Human Village - information autrement
 
Plainte contre Djibouti pour détention arbitraire
par Mahdi A., mars 2024 (Human Village 50).
 
Abdoukarim Aden Cher

RFI publie ce matin, lundi 18 mars, une information qui risque d’animer les conversations des soirées allongées du ramadan, sur la contre-offensive judiciaire lancée par l’ancien ministre du Budget, Abdoulkarim Aden Cher, avec une plainte déposée aux Nations-unies contre la République de Djibouti, pour « détention arbitraire » à son encontre. « Trois avocats ont décidé de lancer, ce lundi 18 mars, une procédure d’urgence devant les Nations unies (ONU) afin d’obtenir la libération d’Abdoulkarim Aden Cher. L’ancien ministre djiboutien du Budget est détenu depuis deux ans dans l’attente d’un éventuel procès. Il est soupçonné de corruption passive, trafic d’influence, détournements de deniers publics et entrave à la loi. » [1].

L’un des avocats d’Abdoulkarim Aden Cher, Me Hector Bernardini, n’hésite pas à qualifier la situation de son client de « situation désespérante. […] Tout est au point mort. […] Or, si dans les premiers temps, il y a bien eu des auditions et des confrontations organisées par le procureur, aucun acte d’enquête, aucun acte d’instruction judiciaire n’ont été réalisés depuis plus de 18 mois ».
L’avocat auprès des barreaux de Paris et New York et deux de ses confrères ont donc décidé d’agir pour faire bouger les lignes en déposant une « requête en action urgente » devant le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH), et précisément son groupe de travail sur la détention arbitraire.
Cette plainte devrait permettre d’accélérer le processus. Aussitôt enregistrée, un courrier diplomatique doit, en théorie, être envoyé à Djibouti. Les trois avocats espèrent que l’organisation fera pression sur l’État djiboutien pour obtenir « la libération immédiate d’Abdoulkarim Aden Cher, la tenue d’un procès équitable et des “garanties de non répétition”, c’est-à-dire qu’une fois libéré, il ne soit plus victime d’emprisonnement arbitraire ».

Abdoulkarim Aden Cher a-t-il eu tort de chercher à faire avancer sa procédure de justice en usant de tous les voies de recours possibles, tant nationales qu’internationales ?
Nul ne peut lui reprocher cette action, d’autant plus si l’on considère la façon dont a été menée l’instruction de la situation de Mohamed Ahmed dit « Jabah » par la justice djiboutienne. Un véritable scandale. Concernant les « conditions inhumaines d’incarcération » à Gabode, soulignées par les avocats du plaignant, qui peut nier la réalité des conditions de vie indignes que connaissent les personnes détenues dans cette sinistre prison ? Les sceptiques peuvent consulter les conclusions de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) sur la prison de Gabode parues en décembre 2023, accessible ci-dessous en PDF, ou lire le témoignage d’un détenu que nous avions recueilli en octobre 2022.

De la même manière que le chef de l’État, Ismail Omar Guelleh, a eu des mots très forts de compassion, d’empathie et de solidarité, envers les populations meurtries de Palestine et du Soudan, serait-il possible qu’il puisse avoir la bonté de cœur de tourner la page sur les « erreurs » des uns et des autres ? Pourrait-il envisager un large élargissement des détenus de cet enfer qu’est la prison de Gabode en cette période bénie du mois du pardon ? On pense à Abdoulkarim Aden Cher, mais aussi évidemment à toutes les personnes incarcérées dans la même procédure, ainsi qu’au lieutenant Fouad Youssouf Ali ou le colonel Abdillahi Abdi Farah, et les personnes liées au scandale de l’affaire des soldes, ou bien encore ces nombreuses femmes oubliées en détention depuis plusieurs années, sans jugement. La philosophe Bullo Qareen les ayant côtoyées au quotidien n’a pas hésité dès sa libération à saisir le ministre de la Justice, Ali Hassan Bahdon, pour dénoncer des conditions de détention et d’hygiène inacceptables. Malheureusement, en vain. Elle plaide aussi les situations individuelles de certaines mères incarcérées trop longtemps sans que la justice n’ait pris le temps de juger les faits qui leurs sont reprochés. En excluant éventuellement certains crimes, comme des crimes de sang, des viols, inceste et autres agressions, une grâce présidentielle et des mises en liberté provisoire pourraient permettre de rendre la prison respirable et y commencer des travaux indispensables.
Décrisper le climat politique, apporter sérénité et apaisement au sein de la population, faire baisser la tension, pourrait aider à constituer l’union nationale que le gouvernement appelle de ses vœux, surtout lorsqu’il ambitionne de proposer une révision de la Constitution pour permettre au chef de l’État de concourir pour un sixième mandat.

Mahdi A.

Rapport de la CNDH sur Gabode
Voir aussi « Lutte contre la corruption ».

 
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