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À la découverte de « Dhalinyaro » de Lula Ali Ismaël
 

Lula Ali Ismaël, vient de boucler le tournage de son premier long métrage, Dhalinyaro, un docu-fiction, à mi-chemin entre le témoignage et le documentaire légèrement romancé qui traite d’une thématique brulante, la jeunesse. Au plus fort de son effervescence, c’est-à-dire à un moment de transition entre l’adolescence et l’âge adulte, Lula a voulu capter des moments de la vie quotidienne de trois jeunes lycéennes aux conditions sociales différentes. C’est le récit qu’elle nous a livré hier, dans son bureau, sur son film, mais aussi sur le cinéma à Djibouti. Conciliabule…

Lula Ali Ismael, photo Hani Khiyari.

La vie au lycée est un formidable prisme où se cristallise les passions, les désirs, les rêves et les combats de la jeunesse. A l’heure d’internet et des réseaux sociaux la jeunesse djiboutienne partage beaucoup voire tout avec la jeunesse du reste du monde. Quelles perspectives après le baccalauréat ? Quelles études supérieures poursuivre à Djibouti ou à l’étranger ? Quel avenir escompter au regard des contextes économiques et sociaux ici et ailleurs ? C’est un moment de vérité qui est négocié selon les réalités et les contextes de chacun.
« Je n’ai jamais connu le lycée dans mon pays, car j’ai fait mes études secondaires et supérieures au Canada, où j’ai suivi ma famille. C’était donc un vrai mystère pour moi, et grâce à Asma, Deka et Hibo, mes trois formidables jeunes actrices, j’ai pu percer ce voile si brumeux, et j’ai retrouvé à peu près les mêmes stéréotypes qu’ailleurs » nous éclaire-t-elle. Quant à sa démarche de cinéaste, ce fut plutôt une charmante rencontre humaine, qui s’est tissée naturellement avec les filles, confie-t-elle. « J’ai pu avoir accès à des classes de Terminale pendant des heures de cours. Une rencontre qui a suscité de la curiosité, avant de nouer un contact plutôt facile avec mes trois héroïnes qui sont venues à ma rencontre et se sont ouvertes à moi. » C’est donc ainsi qu’a démarré cette belle idylle entre la cinéaste et ses jeunes actrices. « Et quel bonheur de pouvoir échanger avec de jeunes lycéennes et découvrir au fil du temps tout ce que recèle leur vie ! » se réjouit Lula. « Une forte envie d’émancipation, le casse-tête des meilleurs choix à faire, la peur de tomber dans les nombreux écueils de la vie… etc. Rien de plus difficile, en vérité ! », résume-t-elle.
« Et c’est le sens même du choix du thème de mon premier long métrage, qui est une main tendue vers la jeunesse. Mon message est simple : “votre destin est entre vos mains, quels que soient vos choix, gardez en perspective vos rêves et battez vous pour les réaliser”. » Lula se dit admirative de ses jeunes comédiennes qui ont fait montre de qualités admirables et ont réussi leur « coup d’essai, comme un coup de maitre ».

Dans ce long métrage, Lula est à la fois réalisatrice, productrice, scénariste et actrice. Dhalinyaro (« jeunesse » en somali), est produit par sa société de production Samawada Films, avec le soutien de deux maisons de production cinématographique françaises, Maia Cinéma et Les films d’en face, et de l’organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Le long métrage est une belle fiction mettant en scène trois jeunes djiboutiennes : Asma, Deka et Hibo, des filles de classes sociales différentes qui se préparent à passer leur bac. Il traite de la transition entre la fin de l’adolescence et l’âge adulte.
Tout au long de l’heure et demi, le film se déroule dans différents lieux de Djibouti : du Quartier 4 à Doudah, en passant par Gachamaleh, le lycée d’Etat, le CDC du Quartier 2, le Kempinski Palace, la Siesta et l’île Moucha. Tant pour les acteurs que les techniciens, l’équipe est composée de Djiboutiens, la plupart issus de l’université de Djibouti, mis à part cinq techniciens français.
Lula rend grâce à ses nombreux sponsors djiboutiens, tant du secteur public que privé : « Fonds de Développement, ministère de la Communication, ministère de la Culture, Fratacci, Coubèche, etc. Et j’en passe !… »
Lula se dit confiante pour ce travail qu’elle a mis quatre années et demi à boucler. Grâce à la mobilisation de son équipe de jeunes acteurs et d’assistants réalisateurs, elle a réussi à mener à bien son projet. Les bobines sont aujourd’hui en France où elle doit se rendre bientôt pour superviser le montage et la postproduction.

La jeune réalisatrice n’en est cependant qu’à son deuxième essai, après un court métrage, Laan (2011, 26 minutes), plutôt bien accueilli par la critique. Laan a été projeté au Fespaco en 2013, au festival Vues d’Afrique de Montréal en 2012, à Lausanne, à l’île de la Réunion. Il a aussi été diffusé sur TV5 Monde, ce qui a permis aux Djiboutiens de l’apprécier.

Lula espère que son premier long métrage, Dhalinyarro, connaitra le même sort. « Vous savez, un long métrage, c’est plus exigeant, et ce sera donc un vrai défi pour moi de le proposer dans les grands festivals internationaux du cinéma d’auteur » confie-t-elle, toute sourire.
Quant à l’industrie cinématographique à Djibouti, c’est un domaine qui reste en friche pour le moment se désole Lula, qui regrette le gâchis de cette abondance de talents et de potentialités, tant en hommes qu’en paysages et conditions climatiques, qui se prêtent parfaitement à des tournages pour des grandes productions étrangères. D’où son plaidoyer pour une mobilisation des autorités publiques et des acteurs privés pour attirer les cinéastes et les maisons de productions cinématographiques étrangères. « Pour preuve, le tournage par Wim Wenders, célèbre réalisateur allemand, de Submergence est un formidable passeport pour les paysages et les conditions favorables à Djibouti pour le cinéma ».
Lula plaide donc pour une mobilisation des Djiboutiens qui « doivent écrire leur propre histoire » clame-t-elle. Il faut mettre la main à la poche, financer, soutenir et croire en l’avenir du cinéma djiboutien, selon elle. Un message d’espérance et une forte volonté qui espérons-le, portera de belles perspectives pour le cinéma djiboutien.

Mohamed Ahmed Saleh


Articles à propos de Lula Ali Ismaël et Dhalinyaro, en ligne sur le site de La Nation.

 
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