Human Village - information autrement
 
Un navire pétrolier arraisonné au large du Puntland
par Mahdi A., mars 2017 (Human Village 29).
 

Selon l’ONG de lutte contre la piraterie Oceans Beyond Piracy (OBP), un tanker battant pavillon comorien, le Aris-13 [1], a été arraisonné au large des côtes du Puntland, au nord-est de la Somalie. Huit membres d’équipage sri-lankais seraient retenus en otage à Alula. Le navire acheminait près de 1800 tonnes de carburant depuis le terminal pétrolier djiboutien Horizon à destination de Mogadiscio.

Le Aris-13, photo EUNAVFOR

Cette attaque est d’autant plus surprenante que « plus de trois ans se sont écoulés depuis que des pirates somaliens se sont emparés d’un grand navire de commerce pour obtenir une rançon. À la date d’août 2016, aucun marin se trouvant à bord d’un grand navire de commerce n’était retenu en otage par des pirates somaliens. Il faut voir là une tendance générale à la baisse de la piraterie au large des côtes somaliennes. Il subsiste cependant des problèmes majeurs. Les pirates s’en prennent de plus en plus aux boutres et bateaux de pêche étrangers dans le but d’obtenir une rançon. […] Certes non négligeables, ces progrès n’en demeurent pas moins fragiles et réversibles. Il ressort d’informations crédibles que les pirates somaliens ont l’intention et les moyens de reprendre les attaques contre les grands navires de commerce, si l’occasion se présente, et de s’en prendre aux petits bateaux qui restent particulièrement vulnérables. On a signalé la présence de groupes de pirates organisés et équipés à Modoug et dans la Corne de l’Afrique à l’est de Bossasso dans le Puntland. De la précarité de la situation politique dans le centre de la Somalie, conjuguée au mandat limité de la force navale internationale patrouillant au large des côtes, il pourrait naître un vide sécuritaire propice à la résurgence de la piraterie » [2].
La voilure d’EUNAVFOR Atalanta a été drastiquement réduite, ses moyens « se résument actuellement à deux avions de patrouille maritime P3C Orion et à un navire espagnol, l’ESPS Galicia » [3].
Enfin, le journal Le Monde nous apprend que « la progression du navire a été suivie par les forces navales, notamment à l’aide d’avions de la Force européenne de lutte contre la piraterie en Somalie (opération « Atalante »). Aris-13 est actuellement amarré au large des côtes de la région semi-autonome du Puntland, à la pointe nord-est de la Somalie, non loin de la ville d’Alula, a confirmé à l’agence AP une personne sur place. Si l’identité des assaillants est confirmée, il s’agirait de la première attaque d’un navire commercial par des pirates somaliens depuis 2012 » [4].

Un retour des pirates somaliens ?

Le journal de la BBC en langue somalie d’hier, mercredi 15 mars [5], nous renseigne sur les intentions des pirates, notamment avec une interview en direct de l’un des ravisseurs, Said Ahmed Osman. Il justifie la prise du navire notamment par le décès récent de son frère lors de la collision avec un grand navire de son petit navire de pêche qui a été détruit. En outre, il considère que son acte de piraterie serait légitime, puisqu’il viserait à défendre les eaux territoriales somaliennes du pillage réalisé par des chalutiers étrangers, mais aussi lutter contre la destruction des filets de pêche accrochés par les navires passant trop près des côtes. La nécessité fait force de loi, selon lui. Il a par ailleurs mentionné un début de négociations, sans indiquer toutefois si une rançon avait été demandée. De sources proches du dossier, les ravisseurs réclameraient un million de dollars.
« De nombreuses populations locales voient dans le paiement de rançons le moyen de compenser la perte des recettes tirées de la pêche, qu’elles attribuent à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée pratiquée par ces navires, et de ce fait, la réalité de ce type de pêche et l’idée que s’en font ces populations peuvent être un moteur de la piraterie », précise le rapport des Nations-unies.

Ou les conséquences de l’entrée de Djibouti dans le courtage à ses risques et périls

Omar Assoweh Guedi, directeur général de la Société internationale des hydrocarbures de Djibouti, affichait les ambitions de Djibouti dans le courtage et la distribution du pétrole au cours d’un récent entretien dans nos colonnes. Il indiquait que Djibouti souhaitait se positionner comme un acteur régional incontournable sur le marché des énergies fossiles en profitant notamment de la qualité et la proximité de ses infrastructures portuaires et de ses tarifs compétitifs pour gagner des parts de marché à l’étranger…
« Pour améliorer les conditions d’achat des produits pétroliers sur les marchés internationaux, et pour bénéficier d’économies d’échelle ainsi que d’une meilleure sécurisation de nos prix d’approvisionnement, nous avons noué avec Ethiopian Petroleum Supply (EPSE) un partenariat allant dans ce sens, le 18 septembre 2014 pour effectuer dorénavant nos appels d’offres d’achats en commun. Nous disposons grâce au concours financier de la Banque islamique de développement, à travers sa filiale ITFC, d’un crédit revolving mensuel de 75 millions de dollars pour effectuer nos achats en hydrocarbures pour le compte de la SIHD. Nos importations nous reviennent entre 17 et 18 millions de dollars par mois pour la couverture de nos besoins intérieurs. Comme vous pouvez le constater cela nous laisse une belle marge de manœuvre pour appuyer nos ambitions régionales. Nous sommes d’ailleurs en discussion avec nos voisins comme le Somaliland et même au delà avec Mogadiscio afin qu’ils s’approvisionnent directement à l’avenir auprès de notre structure pour leur combustible liquide. Il faut bien comprendre que cette stratégie gagnante avec l’Éthiopie nous a permis d’atteindre des niveaux de prix exceptionnels, faisant immanquablement de nous dans la région un courtier de premier ordre », nous expliquait alors Omar Assoweh Guedi.
Il ne peut-être exclu que cet acte de piraterie ait été commandité dans ce contexte. Le détournement du pétrolier Aris-13 peut être la réponse d’intérêts économiques à cette prise de position. Par exemple, des personnalités somaliennes dont des intérêts seraient contrariés par cette entrée djiboutienne sur le marché très « juteux » du courtage pétrolier auraient-elles ainsi réagi ? Des potentats locaux pourraient souhaiter ne pas voir leur échapper cette ressource stratégique.

Enfin, selon des sources concordantes, le pétrole transporté par l’Aris-13 appartiendrait à la société Red Sea Bunkering (RSB) [6], société djiboutienne de soutage pétrolier détenue à 55% par Djibouti Ports and Free Zones Authority (DPFZA) et pour le reste par les dubaïotes de United Capital Investments Group. Cette joint-venture aurait alors dammé le pion aux ambitions régionales de la Société nationale des hydrocarbures de Djibouti (SIHD)… tout en s’approvisonnant probablement à bon compte auprès de cette dernière pour partir à la conquête du marché somalien !

Mahdi A.

Additif : le navire a été libéré le 16 mars après une offre que les assaillants « ne pouvaient pas refuser » [7].


[1La fiche du Aris-13 sur marinetraffic.com.

[2Conseil de sécurité de l’ONU, « Rapport du secrétaire général sur la situation concernant la piraterie et les vols à main armée commis en mer au large des côtes somaliennes », 7 octobre 2016, PDF en ligne.

[3Laurent Lagneau, « Un pétrolier détourné par des pirates somaliens », 15 mars 2017, opex360.com.

[4Le Monde, « Première attaque d’un cargo par des pirates au large de la Somalie depuis 2012 », 14 mars 2017, voir en ligne.

[5Entre la 8e et la 14e minute de l’émission du 15 mars 2017 de la BBC en somali.

[6Présentation de RSB sur le site de DP-World, et le site de RSB.

[7Le Monde, « Les pirates somaliens ont libéré le cargo qu’ils avaient détourné », voir en ligne.

 
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