doute l’annulation de ce projet de pipeline destiné à approvisionner en gaz le marché chinois. On pense évidemment à la rencontre du 20 juin 2025 à Addis Abeba avec le général Michael Langley, commandant de l’Africom, ou à celle de Taye Atske Sélassié, président de la République fédérale d’Éthiopie, avec Troy Fitrell, sous secrétaire d’État américain aux affaires africaines, à Luanda lors du « sommet des affaires 2025 USA-Africa » le 24 juin dernier. Cette dernière aurait été l’occasion de conclure un investissement de 250 millions de dollars dans l’hôtellerie. Ces bonnes relations laissent augurer des suites prometteuses, comme le soutien américain auprès des instances financières de Bretton Woods, dans le différend frontalier avec l’Érythrée [8] ou la quête d’un accès côtier pour la marine militaire éthiopienne et, puisque le point de chute restant à déterminer, pourrait coïncider avec le prochain tracé de pipeline d’exportation de gaz...

La rivalité stratégique entre les États-Unis et la Chine, accentuée par la transition énergétique, explique la bataille que se livrent Washington et Pékin autour des richesses du sous-sol du continent africain. A moins que l’Éthiopie en pleine renégociation de sa dette avec son principal créancier, la Chine, cherche à user de ce levier énergétique pour appuyer sa demande de restructuration de son financement ?

Mahdi A.


 
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