Human Village - information autrement
 
Ali Hassan Bahdon, lorsque conviction politique rime avec volonté d’agir
par Mahdi A., mai 2009 (Human Village 6).
 

Ali Hassan Bahdon, ministre de l’Équipement et des Transports, à la charge des principaux secteurs moteurs de notre économie, qu’ils s’agissent des ports, des routes, ou bien du chemin de fer, c’est donc tout naturellement, que nous avons souhaité le questionner sur son actualité, et plus particulièrement sur un sujet qui nous interpelle particulièrement, le devenir de ce qui a été le fleuron de notre économie : le chemin de fer djibouto-éthiopien.
Nous avons rencontré à cette occasion un homme charmant, qui a volontiers accepté de nous accorder un peu de son précieux temps, afin de se prêter à l’exercice périlleux des questions-réponses. L’analyse qu’il nous a livrée ne souffre d’aucune fioriture, il pose les problèmes sans rien omettre des dures réalités, sans rien cacher des nombreux défis, souvent difficiles, qu’il faudra surmonter, c’est une manière originale et engagée de faire de la politique !

Avant tout, nous aimerions vous demander de nous présenter brièvement le département ministériel qui est le votre, et plus particulièrement celui de l’équipement dont on a un peu de mal à saisir les frontières ?
Bien ! Le ministère dont j’ai la charge se compose de plusieurs départements distincts : le secteur de l’équipement, le secteur des transports, et celui de la météorologie nationale. En ce qui concerne le secteur de l’équipement, il s’agit surtout de réaliser des infrastructures de transport et de les entretenir. Par infrastructure, j’entends les routes, les ponts, les ports, les aéroports, les chemins de fer, etc.
La politique du gouvernement dans ce secteur de l’équipement est de favoriser l’existence des infrastructures capable de livrer un service de qualité afin d’améliorer la compétitivité de l’économie et de favoriser le transport des personnes et des biens à moindre coût, et ce en définissant une sécurité de confort minimum. Pour information, je voudrais souligner ici, à nos concitoyens, que notre réseau routier est d’environ 1200 km, l’ensemble n’est pas intégralement bitumé. Ceci dit, nous continuons progressivement à le moderniser, pour preuve l’extension du revêtement du réseau existant le mois dernier, avec l’inauguration de la route de Tadjourah à Obock. Il est en de même pour la bretelle Mouloud-Wea qui est en cours de finition. D’autres projets ont également atteints un niveau de maturité important et appréciable selon moi, et sont en cours d’étude avant démarrage de travaux, je pense évidemment à la route de Loyada, celle de Holl Holl, ou encore celles de Randa, du Day et enfin de Balho. Comme vous pouvez le voir, au sein de mon département ministériel nous suivons une stratégie clairement définie par la feuille de route qui m’a été confié par le chef de l’État et qui vise en priorité à désenclaver les régions de l’intérieurs en premier lieu, mais aussi et surtout à poursuivre activement notre politique d’interconnexion des réseaux routiers avec tous nos États voisins : cette stratégies initié par le chef de l’Etat, est la clé du miracle djiboutien, c’est elle qui fera de Djibouti un hub régional ! C’est la raison pour laquelle nous continuerons l’extension de notre réseau routier, cette stratégie est au cœur de notre politique de développement. Nous tenterons d’aller au delà des 1200 km, même si ce chiffre reste encore insuffisant pour la République de Djibouti. Nous avions l’objectif d’atteindre 2500 km dans les dix prochaines années, c’est à dire qu’on réaliserait environ 1300 km supplémentaires dans ces dix années ; mais à un moment donné, on s’est rendu compte que l’on était trop tourné vers la construction de nouvelles routes et que très peu d’offres étaient accordées à l’entretien de ce qui était déjà construit. Nous laissions péricliter nos coûteux ouvrage par négligences, il fallait réagir, j’ai donc décidé d’orienter davantage nos efforts vers une politique d’entretien plus volontariste, ce qui explique qu’aujourd’hui notre réseau est dans un état jugé satisfaisant par tous les observateurs avisés. Mes services ont essayé d’être pragmatiques, ils ont établi une grille d’évaluation qui nous permet de juger le degré d’entretien nécessaire ; celle-ci, dorénavant nous permet de prioriser les urgences. Ainsi c’est à la lecture de cette grille que nous avons réalisé la rénovation de nombreuses voies de circulation, que cela soit celle du Héron, de la rue de Venise et son prolongement jusqu’à Balbala ; de la rue de Nelson Mandela ; de la rue des Salines ; de celle de l’avenue 26 ; de celle du boulevard du Général de Gaulle ; ou bien encore celle de la route de l’Unité tout récemment. Enfin sur la question du transport, mon département est le ministère de tutelle de l’aéroport de Djibouti, des ports, et du chemin de fer, mais au-delà il veille à réglementer le secteur des transports urbains et péri-urbains afin d’assurer un meilleur fonctionnement du secteur.

A ce propos, vous avez présenté récemment deux importants projets d’arrêtés en Conseil des ministres, visant la réorganisation du système de transport urbain et interurbain de personnes, pourriez-vous nous en parler plus en détails ?
Bien entendu ! Ces deux arrêtés se fondent sur des textes de lois relatifs au transport urbain qui ont été adoptés en 2002 et 2006. Mais plus particulièrement, cette vaste reforme vise avant tout à refondre en profondeur un cadre juridique obsolète, celui-ci devrait permettre de protéger les usagers, mais aussi et surtout les propriétaires de taxis. Il n’est plus acceptable de laisser l’anarchie guider cette profession : rendez-vous compte qu’aujourd’hui à Djibouti n’importe qui, s’il le souhaite, peut exercer ce métier de taxi, ou plus largement, celui de chauffeur de bus, et pour ce faire il n’a besoin que de peindre sa voiture en vert/blanc ou d’acquérir un véhicule adapté au transport de passagers pour convoyer le public. Dorénavant cet accès sera réglementé. Pour ce faire, nous allons avant tout maitriser la croissance de cette corporation : nous attribueront des licences aux actuels propriétaires de taxis qui auront passé positivement aussi bien une visite médicale que le contrôle technique du véhicule. L’état délabré de notre parc automobile de taxis ou de bus est de notoriété publique, il est au centre de toutes les critiques combien justifiées, que ce soit de la part de nos concitoyens usagers directement intéressés, ou des touristes dont le confort constitue une priorité. La vieillesse avancée des nombreux véhicules en circulation doit être impérativement corrigée, de même que le climat de concurrence déloyale et d’irrespect de la réglementation qui est malheureusement trop fréquemment constaté. En ce qui concerne, l’importation des bus et minibus, nous avons commencé déjà à professionnaliser ce corps de métier, notamment en suspendant l’importation de nouveaux bus et mini bus, ce décret a été adopté récemment en conseil des ministres.
Enfin, je voudrais insister sur le fait que ces reformes sont faites sur la base d’un dialogue permanent que je n’ai cessé de mener avec les citoyens qui vivent de ce travail, qui doivent en vivre dans la sérénité et prospérer dans ce commerce, comme ils le méritent. Je crois profondément à la vertu du dialogue : j’ai toujours pensé que pour qu’une reforme puisse efficacement s’appliquer, elle doit avoir l’assentiment de l’ensemble des parties concernées. L’action gouvernementale ne peut être régie que par ce principe de la concertation. Ce n’est pas toujours évident, je le reconnais mais cela doit être un préalable indispensable avant de mener une quelconque reforme conséquente.

Je voudrais revenir un instant sur ma première question, dans les éléments de réponse que vous nous avez fournis, vous parlez de la politique volontariste mener sous votre impulsion afin de privilégier dorénavant l’entretien de notre réseau routier, mais pourriez-vous nous indiquer comment vous comptez financer cet important investissement ? Également pourriez-vous nous indiquer si au sein de vos services les moyens humains et matériels sont suffisants pour mener à bien cet objectif visé d’interconnexion de notre réseau routier avec les régions et les pays limitrophes ?
Pour le moment nous travaillons activement au sein de mon ministère sur des simulations concrètes, vous devez comprendre que nous avons un souci permanent, celui de solliciter le moins possible le portefeuille de nos concitoyens, mais parallèlement à ce souhait, nous sommes confrontes à un impératif, celui de trouver des solutions pérennes au financement de ces travaux d’entretien indispensable pour notre développement. Nous n’avons pas encore tranché sur les choix que nous allons prochainement opérer. Toutefois je peux vous indiquer que d’après une étude récente effectuée par un cabinet d’étude international, il a été estimé, à l’ordre de 1,200-1,400 milliards de nos francs, le coût annuel global d’entretien de l’ensemble de notre réseau routier. Ce chiffre bien entendu ne prend pas en compte, les lourds travaux de réhabilitation, tels que celui que nous effectuons, sur un tronçon de 40 km entre Arta et le petit Bara, qui lui, pour vous donner une grandeur d’idée, se chiffre à près de 6 milliards de Fdj. Les seules recettes à notre disposition sont ceux récoltées par le Fonds routier le long de la route nationale 1. Elles se montent à approximativement, à un peu plus de 800 millions, c’est loin d’être suffisant. C’est la raison pour laquelle nous envisageons d’installer également sur le futur tronçon de 19 km Loyada-Djibouti, un péage afin d’accroitre ses recettes. Bien entendu n’y seront assujettis que les véhicules commerciaux. Une des autres pistes sur laquelle nous menons un travail de réflexion concerne plus particulièrement l’externalisation de l’entretien d’une partie ou de l’intégralité du réseau routier par voie de contrat pluriannuel. La seconde option étant de procéder au renforcement de la Direction de l’équipement, d’ailleurs comme cela avait été prévu par une loi (ndlr:n°5/AN/03/5ème L du 31 mars 2003), qui mettait sur pied une Agence des routes capable de prendre part aux marché publics de travaux, un peu à l’image de l’Éthiopien Road Autority. Ainsi, celle-ci assurerait tout ou partie de l’entretien routier. À plus long terme, on pourrait même envisager qu’elle puisse effectuer des travaux neufs : l’objectif recherché, étant de ne pas être dépendant entièrement des entreprises privées et de maintenir une concurrence entre tous les operateurs du secteur.
Mais cette politique implique de renforcer les ressources matériels et humaines de la Direction de l’Equipement, notamment en recrutant des nouveaux ingénieurs et techniciens, en formant et perfectionnant le personnel actuellement en poste. C’est une politique ambitieuse, je vous l’accorde, mais c’est, cette stratégie qui été payante pour l’Ethiopie. Personnellement je ne suis pas de ce qui pense, qu’il faut constamment vouloir à tout prix réinventer la roue, parfois, il suffit de nous arrêter un instant sur les succès de nos voisins, et si le contexte si prête, de nous en inspirés, tout simplement !

Pourriez-vous nous indiquer les pistes envisagées pour permettre la renaissance tant souhaitée du chemin de fer, un secteur laminé. Des projets de mise en concession ont été avancés par le gouvernement, dont notamment deux projets ambitieux, l’un sud-africain et le seconde koweitien, puis plus rien ! Doit-on comprendre tout simplement que la « fiancée » n’est pas assez belle pour être mariée ?
(Petit sourire…) Non ! Je ne crois pas que la « fiancée » soit difficile à marier ! Par contre, en ce qui concerne ces deux projets que vous évoquez, je voudrais vous rappeler que je n’étais pas en charge de ce département lors de ces discussions, toutefois j’ai été informé que les prometteurs n’auraient pas réussi à réunir les capitaux souhaités. Pour revenir à la « fiancée », je voudrais vous rappeler qu’elle réalisait dans les années 80, et 90, annuellement un chiffre d’affaire de plusieurs millions de dollars. Nous parlons d’une société qui versait régulièrement des dividendes conséquents à ses actionnaires, d’une société qui était la plus grande entreprise aussi bien en Éthiopie qu’à Djibouti : à nous aujourd’hui de l’aider à se reconstruire, à nous de lui donner le lustre qui fut le sien, c’est de ça qu’il s’agit, et pour ce faire, il importe de définir une stratégie pour revitaliser le chemin de fer. Je crois qu’il serait opportun de se questionner sur les causes de ses difficultés. Il importera de faire le bon diagnostic afin d’apporter les remèdes adéquats, mais cela avant tout nécessite de se remettre en cause et d’effectuer son aggiornamento. Par exemple, comment peut-on expliquer de manière logique que le directeur commercial du chemin de fer qui se trouve à Djibouti n’a pas d’interaction sur la définition de la politique commerciale qui est établie par l’entreprise. N’y a-t-il pas là, déjà, un sujet à discussion ? Dans le même ordre d’idées, comment peut-on faire fonctionner efficacement une compagnie lorsque, ses principales directions ne communiquent pas suffisamment en interne ? Tout ceci me laisse pantois, pour être sincère ! J’en arrive à me demander, parfois si le principal obstacle au développement du chemin de fer, ne serait pas, le chemin de fer lui-même ? C’est la raison qui m’amène à penser que la restructuration du système du management est indispensable, elle doit être réalisée avant même le renforcement et le développement des infrastructures. Je ne souhaite pas faire les mêmes erreurs qui ont été commises par le passé. Toute la politique commerciale du chemin de fer doit être révisée, repensée, reconstruite, il est inutile de se mentir à soit même : le mode de gestion actuel est archaïque, d’un autre temps ! Je crois qu’il faut poser définitivement les problématiques de cette société afin de pouvoir reconstruire sur des bases nouvelles, solides et qui prennent en compte enfin, la réalité du marché du fret. Pour information, l’État a pris ses responsabilités, notamment en prévoyant, à travers une dotation budgétaire, la prise en charge de l’ensemble de la masse salariale de la société. Pour mémoire, je voudrais rappeler qu’au moment de ma nomination, le chemin de fer était à l’arrêt depuis plusieurs mois… il a fallut toute ma détermination, toute l’énergie et la prouesse techniques cheminots pour relever le défi et remettre le train qui a été, je tiens à le rappeler huit mois consécutifs à l’arrêt, sur les rails. A ce propos, je voudrais, si vous le permettez, souligner ici, l’abnégation, le courage, et l’esprit de corps qui animent cette corporation. Avant de devenir le ministre de tutelle de cette institution, comme tout un chacun, j’avais entendu parler de l’âme du cheminot, de l’amour qui est le sien pour un métier, qui, il faut le reconnaitre, est extrêmement rude. Aussi afin de rendre à César, ce qui est à César, je voudrais être clair là-dessus : si le chemin de fer, est encore debout, si le chemin de fer est encore sur les rails, il le doit avant tout à l’esprit combatif, imaginatif, et solidaire des cheminots… Incontestablement, ils perpétuent une tradition centenaire avec des moyens dérisoires. Je tiens, à les saluer ici, pour leur courage, leur sacrifice, et leur dévouement ! Aujourd’hui le train est à nouveau sur les rails, c’était un préalable indispensable avant l’amorce de toute réflexion sur l’avenir de ce secteur. Toutefois ce débat sur le devenir du chemin de fer devra être inclusif : les deux États, l’ensemble des cheminots, les passagers, les transitaires, les importateurs de fruits et légumes, les importateurs de bétail, les sociétés d’Hydrocarbures, et enfin et surtout les ports, doivent y prendre toute leur parts.

A l’occasion du séminaire gouvernemental, le président de la République a évoqué une société Indienne qui serait intéressée par la reprise du chemin de fer sous la forme d’une concession, que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
C’est une piste de prometteuse que nous nous efforçons de développer, mais à l’heure actuelle, je ne souhaite pas en dire d’avantage. Je peux juste vous confirmer que des discussions ont été entamées et nous souhaitons les mener sérieusement à leur terme avant de nous prononcer sur ce sujet. Surtout je ne veux pas que ces discussion puissent interrompre, voire même ralentir, la réflexion sur le secteur du rail : il faudra écouter attentivement les griefs des usagers, leur besoin, leur attentes... à partir de là, des questionnements devront nécessairement trouver des réponses. La situation actuelle du chemin de fer, n’est pas évidente, il m’est triste de le dire : les locomotives disponibles ne permettant pas le transport de conteneurs, ni ceux de fuels, et encore moins celle du bétail… comment voulez-vous dans ce condition profiter du levier formidable que représente l’interconnexion existante avec le port de Djibouti ?
La réalité est malheureusement celle-ci : le chemin de fer n’est pas adapte à la réalité du monde d’aujourd’hui. L’entreprise a failli, elle n’a pas su anticiper la concurrence de la route, elle n’a pas su surfer sur la croissance constante du trafic du fret avec l’Éthiopie, et encore moins effectuer les investissements nécessaires afin de moderniser en temps opportuns ses équipements roulants. Les conséquences de ses mauvais choix, nous les payons malheureusement aujourd’hui très chers : rendez vous compte par exemple que les pièces de remplacement des engins ne sont souvent plus en stock chez nos fournisseurs, car soit les usines ne produisent plus les locomotives en question, soit c’est souvent les usines qui les produisaient à l’époque qui, tout bonnement, n’existent plus !

A vous écouter, vous ne semblez pas très confiant dans l’avenir du chemin de fer ?
Permettez-moi si vous le voulez bien de vous rectifier ! Ma conviction profonde est que le chemin de fer peut se relever, ma conviction profonde est que le chemin de fer va prospérer, ma conviction profonde est que le chemin de fer a toute sa place dans la stratégie régionale du transport de marchandises que nous souhaitons mettre en œuvre ! Toutefois il ne faut pas se cacher la réalité, des efforts considérables devront être réalisés pour relever le chemin de fer ! Les défis sont nombreux, les besoins en infrastructures sont immenses, et il faudra énormément de temps pour mettre en chantier les solutions qui seront, sans aucun doute, préconisées à la suite d’un audit sérieux que je compte diligenter sous peu. Mais ce n’est quelque chose que l’on peut faire du jour au lendemain ; d’abord des nouveaux accords bilatéraux complexes devront être établis entre les deux États actionnaires, ainsi que le soutien du secteur privé qui s’avère indispensable, et qui devra être recherché activement. Je ne crois qu’au succès du partenariat privé public, à l’image du succès de la concession du port avec Djebel Ali, nous devons nous en inspirer. Les éléments sur les quels il faudra travailler nécessairement, et qui sont les plus importants pour moi, se situent au niveau des coûts, du temps et surtout de la prévisibilité. En effet mettez vous à la place d’une entreprise qui est habituées à recevoir un produit dans un délai de trois jours par la route et qui soudainement, verrait ce délai passer à six jours par le train, il est probable, qu’elle ne fera plus appel aux services du rail. Au fond, c’est de cela dont il est question, revoir complètement la relation client fournisseur, le CDE n’est plus en situation de monopole, le marché est dorénavant concurrentiel, soit le chemin de fer s’adapte, ou soit le chemin de fer est voué à une mort certaine. Je voudrais aussi rappeler que le chemin de fer a besoin pour pouvoir se redresser, de créer un véritable dialogue constructif avec tous les services de l’État, dont notamment ceux des postes frontaliers. Je vais être plus précis dans mon exposé : on considère souvent normale que le train doive attendre, entre quatre et huit heures pour que les documents de ses passagers soient examinés et tamponnés au poste frontière, alors qu’un routier y passe lui moins d’une heure, comment dans ces conditions prévoir l’heure d’arrivée du train, comment dans ces conditions lutter efficacement contre la concurrence de la route, comment dans ces conditions apporté à nos usagers la pleine satisfaction du service pour lequel ils se sont acquittés du prix d’un billet ?
L’unanimité autour de ces nombreuses difficultés du chemin de fer ne souffre d’aucun doute, mais pour autant il ne faut pas ce décourager ! Mon cabinet n’est pas resté inactif, nous réfléchissons avec l’ensemble de mes collaborateurs, à des mesures concrètes et avant tout, réalistes. Il faut préparer le CDE de demain, il n’y a plus un jour à perdre. La réalisation dans les deux ans d’une nouvelle gare de triage à Nagad, interconnecté au port de Doraleh, montre à quel point le gouvernement souhaite mettre en place une plateforme de transport multimodale efficace qui associe les différents maillons de la chaine de transport, et celle-ci ne peut se réaliser sans une restructuration profonde du chemin de fer. Les dés sont donc jetés, les choses pour ainsi dire commencent à prendre forme ! Je veux insister là dessus, le redressement de cette société m’a été assigné comme une priorité par le chef de l’État et je compte m’acquitter de cette mission dans les meilleurs délais. J’ai prévu prochainement dans mon agenda de rencontrer mon homologue éthiopien des Transports sur ce dossier : nous devons conjuguer nos efforts si nous souhaitons redynamiser cette entreprise, c’est ensemble, que nous nous concerterons avec cet important investisseur Indien et c’est ensemble que nous reconstruirons un chemin de fer en phase avec notre époque. Pour ce faire, il me semble prioritaire de réaliser une étude sur l’état des lieux. Cette étude devra nécessairement prendre en compte le système de management, la rentabilité financière des solutions proposées et le montage financier pour doter le chemin de fer de moyen adéquat en vu de renforcer sa capacité à acheminer du fret. Il devra également tenir compte des besoins en personnels de toutes catégories et par voie de conséquence, les modalités de la formation, du recrutement et bien sûre, le cout estimatif de cette vaste opération. Soyons réalistes, nos ports sont totalement engorgés, les véhicules roulants n’arrivent pas à répondre aux besoins sans cesse croissants de l’Ethiopie : la route a montré ses limites. C’est la raison pour laquelle je sui convaincu qu’il n’est pas permis de douter qu’un marché considérable existe pour le chemin de fer : il faut maintenant lui donner les moyens de pouvoir s’exprimer et de pouvoir déployer sereinement sa pleine mesure.

Sur un tout autre sujet, pourriez-vous nous indiquer les conséquences économiques de la piraterie sur notre pays, notamment la diminution du trafic maritime qui pourrait en découler ? Enfin à l’heure du transfert de l’ensemble des activités de conteneurs à Doraleh, avez-vous envisagé de mettre à disposition des forces de la coalition, la partie ainsi libérée du Port du Marabout ? Les forces de cette coalition ne cessent de croître avec le temps, les quais que vous avez affectés à leurs usages exclusifs risques rapidement de ne plus suffire, qu’en est-il réellement ?
En effet, la piraterie frappe durement notre économie, elle nous touche, je dirais, à deux niveaux, premièrement elle a renchérie le cout du transport de nos produits d’importations, ceci, s’expliquant par la hausse vertigineuse qu’a connus le frais d’assurances des navires circulants sur cette voie maritime, mais également par le fait qu’un certain nombre de navire préfèrent contourner cette zone réputée dangereuse, pour privilégier un axe moins risqué, le cap de Bonne-Espérance. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore chiffré les conséquences économiques pour notre pays de cette recrudescence de la piraterie. Mais je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’en collaboration avec les ministères sectoriels concernés il est prévu d’évaluer les dommages occasionner à notre économie par ce fléau de la piraterie. En ce qui concerne votre seconde question relative au port du Marabout, et aux dix nations qui utilisent nos infrastructures portuaires dans le cadre de la coalition internationale de lutte contre la piraterie, je voudrais avant d’y répondre vous signaler que cette opération navale est un succès. Elle n’a pas permis malheureusement de mettre fin définitivement aux actes de piraterie, mais un constat s’impose, ces actes graves ont fortement diminué : les derniers chiffres à ma disposition montrent que le nombre de navire attaqué à baissé d’un tiers, et c’est en soit une demi victoire. Je voudrais rappeler ici que ces navires, outre leur mandat premier, d’assurer l’escorte des navires du programme alimentaire mondial pour la somalie, assurent par ailleurs également l’escorte des bateaux du trafic international qui est extrêmement important dans le passage du golfe d’Aden, puisqu’il y’a 3,5 millions de barils de brut qui transitent chaque jour dans cette zone et 20 000 navires qui y passent chaque année. En ce qui concerne le port du Marabout, je tiens à vous rappeler que c’est un port commercial, et il n’a aucune vocation à devenir un port militaire. Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons une ambition de faire Djibouti un hub d’entrée pour le marché de la COMESA. Je voudrais tout de même, rappeler ici que, malgré, le fait que nos ports connaissent une activité commerciale intense, les autorités portuaires ont reçu des consigne très strictes afin de prioriser les navires militaires alliés sur les navires commerciaux. Il est important aussi de noter que cette opération navale menée dans notre région répond également à la défense de nos intérêt nationaux. C’est la raison pour laquelle, je crois tout de même, que la lecture de cette question, si elle devait avoir lieu un jour, prendrait en compte, sans aucune doute, les liens très forts qui nous unissent aux différents pays membres de la coalition maritime. Aussi vous comprendrez que la réponse à ce questionnement est avant tout politique, et que de tout manière elle n’est pas d’actualité, puisque aucune sollicitation de la sorte ne nous a été soumise.

Dernière question, le gouvernement vient de clôturer le séminaire gouvernemental au palais du peuple, pourriez vous nous indiquer l’objectif de ce type d’exercice ?
Je crois que ce séminaire nous a permis de mieux communiquer avec nos concitoyens. Vous savez avec les lourdes responsabilités qui sont les nôtres, nous n’accordons pas toujours suffisamment de temps au temps... Ce que je veux dire par là c’est que nous devrions parfois faire une pause afin d’analyser le travail réalisé, le chemin parcouru. Ce type de rencontre avec la population est très constructif à mon avis, tout simplement parce que le gouvernement se donne le temps de faire son bilan, d’étudier les avancées sectorielles, les unes après les autres, afin d’y apporter les améliorations souhaitées par la population. C’est sans aucun doute la meilleure façon de faire. Il est difficile de se juger soi même, nous avons besoin pour progresser d’une confrontation directe avec un œil critique et celui de nos concitoyens, nous a montré ces derniers jours, qu’il est souvent judicieux et très constructif, d’ailleurs c’est le seul qui compte n’est ce pas ? Notre mission semble certes simple, mais s’avère être en vérité complexe et ambitieuse dans la mesure où elle consiste tout bonnement à servir au mieux notre population, notamment en veillant à son bien-être et à sa prospérité. Pour ce faire il est important de discuter, d’échanger afin de comprendre ses attentes légitimes.
Vous savez, avec le temps, les priorités de la société évoluent, c’est en cela que ce séminaire a été extrêmement fructueux, car il nous aura permis de prendre le pouls de nos concitoyens, des mères de famille, des étudiants, de la société civile... dans la foulée du séminaire, le chef de l’État et le gouvernement dans son ensemble se rendront au Day afin d’y mener une courte retraire de réflexion. Elle nous permettra de redéfinir la feuille de route à l’aune des recommandations issues de ce séminaire : bref c’est une forme de démocratie de proximité : elle se veut à l’écoute des besoins de ce qui l’ont élu, c’est une excellente initiative qui me semble judicieux de rééditer régulièrement.

Propos recueillis par Mahdi A. , photos Hani Khiyari

 
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