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Lettre ouverte des enseignants chercheurs
novembre 2020 (Human Village 40).
 

Lettre ouverte des enseignants-chercheurs de l’Université de Djibouti
à Monsieur le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Djibouti, le 16 novembre 2020

L’Université de Djibouti (UD) est une des réalisations phares du Président de la République, chef du gouvernement, qui a permis à des milliers de jeunes en majorité sans moyens de poursuivre leurs études dans des conditions meilleures que celles liées ou déplacement dans un pays étranger. Elle a permis, par la même occasion, l’ émergence de talents jusqu’à là inexistants ou inexplorés dans noire pays. Les enseignants de l’UD saluent unanimement cet acquis et sont déterminés à le pérenniser pour le plus grand bien de notre nation. Toutefois, en dépit de ces louables réalisations, l’UD connaît, depuis quelques années, des dysfonctionnements multiformes, notamment relevés par divers rapports gouvernementaux. Sur ce dernier point et sans prétendre d’être exhaustifs, on peut d’ores et déjà souligner :
Le caractère obsolète du mode de gouvernance universitaire. Depuis sa création, la gouvernance de l’UD n’a pas évolué de manière significative. Celle-ci demeure centrée sur la personne du Président de l’UD. Président également du Conseil d’ administration : on constate une omniprésence explicite ou implicite du Président de l’UD allant du recrutement, la discipline, l’avancement, l’octroi des financement, de séjours de recherche jusqu’à des « questions de robinet ». Une telle situation se révèle, sur bien des aspects, anachronique et inadaptée : anachronique dès lors qu’elle ne tient pas compte d’une part des évolutions, depuis lors, des techniques de gouvernance universitaire et d’autre part des transformations structurelles qu’a subi l’UD (augmentation sans cesse croissante des effectifs des étudiants et des enseignants, multiplication des filières d’enseignement, éclatement géographique du campus entre les trois communes de Djibouti-ville etc.) ; inadaptée parce qu’elle ne répond pas correctement aux dysfonctionnements de notre système universitaire relevés. notamment par divers rapports commandés par le ministère de tutelle lui­ même (rapport sur la stratégie 2020-2024, rapport HECERS) et que, par ailleurs, elle ne permet pas en son état de répondre aux exigences actuelles d’une université moderne et compétitive.

L’irrespect des textes de loi et règlements régissant le fonctionnement de l’UD.
Le fonctionnement de l’UD est réglementé entre autres par le décret n° 200610009/PR/MENSUP du 07 janvier 2006 et celui n° 20 20-083/PR/MTR, du 17 mai 2020. En dépit de ce cadre réglementaire bien établi, on constate depuis quelques années, le développement de pratiques administratives illégales comme la création de directions par notes de service, le contournement des procédures disciplinaires applicables aux fonctionnaires, la mise au placard d’enseignants-chercheurs expérimentés et consciencieux, le refus d’acceptation du dépôt des courriers, la rétention d’informations même officielles, l’existence de critères officieux en matière d’attribution des bourses, la mise en place de procédures inutiles complexifiant le parcours des doctorants, la non-association des représentants du personnel enseignant aux prises de décisions stratégiques de l’université, etc. Il convient de souligner en dernier lieu que la combinaison de ces pratiques a eu pour effet une atmosphère corrosive et délétère qui se manifeste essentiellement par un profond sentiment de malaise, de préoccupation, d’insécurité, voire de peur chez les personnels enseignant et administratifs.

L’absence d’une véritable stratégie de développement de la recherche universitaire. S’intéresser aujourd’hui à la recherche universitaire fournit à l’observateur avisé quelques motifs de verser immédiatement dans le pessimisme. Un tel pessimisme trouve son explication dans toute une série de faits : école doctorale aux missions floues, laboratoires de recherche inexistants, difficultés de nouer des partenariats avec les instituts de recherche nationaux/internationaux, non-affectation du budget alloué à la recherche, refus de financer des projets scientifiques viables, aboutissant in fine à une production scientifique quasi-inexistante. Un début d’éclairage est utile pour décrire cette situation : tout d’abord, la turbulence organisationnelle qu’a connu l’organe en charge de la recherche (CRUD puis l’Ecole doctorale) sous les nombreux mandats de l’actuel Président, soit neuf ans à la tête de l’UD. Pas moins de 5 directeurs se sont succédés, le dernier ayant présenté sa démission après qu’il a constaté des blocages administratifs, empêchant durablement l’éclosion de la recherche à l’université. À cela, il faut ajouter le cantonnement organisé des enseignants chercheurs à l’enseignement, faisant ainsi de l’UD un ​« grand lycée ». Enfin, l’éjection des enseignants chercheurs de la phase d’exécution des projets de recherche soutenus par les partenaires au développement après qu’ils aient travaillé à la réussite de leur montage, participe de cette même volonté administrative d’étouffer les enseignants-chercheurs et de surcroît la recherche universitaire.

L’incohérence entre les objectifs pédagogiques et les moyens alloués aux enseignants et aux étudiants. Invariablement, on relève au sein de toutes les facultés une insuffisance des moyens matériels pour enseigner ou faire de la recherche. À ce titre, on pourrait citer l’absence d’espaces de travail individuels ou collectifs équipés en ordinateurs PC et imprimantes, d’une connexion internet permanente, d’un accompagnement technique, etc. À cela, il faut ajouter la carence des outils d’enseignement (craie, vidéoprojecteur), l’inexistence de salles multimédias au profit des étudiants.. Il est clair que ces contraintes matérielles ne peuvent en aucun cas être imputés à une quelconque volonté politique dès lors que les capacités budgétaires de l’UD n’ont eu de cesse de croître depuis sa création. Elles ont plutôt pour origine une mauvaise gestion des ressources financières de l’UD, un défaut d’autonomisation et de responsabilité des Décanats des facultés, voire une relégation volontaire de la question des conditions de travail à l’arrière-plan, etc.

Monsieur le ministre, de tels constats nous amènent à nous interroger sur la gravité de la situation que traverse l’UD. Notre démarche intervient après une longue période d’observation et de patience. Elle vise avant tout à ce que soient examinées dans les meilleurs délais les conditions de rénovation de notre système universitaire.. Les espaces de dialogue et de concertation n’existant plus à l’UD, nous souhaitons exprimer et faire entendre notre voix par les moyens légaux. C’est la raison pour laquelle nous vous saisissons par le biais de ce courrier collectif.

Comptant sur votre compréhension, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de notre haute considération,

Enseignants-chercheurs de l’Université de Djibouti.

Ampliations
Président de la République
Premier ministre
Ministre du Travail chargé de la réforme de l’administration
Ministre du Budget

Signataires

Dr. Youssouf Kosad Abdi (FS)
Dr. Choukri Moussa Ali (IUT-T)
Dr. Ali Miganeh Hadi (IUT-T)
Dr. Moussa Farah Adaweh (IUT-T)
M. Osman Barkadleh Moussa (IUT-T)
Dr. Abdourahman Mahamoud Rayaleh (IUT-T)
M. Bouh Daher Ahmed (IUT-T)
Dr. Youssouf Ali Robleh (FDEG)
M. Moustapha Djama Wais (FDEG)
Dr. Ibrahim Robleh Guedi (FDEG)
M. Ahmed-Bachir Mahamoud (FDEG)
Dr. llyas Said Wais (FDEG)
M. Nasser Mohamed Issé (FDEG)
Dr. Mohamed-Awal Abdillahi (FS)
Dr. Omar lbrahim Elmi (FS)
Dr. Mohamcd Elmi Abdillahi (FS)
Dr Moussa Awaleh Osman (IUT-T)
Dr. Abdoulkarim Ibrahim (FS)
Mme Saida Waberi Assoweh (FDEG)
Dr. Ismael Abdillahi Guirrch (IUT-T)
Dr. Moussa Souleiman Obsieh (FLLSH)
Dr. Fatouma Mahdi Ahmed (FLLSH)
Dr. Dahir Abdourahrnan Youssouf (IUT-I)
Dr. Ismael Moussa Elmi (IUT-T)
M. Abdoulwahab Omar Elmi (IUT-I)
Dr. Hassan Elmi Robleh (IUT-I)
Mme. Hawa Ali Omar (FS)
M. Abdourazack Ahmed Kayad (IUT-I)
Dr. Nasser Mah amoud Youssouf (IUT-I)
M. lsmail Aden Egueh (FS)
 
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