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Sahle-Work Zewde au Parlement djiboutien
par Mahdi A., décembre 2020 (Human Village 40).
 

Après des réunions de travail avec l’exécutif lors de sa deuxième journée à Djibouti, Sahle-Work Zewde, présidente de la République démocratique et fédérale d’Éthiopie, est venue rencontrer les élus nationaux. Accueillie par une standing ovation de plusieurs minutes des élus, et après avoir été présentée par le président du Parlement, Mohamed Ali Houmed, la présidente a pris la parole en français.

Elle a rappelé que cette visite n’était pas pour elle tout à fait comme les autres. Ce n’est pas sans une certaine émotion qu’elle a rappelé avoir vécu de nombreuses années à Djibouti en qualité d’ambassadrice d’Éthiopie. Elle s’est par ailleurs félicitée que les relations se soient considérablement densifiée entre les deux pays ces deux dernières décennies. Elle portait le message que l’Éthiopie a besoin de Djibouti et proposé un cadre multiforme de discussions, incluant notamment des questions sécuritaires. La présidente a aussi défini les objectifs de la stratégie de ce qu’elle appelle l’opération de rétablissement de l’ordre constitutionnel au Tigray.

Introduction par Mohamed Ali Houmed

Madame la Présidente de la République démocratique fédérale d’Éthiopie, 
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres 
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Mesdames et Messieurs et les ambassadeurs, 
Mesdames et Messieurs, 

Il y a cinq ans, ici même, nous avons eu l’insigne honneur d’accueillir Monsieur Haile Mariam Dessalegn, qui était alors Premier ministre d’Éthiopie, et qui s’était exprimé depuis cette tribune. Plus récemment, il y a deux ans, son successeur, Monsieur Abiy Ahmed Ali, honora aussi notre institution en y prononçant un discours d’amitié, mettant en exergue la fraternité qui unit nos deux peuples. Aujourd’hui, c’est avec une immense joie que nous accueillons une amie très chère de notre pays, Madame Sahle-Work Zewde, présidente de la République démocratique fédérale d’Éthiopie. 
Vous le savez déjà tous, cette amitié est le fruit d’un long séjour que Madame Sahle-Work Zewde a effectué dans notre pays en sa qualité d’ambassadrice d’Éthiopie de 1993 à 2002. La présente visite de Madame Sahle-Work Zewde symbolise plus que tout les liens multiformes et les sentiments fraternels qui unissent nos deux pays.
Notre assemblée qui depuis deux ans et demi est fière de voir un quart de ses sièges occupé par des femmes, est d’autant plus fière aujourd’hui de recevoir dans son hémicycle une sœur qui a atteint les plus hautes fonctions de son pays. En effet, la haute magistrature que vous représentez aujourd’hui est avant tout un aboutissement et un exemple pour toute l’Afrique.
Nous sommes aussi particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui car chacun sait toute la force de l’amitié qui unit nos pays frères et qui dépasse les intérêts communs et repose sur des liens de cœur solides, des liens historiques, des liens de partenariats et d’échanges. Sans oublier nos liens culturels qui sont venus à travers le temps tisser vigoureusement les fils qui nous unissent. 
Cette amitié profonde mérite d’être célébrée à sa juste valeur.
Madame la présidente, je ne saurai oublier d’évoquer la crise sanitaire actuelle inédite de la Covid-19 qui n’épargne aucun pays, aucune économie. Cependant, je reste confiant et persuadé que nos deux économies parviendront à surmonter ce nouveau grand péril qui menace nos pays. Par le passé, nous l’avons prouvé face à d’autres défis, et ce en les affrontant collectivement, par l’union de nos forces, de nos volontés et de nos intelligences.  
De la qualité de notre relation dépend notre capacité à relever ensemble ces nouveaux défis du XXIe siècle pour la Corne de l’Afrique. Nos deux pays démontrent en effet qu’une autre histoire est possible dans notre région. Que la guerre et la famine ne sont pas une fatalité. Que la pauvreté peut être vaincue. Que la solidarité, le commerce, et la préservation de la souveraineté sont des socles qui protègent des conflits. 

L’Éthiopie a su maintenir sa stabilité face aux conflits qui embrasent la région. Oui l’Éthiopie a pu surmonter les différentes crises qui ont jalonné son histoire récente en se réinventant continuellement afin de s’adapter et préserver sa cohésion nationale. Même dans des conjonctures difficiles, vous pouvez être fière Madame la présidente de votre pays qui a toujours su faire preuve de générosité à l’égard des autres.
En effet, votre pays accueille sur son sol plus de 665 000 réfugiés – ce qui en fait le plus grand pays d’accueil de réfugiés sur le continent - et par cela démontre une solidarité à toute épreuve. Nous ne pouvons que vous en féliciter. 
Mais, dans toutes ses épreuves, l’Éthiopie a d’abord pu compter sur les sacrifices de ses filles et de ses fils, sur les efforts de son peuple pour que la justice et la paix l’emportent. Votre grande nation a pu compter sur son génie, sur ses atouts économiques et intellectuels qui l’ont rendu si résiliente. Votre patrie a pu compter également sur ses amis, au premier rang desquels se situe la République de Djibouti, toujours présente à ses côtés. 
N’oublions pas que la stabilité de votre pays, c’est aussi la stabilité de Djibouti, et par conséquent la sécurité et la stabilité de toute notre chère région, la Corne de l’Afrique. 
Djibouti n’a cessé et ne cessera, Madame la présidente d’être à vos côtés. 
Aujourd’hui, j’entends certaines inquiétudes s’exprimer à propos de votre action pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans la région Tigray. Sans vouloir intervenir dans les affaires intérieures de votre pays, je suis confiant dans la capacité des autorités éthiopiennes à trouver une issue à ce problème interne.

Permettez-moi, Madame la présidente de la République d’Éthiopie, de terminer mes propos sur une note plus personnelle. Je souhaite rendre hommage à votre engagement au service de votre pays, dans votre longue carrière de diplomate, au service de l’Afrique comme représentante spéciale du secrétaire général des nations unies en Centrafrique, comme directrice de l’Office des nations unies à Nairobi et enfin comme secrétaire générale adjointe de l’ONU chargée de l’Union africaine.
Avec les choix politiques qui sont les vôtres, nous admirons votre sens des responsabilités, vous qui avez consacré votre vie à votre pays et qui continuez à le faire avec autant de passion. En effet, l’affirmation d’un État éthiopien solide a été et reste votre combat, couplé à celui de permettre aux femmes d’y occuper la juste place qui leur revient.
Madame la présidente de la République, Djibouti et l’Éthiopie sont liés pour toujours ! L’Assemblée nationale que je préside a à cœur de préserver et de renforcer cette amitié.
Vive la République de Djibouti
Et vive la République démocratique fédérale d’Éthiopie.

Allocution de Sahle-Work Zewde devant l’Assemblée nationale de Djibouti

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Honorables députés,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs,

C’est un immense plaisir et honneur pour moi que d’être ici devant vous pour venir m’exprimer devant cette auguste assemblée, des représentants du grand peuple djiboutien. Je vous remercie Monsieur le président et honorables députes pour l’insigne honneur que vous me faites on m’y invitant.
Je suis très heureuse de voir dans cette salle, plus de femmes que je n’en voyais lorsque j’étais à Djibouti. Je voudrais féliciter la République de Djibouti pour cette avancée significative. On est dans la bonne voie, on n’y est pas encore, mais c’est avec les fils et les filles de nos pays respectifs que nous pouvons aller de l’avant et je voudrais vraiment vous féliciter.
En revenant à Djibouti dans les fonctions qui sont les miennes, je suis porteuse d’un message d’amitié et de fraternité du gouvernement et du peuple éthiopien à l’endroit du peuple et du gouvernement djiboutien. Je mesure la portée symbolique de ma présence devant vous aujourd’hui qui est à la hauteur des liens séculaires d’amitié et de fraternité qui unissent si heureusement nos deux pays et nos deux peuples.
Au plan personnel, vous comprendrez l’émotion qui est la mienne en foulant le sol Djiboutien, ma seconde patrie, que j’ai quitté il y a maintenant dix-huit ans. Ces nombreuses années n’ont, en aucun cas, altéré le plus grand respect que j’ai pour le peuple djiboutien et les deux présidents de la République que j’ai connu, le président Hassan Gouled et le président Ismail Omar Guelleh. J’ai passé dans ce pays, on ne peut plus attachant, les dix meilleurs années de ma vie professionnelle à la tête de la représentation diplomatique de l’Éthiopie, à des moments parfois difficiles. Durant ce long séjour, j’ai pu apprécier l’hospitalité et la générosité exemplaire du peuple djiboutien. J’ai partagé nos joies et nos peines respectives. J’y ai fait de nombreux amis dont l’amitié indéfectible m’a été d’un grand soutien. Cette amitié entre les personnes est le juste reflet de celle que se vouent nos deux peuples depuis fort longtemps.
Pendent mon séjour à Djibouti, j’ai été témoin privilégiée des progrès importants enregistrés dans les domaines économiques et sociaux, sous la direction sage et éclairée du président Ismail Omar Guelleh. J’ai également suivi avec beaucoup d’attention les efforts déployés par les dirigeants djiboutiens, à tous les niveaux, pour consolider le climat de paix et de concorde qui prévaut dans ce pays en dépit d’un environnement compliqué. La paix et la stabilité de Djibouti sont un motif de fierté pour toutes les Djiboutiennes et tous les Djiboutiens. Pour l’Éthiopie, je peux vous assurer que la paix, la stabilité et la prospérité de Djibouti sont des atouts surs pour la promotion de la paix et de la stabilité régionales.

Permettez-moi donc de rendre un hommage mérité à mon frère le président Ismail Omar Guelleh, à son gouvernement et à l’ensemble des institutions et autorités de ce pays pour les progrès accomplis. Mes meilleurs vœux les accompagnent dans la poursuite de leurs efforts au service du peuple djiboutien.
Nos deux pays sont liés par des liens anciens et solides. Ils n’ont pas attendu l’émergence d’un monde globalisé et interdépendant pour sceller leur destin commun fondé sur une histoire commune et un voisinage fécond. Ces liens se nourrissent de l’attachement commun et profond de nos deux peuples à la paix et au développement. Ils sont fondés sur un destin commun et une vision partagée. Notre vivre ensemble en bon voisinage n’aurait pas pu se faire sans partager des valeurs communes et des principes fondamentaux.
Ainsi la coopération entre nos deux pays s’est considérablement accrue, au-delà des relations commerciales historiques portées par ce qui a longtemps était le cordon ombilical entre nous – le chemin de fer –, ainsi que le rôle joué par le port de Djibouti dans l’acheminement des importations et exportations éthiopiennes. Ces relations bilatérales sont appelées à s’accroitre et à se diversifier d’avantage, il nous faut être ambitieux dans des secteurs divers notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la Zone africaine de libre échange.
Au-delà de leurs relations bilatérales, qui sont incontournables, nos deux pays coopèrent étroitement dans le cadre de l’IGAD et de l’Union africaine, en vue de la réalisation des objectifs de paix et de développement de nos deux organisations communes. A cet égard, l’intégration de notre sous-région demeure un objectif à atteindre conformément aux intérêts de nos deux peuples.
Le développent économique de nos pays va évidemment de pair avec les efforts visant à instaurer une paix durable. A cet égard, s’il y a lieu de se réjouir du fait que nos deux pays ont pris une part très active aux efforts déployés au niveau régional, continental et international visant à trouver des solutions aux crises qui ont affecté notre région, il faut cependant rester vigilant car la paix demeure fragile, menacée qu’elle est par des facteurs divers et des défis qui font fi des frontières.

Monsieur le président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les députés,
Comme vous le savez mon pays a connu des semaines sanglantes en raison des attaques à la fois cruelles et lâches perpétrées par la junte du TPLF contre les soldats et officiers de notre armée nationale. Vous conviendrez avec moi qu’aucun État digne de ce nom, n’accepterait que l’on tue de sang-froid ses soldats et officiers, parfois dans leur sommeil. Ce que recherchait cette junte à travers ces attaques était tout simplement de briser nos forces armées et semer le chaos dans notre pays et notre sous-région. C’est un projet sinistre qui aurait eu des conséquences désastreuses au delà de nos frontières, n’eut été la bravoure de notre armée, la détermination du peuple éthiopien, y compris du Tigray, et sa résilience.
Je suis particulièrement honorée de pouvoir vous annoncer et en fait être porteuse de la bonne nouvelle que les opérations de maintien de l’ordre sont à présent terminées. Toutefois notre attention sera portée sur l’arrestation et la traduction en justice de la junte du TPLF, mais aussi sur l’acheminement de l’assistance humanitaire à nos concitoyens qui sont dans le besoin, à rapatrier, au plus vite, ceux qui ont fui leur communauté, commencer la tache de la reconstruction des infrastructures et assurer le développement durable de la région et de notre pays. La tache non moins importante qui sera entreprise sera de panser nos plaies, un travail de guérison pour tous ceux qui ont été meurtri dans leurs chairs et leurs armes par cette tragédie.​
Avant tout il faut que nous Éthiopiens de tous bords, quel que soit notre appartenance communautaire ou religieuse, devons réfléchir sur ce qui s’est passé en ce mois de novembre, se regarder en face pour comprendre comment et pourquoi une telle tragédie a pu avoir lieu et surtout comment tirer les bonnes leçons pour construire un avenir meilleur pour nos enfants.
Durant ce mois critique pour l’Éthiopie, Djibouti a été, comme à son accoutumé, à nos côtés pour nous soutenir et nous encourager. Le président de la République de Djibouti, le gouvernement et le peuple djiboutien ont une fois de plus été du bon côté de l’histoire. Je ne saurais exprimer assez la gratitude du peuple et du gouvernement éthiopien envers le président Ismail Omar Guelleh, le peuple et le gouvernement de ce grand pays pour ce soutien précieux.
C’est en effet en ces moments là que se mesure la vraie amitié. Et, encore une fois, vous l’avez démontré. L’Éthiopie est plus que jamais déterminée à continuer à travailler main dans la main avec Djibouti et ses autres voisins afin de réaliser nos objectifs communs de paix, de sécurité et de développement.
C’est avec ces mots que je termine mon allocution en vous réitérant le salut fraternel que j’adresse aux membres de cette auguste Assemblée et à travers elle au peuple djiboutien et à ses dirigeants.

Vive l’amitié entre l’Éthiopie et Djibouti !

 
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