Connu depuis l’Antiquité, le café est le fruit du caféier, un arbuste du genre Coffea, qui pousse dans les régions tropicales et subtropicales. Cet arbuste produit des petites feuilles persistantes et opposées qui renferment des fruits charnus et rouges appelés « cerises de café ». Celles-ci renferment deux noyaux contenant chacun un grain de café.
Destiné aux marchés d’exportation, le café se présente aujourd’hui comme l’une des principales denrées d’origine agricole échangées sur les marchés internationaux.
D’ailleurs, le café est considéré, après le pétrole, comme le deuxième bien de consommation échangé dans le monde.
L’origine du café : entre légende et religion
Les histoires relatives à l’origine du café sont nombreuses et oscillent entre légendes et traditions religieuses. L’on présente traditionnellement l’Ethiopie comme le berceau du café mais la question n’est pas totalement tranchée. La légende la plus répandue soutient qu’un berger d’Abyssinie (l’actuelle Ethiopie) du nom de Kaldi aurait remarqué qu’une excitation s’emparait de ses chèvres après qu’elles aient brouté des arbustes couverts de petits fruits rouges. Il choisit d’en parler aux moines soufis (ascètes musulmans) de la région. Intrigués, ces derniers décidèrent d’aller cueillir ces fruits, les firent sécher et préparèrent une infusion qu’ils burent avec délice. Une autre variante de cette même légende veut que ce berger, ayant accidentellement laissé choir une branche de cet arbuste dans un poêle, aurait été agréablement séduit par l’arôme délicieux qui s’en dégageait et décida de s’en préparer une décoction.
Une autre version religieuse soutient qu’au VIIe siècle de notre ère, le Prophète Mohammed annonce la nouvelle religion qui lui a été révélé, l’Islam. La tradition rapporte qu’un jour, alors qu’il était souffrant, l’Ange Gabriel envoyé par Allah, lui offrit une boisson noire pour le réconforter. Après l’avoir bu, le Prophète recouvra la santé et sa force de jeune homme. Il baptisa ce breuvage « qah’wa’ » ou « cahouah », qui signifie « fort », « élan » ou « vitalité » en arabe.
Culture et consommation du café en Ethiopie
La culture du café est profondément ancrée en Ethiopie. Elle découle d’une tradition ancestrale. Le caféier pousse dans le sud-ouest du pays. La plante du café est un arbuste de 6 à 12 mètres de haut.
Quand il est cultivé, l’arbuste est taillé entre 2 et 3 mètres. Il faut en moyenne 3 à 4 ans pour qu’un jeune caféier commence à produire un fruit appelé « cerise » ou « drupe » qui devient rouge à maturité.
Un arbuste produit environ 2,5 kg de cerises par an dont 0,5 kg de café vert. Dans les zones de production du sud et de l’ouest, le caféier pousse sur des sols volcaniques, argileux, riches en minéraux et très fertiles. Souvent accroché aux flancs des montagnes, le café pousse également à des altitudes variables, sur des plateaux qui varient entre 1200 et 2300 mètres. Les récoltes sont réparties sur plusieurs mois de l’année et ont lieu d’octobre à janvier.
D’autre part, bien que l’image des plantations de café soit souvent associée à celle d’immenses domaines tel que l’on peut trouver au Brésil (premier exportateur mondial du café), la culture éthiopienne du café découle presque exclusivement d’exploitations familiales d’une superficie inférieure à 10 hectares, généralement la majorité ne dépasse pas les 5 hectares. Ces exploitations sont la plupart du temps des parcelles morcelées, sur lesquelles le café est associé à d’autres cultures vivrières telles que le mais, le manioc, la banane plantain ou encore le khat, etc.
Qu’il s’agisse des petits exploitants ou des ouvriers agricoles, la caféiculture fait vivre un très grand nombre de personnes, car la cueillette, non mécanisée requiert un temps de main d’œuvre important qui forme l’essentiel du coût de production. La croissance de l’économie éthiopienne est d’ailleurs fortement dépendante des exportations des denrées du secteur agricole qui contribue pour près de la moitié (42.5%) au PIB et assure la survie de 80% de la population. Et à elle seule, la culture du café (plantation, ramassage, négoce, traitement), fait vivre près de 15 millions de personnes, soit 20% de la population totale du pays.
Le café occupe 400.000 hectares et la production totale tourne autour de 230.000 tonnes par an dont plus de la moitié est consommée au niveau national où la tradition du café est bien ancrée. En Éthiopie, le café joue un rôle essentiel dans la vie sociale et culturelle et sa dégustation se déroule selon un rituel bien précis. Le café n’est pas torréfié [1] à l’avance mais pour chaque utilisation. Les graines sont ensuite pilées puis infuses dans une cafetière en terre cuite au-dessus du charbon de bois. Le café est par la suite servi selon un cérémonial particulier : on répand au préalable des feuilles d’eucalyptus au sol, on fait brûler de l’encens et on dispose des minuscules tasses en porcelaine joliment décorées sur un petit tréteau. Le café est également utilisé lors des cérémonies religieuses. On trouve au moins une Bunabet (une maison du café) dans toutes les villes et bourgades d’Ethiopie. Ce sont des lieux où l’on peut déguster cette boisson nationale dans les règles de l’art. En effet, le « Buna » (café en éthiopien) est le symbole de l’hospitalité, et est dégusté en famille, entre amis ou en l’honneur d’un hôte. En Éthiopie, l’acte d’offrir du café à un invité représente un témoignage de respect. Aussi, chaque invité doit selon la tradition, accepter les trois tasses offertes, sous peine de malédiction ! Les enjeux économiques et sociaux générés par le café sont donc extrêmement importants. De plus, l’Ethiopie se présente comme le premier exportateur du café en Afrique et se classe 6e exportateur mondial (environ 3.5% de la production mondiale) [2].
D’autre part, bien qu’il n’existe pas de certification officielle, 95% de la production éthiopienne est estimée comme étant biologique [3].
Cette agriculture biologique est en effet, nettement plus éthique et assure une garantie sans utilisation des pesticides et d’engrais chimiques. Le pays jouit des conditions climatiques très favorables pour la culture du café et les producteurs utilisent principalement des fertilisants organiques. Il existe quatre méthodes de production en
Ethiopie : café forestier, méthode traditionnelle, méthode améliorée et culture intensive. Le café forestier pousse à l’état sauvage dans le sud et le sud-ouest du pays (Balé, Wollega, Bancha-Maji, Metu et Jimma). C’est la variété arabica [4] ou encore caféier d’Arabie qui est originaire de ces régions. Il pousse à l’ombre des forêts tropicales.
La culture naturelle a produit des plants résistants aux maladies, avec des bons rendements et une qualité supérieure en arôme et en saveur. Ce café arabica représente 10% de la production totale. La méthode traditionnelle produit le café semi-forestier, qui représente 35% de la production totale. Ce café est produit dans le sud et sud-ouest du pays dans les sous-bois ombragés des forêts. Afin de faciliter la récolte, on pratique un désherbage périodique et un binage.
La moitié de la production éthiopienne est un café horticole planté non loin des habitations. On le trouve dans le sud (Sidamo, Gedeo, Omo), dans les régions Gouragué et Wollega ainsi que dans l’est (Harargué). On parle de méthode améliorée car les exploitants veillent à la densité de plantation (1000 à 1800 arbustes/ha) et au suivi de la qualité des jeunes plants. En outre, cette densité s’accompagne régulièrement d’un désherbage, d’un entretien du sol et d’un apport en fertilisants organiques. Ces dernières années, des exploitations importantes de l’Etat ont subi une privatisation progressive. Ces fermes privées ont recours à des méthodes agronomiques de production intensive tout en associant d’autres cultures vivrières au café. Dans ces plantations, ce sont des fertilisants et des herbicides chimiques qui sont utilisés mais c’est seulement 5% de la production nationale qui provient de ces fermes.
Les noms de café
Un enjeu géographique, économique et identitaire. La renommée des cafés éthiopiens dépend en grande partie des différentes variétés qui sont cultivées selon des critères géographiques : Harar, Jimma, Limu, Sidamo, Yirgacheffe, etc. En effet, selon l’espèce et la variété cultivée, selon la provenance et le mode de préparation des grains, les cafés présentent un grand éventail des saveurs, appréciées pour leur diversité, les variétés les plus cotées et les plus rares atteignant des prix très élevés.
Ceci dit, la richesse des variétés n’est pas tout ; le terroir, le travail des hommes, les qualités organoleptiques (arôme, saveur, acidité, corps, équilibre, uniformité) des plantes et la mention du procédé de transformation suivi (café lavé ou séché) [5] produisent des grands cafés dont les appellations régionales les plus connues sont :
Jimma : il provient du terroir de Jimma, dans la région d’Oromia, à l’ouest de l’Ethiopie. Il représente près de la moitié des exportations. C’est un café séché au goût corsé.
Lekempti-Gimbi : séché ou lavé avec un goût fruité. Il est apprécié pour la dégustation et pour les mélanges.
Sidamo : lavé, il est apprécié par les gourmets. C’est un café doux avec un arôme développé.
Yirgacheffe : toujours lavé, il est considéré comme le meilleur café éthiopien. Légèrement acide, il a un goût très parfumé.
Illubabor : bien charpenté, il est utilisé pour les mélanges.
Harar : il est considéré comme le meilleur café séché du monde pour sa saveur typique du moka. Il est présenté comme étant un café noble au goût sauvage. Il est très apprécié en « expresso ». Acidité moyenne.
Limu : lavé seulement. Doux et épicé, il est recherché par les torréfacteurs en Europe et aux USA pour les connaisseurs.
Tepi et Bebeka : ce sont deux cafés aux variétés similaires et au goût équilibré. Ils sont principalement utilisés pour les mélanges.
Au niveau local, la détermination du nom sous lequel le café peut être commercialisé revêt avant tout un caractère identitaire. Il s’agit en effet d’une reconnaissance des identités locales dont la portée dépasse le seul secteur du café. Dans cette perspective, le lien entre le café et son terroir, défini comme territoire de groupes ethniques particuliers est réaffirmé avec force. À titre d’exemple, le café Amaro produit dans la spécial woreda d’Amaro [6], est associé au groupe ethnique Koore. De même, le café Yirgacheffe est étroitement associé au groupe ethnique Gedeo [7]. Il apparaît que la recherche de la qualité, de la zone de production et de l’origine pure du café n’est guère anodine ou purement symbolique Bien au contraire, elle est étroitement liée aux impératifs des demandes du marché international sur lequel l’Ethiopie souhaite renforcer sa position et a des impacts significatifs sur les prix à
tous les niveaux (de la ferme à l’export). En effet, le café est une culture commerciale par excellence et se consomme essentiellement au Nord. La consommation des pays industrialisés représente 70% du café produit dans le monde. Les Etats-Unis sont les plus gros consommateurs mais l’Europe a la consommation par habitant la plus élevée : jusqu’à 10 kg par habitant et par an dans les pays scandinaves.
Les enjeux économiques sont donc loin d’être négligeables d’autant plus que l’industrie du café est le moteur de l’économie éthiopienne. Les exportations du café représentent entre 50% et 60% des rentrées de devises dans le pays, et en termes d’emplois, c’est la survie de 15 millions de personnes qui dépend directement ou indirectement du café [8].
L’État éthiopien dans la production et le commerce du café La balance commerciale de l’Éthiopie étant fortement dépendante de ses exportations du café, l’intervention de l’Ê1tat dans la régulation et l’encadrement du commerce du café apparait dès lors comme une nécessité absolue. De même, comme la production du café émane presque exclusivement des petites fermes familiales, les paysans sont dans l’incapacité d’estimer la valeur réelle de leur café et sont par conséquent, à la merci des acheteurs et des courtiers étrangers envoyés par les diverses maisons de café.
Toutefois, malgré son poids économique, la réglementation juridique du café n’a été que progressif. Et la première tentative d’encadrement législatif du commerce du café remonte à une loi de 1952, la proclamation n° 121. Cette loi introduit l’obligation de trier, de calibrer et d’évaluer à l’aune des critères préalablement définis les cafés destinés à l’exportation. Elle confie aussi les différents contrôles à des agents qui se voient octroyer une licence spéciale à cet effet [9]. Trois ans plus tard, en 1955, c’est la loi Coffee Cleaning and Grading regulations qui est adoptée. Cette loi établit une première liste officielle des noms de café en fonction de leur origine. Les noms retenus sont alors Harar, Sidamo, Jimma et Lekempti.
En 1957, le régime impérial met en place le National Coffee Board [10]. Il s’agit d’une instance chargée de développer des normes de qualité et d’uniformiser les procédures et règles de conditionnement et de circulation du café. Elle se dote d’un organe de contrôle, la Coffee Liquoring Unit (CLU), en charge de l’évaluation du café avant son exportation. Un échantillon de café est prélevé, les qualités organoleptiques et les défauts des grains (grains brisés, décolorés ou piqués par des insectes, fragments de pulpe, etc.) sont comptés, agrégés puis notés. La note qui en découle permet d’attribuer un grade de 1 à 5 au lot considéré. Les grades 1 à 3, les meilleurs sont destinés à l’exportation tandis que les grades 4 et 5 sont réservés au marché national. La C LU est également investie du pouvoir de nommer les cafés.
En 1990, on assiste à une crise mondiale du café dû notamment à l’arrivée extrêmement agressive du Viêt Nam sur les marchés des cafés mais aussi au développement d’une caféiculture intensive au Brésil. Conséquence : une chute drastique des prix du café (-50%), ce qui a mis 25 millions de petits producteurs en difficulté partout dans le monde. Cette crise a bien évidemment affecté le café éthiopien. Beaucoup des petits exploitants ont dû vendre à perte, ce qui les a naturellement conduits à la faillite. Afin de remédier à cette crise, le gouvernement éthiopien a décidé en 1991 de libéraliser progressivement la filiale du café, ce qui a donné lieu à une restructuration des coopératives ainsi qu’une explosion du secteur privé [11]. Pour autant, l’Etat ne s’est pas totalement désinvesti. Il a mis en place un système de licences afin d’éviter une concentration verticale et la constitution des monopoles. Parconséquent, tous les acteurs de la filière depuis les collecteurs jusqu’aux exportateurs, y compris les acheteurs locaux et les fournisseurs doivent être officiellement enregistrés et détenir une licence pour être autorisés à opérer. En théorie, le cumul des licences est strictement interdit mais dans la pratique, il est fréquent de détenir plusieurs licences,
notamment chez les investisseurs privés.
La protection des noms de café éthiopiens comme marques à l’étranger
En 2005, un documentaire intitulé Black Gold rend compte des conditions d’exploitation du café en Ethiopie par les multinationales. L’ONG humanitaire Oxfam s’empare de la question et mène une grande campagne de sensibilisation. Elle organise une grande conférence internationale à Addis-Abeba réunissant divers participants : représentants d’ONG et du gouvernement, acteurs du commerce et de l’industrie du café, presse etc. Oxfam établit un rapport accablant : « le café est une véritable mine d’or pour les torréfacteurs internationaux » tandis que les producteurs « ne reçoivent qu’environ 6% de la valeur du paquet du café vendu dans les supermarchés et les épiceries » [12]. L’ONG propose alors un plan d’urgence qui prévoit entre autres une augmentation signifiactive du prix d’achat du café auprès des petits producteurs et la création d’un fonds afin d’aider les paysans à diversifier leurs moyens d’existence.
Dans cette bataille engagée par Oxfam, le gouvernement éthiopien n’est pas en reste. Il demande en mars 2005 la protection intellectuelle de trois principaux types commerciaux de café (Sidamo, Harar et Yirgacheffe) vendus aux Etats-Unis, en Europe, au Canada et au Japon [13]. C’est le début d’une polémique entre l’Etat éthiopien et l’association nationale de café américaine (National Coffee Association) dirigée par le géant Starbucks [14].
Les années 2005 à 2007 vont ainsi relayer dans la presse le bras de fer qui oppose l’Ethiopie au géant américain de la distribution du café. La reconnaissance de ces cafés comme marques déposées permettrait à l’État éthiopien de renforcer la réputation des cafés éthiopiens au niveau mondial, de négocier les prix de façon centralisée, d’accroître les recettes d’exportation et à terme d’améliorer le sort des producteurs.
Après d’intenses batailles diplomatiques largement médiatisées, l’enregistrement de Yirgacheffe, Harar et Sidamo comme marques à finalement été accordé à l’Ethiopie et est en passe de l’être dans tous les pays où elle a demandé, notamment grâce à la campagne de soutien organisée par Oxfam. Des nombreuses firmes ont accepté de signer les accords de licence proposés par l’Ethiopie, y compris Starbucks en dépit de sa réticence initiale [15].
Ces accords de licence concédés aux maisons de café doivent garantir les usages des noms. À cette fin, le gouvernement éthiopien a mis en place un durcissement des contrôles et de la répression en la matière tout récemment depuis le début de l’année 2009 [16]. Certaines fonctions sont en outre, exclusivement réservées aux opérateurs nationaux ; c’est ainsi que seuls des éthiopiens sont autorisés à se porter acquéreurs de café lors des enchères, sur le marché central.
Par ailleurs, le marché central est en cours de réorganisation avec la mise en place par le gouvernement d’une structure voulue plus efficace et transparente. Il s’agit de l’Ethiopian Commodity Exchange (ECX). Cette nouvelle structure lancée au courant de l’année 2008, a vendu près de 161 000 tonnes de café en 2009, soit environ 70% de la production nationale de l’Éthiopie, pour une valeur de $ 380 millions. À côté de son activité principale de transactions en ligne pour les différentes matières premières traitées (café, blé, maïs, sésame, haricot), l’ECX travaille également sur la certification, l’entreposage, la récolte des informations sur le marché et le filancement pour développer l’offre de café de spécialité.
Le poids des coopératives dans le commerce du café éthiopien
Dans cette lutte menée pour rehausser la valeur du café éthiopien et défendre les droits des petits producteurs, le rôle joué par les coopératives ne doit pas passer inaperçu. En effet, en Éthiopie, les coopératives jouent un rôle moteur dans la réduction de la pauvreté et participent activement à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en favorisant entre autres, la vente du café éthiopien à des prix hautement compétitifs, l’augmentation des revenus des petits agriculteurs et par conséquent l’amélioration de leurs conditions de vie. De même, De même, elles visent à promouvoir l’esprit d’entreprise, la création des nouveaux emplois et le maintien de l’emploi ainsi que l’amélioration des méthodes de production afin d’obtenir des rendements plus élevés.
L’exemple le plus illustratif est sans conteste celui de la coopérative Oromia Coffee Union. En 1999, Tadesse Meskela, pionnier du mouvement coopératif éthiopien créa Oromia Coffee Farmers Cooperative Union (OCFCU) qui est une coupole de coopératives de producteurs de café de la région d’Oromia. Cette coopérative totalise
128 000 membres, 800 000 familles et s’étend sur plus de 30% du territoire à l’ouest, au centre et au sud [17]. Les producteurs d’Ormoie possèdent des petites fermes dont la surface varie entre 0.5 et 2 hectares par famille. L’organisation peut exporter directement, ce qui réduit les prix. Les objectifs de la coopérative consistent à rassembler les petites quantités de chacune des coopératives de base pour proposer une offre plus conséquente aux acheteurs et d’améliorer les conditions de vie des paysans en fournissant des services de base comme l’alimentation.
Le café étant un des produits phares du commerce équitable, Oromia s’est affilié à Ethiquable [18]. Les acheteurs associés à ce programme de commerce équitable s’engagent à acheter le café à un prix minimum même si les cours mondiaux sont inférieurs à ce seuil. Ce prix minimum a permis à de nombreux petits producteurs d’améliorer leurs conditions de vie et de ne pas plonger dans la misère lors de la crise du café en 1997, lorsque la chute dramatique des cours (-65%), provoquée par la surproduction, a rendu le prix d’achat inférieur à son coût de production. C’est ainsi que le prix du café Oromia a été jusqu’à deux fois supérieurs aux prix du marché notamment dans la période de 2000 à 2004 correspondante à l’effondrement des cours internationaux.
Labélisées FLO [19] et/ou biologique, les exportations de la coopérative ont également suivi une tendance haussière puisque Oromia a multiplié par 10 ses exportations entre 2002 et 2006. En 2007, le cours du café sur le marché international était de 111$ le quintal alors qu’Oromia a vendu son café labélisé FLO à 155$.
Les coopératives, un levier du développement local
Grâce au surprix du commerce équitable et aux économies d’échelle, l’Union de la coopérative Oromia a financé directement des infrastructures dans les villages : dépulpeuses de café, séchoir à café, bâtiment de stockage après récolte, etc. Ces investissements sont productifs puisqu’ils permettent d’améliorer les étapes de transformation du café et donc la qualité finale du produit. D’autre part, depuis 2002, Oromia investit la prime de développement FLO dans des projets sociaux au sein des unités villageoises. Elle a ainsi contribué à la construction de quatre nouvelles écoles, de 17 classes supplémentaires, de quatre centres de soins et de deux stations d’approvisionnement en eau potable [20].
L’initiative des coopératives est incontestablement un succès. Les actions menées par Oromia ont introduites des avancées notables notamment au niveau du développement rural.
Conclusion
Après le thé et le cacao, le café a acquis ses lettres de noblesse. C’est une boisson reconnue et appréciée de par le monde. L’on considère que c’est plus de deux milliards de tasses de café qui sont dégustées par an soit 12 000 tasses par seconde à travers le monde. La caféine a une action sur la circulation cérébrale. Elle agit comme un stimulant, allonge la durée de vigilance, accroît l’endurance en retardant l’apparition de la sensation de fatigue, notamment lors des tâches intellectuelles ou répétitives. Mais le café est surtout et avant tout apprécié pour sa saveur, son arôme et la sensation de bien-être qui en découle. C’est un marché très juteux et concurrentiel sur lequel l’Ethiopie occupe désormais une place de choix. La renommée du café éthiopien est une chose acquise. Le label biologique contribue à le valoriser davantage : aujourd’hui, les petites exploitations des paysans s’apparentent à des « jardins de l’espérance », garantes de la survie de 20% de la population éthiopienne.
Mouna Frumence
[1] La torréfaction est le processus qui consiste à chauffer fortement les grains de café. Elle se fait à la poêle en Ethiopie. On parle aussi de brûlage ou de grillage. Durant la torréfaction, les grains de café se fissurent, ce qui développe leur arôme et leur donne leur couleur foncée. Les grains sont par la suite moulus.
[2] Voir Rapport économique annuel Ethiopie, Département fédéral des affaires étrangères, DFAE, Confédération suisse, 14 mai 2010, p.4.
[3] L’agriculture biologique est un mode de production basé sur des pratiques culturales et d’élevage soucieux du respect des équilibres naturels. Elle favorise l’agrosystème, la biodiversité, la préservation de la qualité des sols et les cycles biologiques. L’agriculture biologique exclut ainsi l’usage des produits chimiques de synthèse, des organes génétiquement modifiés et limite l’emploi d’intrants.
[4] Il existe au monde deux grandes variétés de cafés, l’arabica et le robusta. L’arabica (ou Coffea arabica) est un café fin et aromatique, originaire de l’Afrique de l’Est : Éthiopie, Soudan, Kenya. Sensible à la chaleur et à l’humidité, la culture de l’arabica nécessite un climat plus frais et des terres en altitude (de 200 à 2000 mètres d’altitude). L’Ethiopie est le principal producteur du café arabica en Afrique. Le robusta (ou Coffea canephora) est originaire de l’Afrique de l’Ouest. Il nécessite moins d’entretien que l’arabica et pousse à l’état spontané de l’Ouganda à la Guinée. Le robusta est plus riche en caféine, plus productif, moins fragile mais aussi moins goûteux que l’arabica. De ce fait, il est plus réservé à une production de qualité ordinaire et voit son utilisation limitée aux cafés bas de gamme. Néanmoins, il s’avère indispensable pour la confection des cafés instantanés et les mélanges pour expresso afin que sa mousse caractéristique, la crema, puisse se former. Il existe aussi une troisième variété de café appelé Café du Libéria (ou Coffea liberica). Cette espèce, de moindre importance et sans grand intérêt gustatif est originaire de la région de Monrovia. Cultivé en Afrique de l’Ouest, le liberica est principalement utilisé pour la préparation des cafés instantanés et ne représente qu’un 1% du commerce mondial.
[5] Après la récolte, le café doit être rapidement débarrassé de son enveloppe charnue par séchage ou par lavage. Le séchage se pratique sur des claies, où les cerises de café sont étalées et ratissées. En quelques jours, la partie charnue se déshydrate et se désagrège en partie. Le lavage ne concerne que des fruits bien mûrs (récoltés par cueillette). Le processus consiste, après avoir rompu la peau de la cerise, à faire tremper les fruits dans l’eau assez longtemps pour qu’une fermentation assure la dégradation de la partie charnue. On obtient des cafés lavés décrits comme « propres et brillants » généralement moins acides et de meilleur teneur en bouche. La technique, souvent mécanisée nécessite de disposer de cuves et d’un approvisionnement en eau suffisent.
[6] L’Etat fédéral éthiopien est divisé en régions, elles-mêmes divisées en zones et en spécial woredas. Les zones sont à leur tour divisées en woredas, elles-mêmes divisées en kebeles.
[7] Voir Cindy Adolphe & Valérie Boisvert, Nommer et contrôler : les appellations de café en Ethiopie, MNHN-IRD, UMR 208 « Patrimoines locaux »/IRD, UR 199, « Politiques d’environnement », p. 4-5.
[8] Cindy Adolphe & Valérie Boisvert, op. cit., p.6.
[9] Voir Love R, 2002, « Formalisation of the Ethiopian Coffee marketing structure, 1941-1974 », in Proceedings, XVIth International Conference of Ethiopian Studies, Addis-Abeba, Institute of Ethiopian Studies, vol 2, p. 1243-1266.
[10] Voir Abbott J, 2006, « Agricultural Marketing Boards in the Developing Countries », Journal of Farm Economics, p. 705-722.
[11] Voir Cindy Adolphe & Valérie Boisvert, op. cit., p.6.
[12] Voir Robert Warren, « Un café au goût d’injustice, Oxfam tire la sonnette d’alarme », dossier dans Les nouvelles d’Addis, n° 32.
[13] Depuis, des demandes similaires ont été adressées à d’autres pays et la protection d’autres noms de café est à l’étude.
[14] Voir Stephen Faris, « Starbucks vs. Ethiopia ». Fortune, CNN Money, 26 février 2007
[15] Voir Dalila Berritane, « Une victoire pour le café éthiopien », archives RFI , 08/05/2007.
[16] Voir Cindy Adolphe & Valérie Boisvert, op. cit., p.6.
[17] Voir « Tadesse Meskela, producteur de café en Ethiopie », Témoignage producteur, Oromia, Ethiopie.
[18] Ethiquable est une entreprise coopérative, spécialiste des produits alimentaires issus du commerce équitable. Elle permet aux producteurs du Sud d’accéder aux marchés du Nord dans les meilleures conditions tout en satisfaisant la demande des consommateurs du Nord de connaître réellement l’origine des produits et leurs conditions de production au regard du respect de l’environnement et des droits économiques et sociaux des producteurs.
[19] Tous les produits d’Ethiquable sont labélisés par Fairtrade Max Havelaar d’après les cahiers de charges de Fairtrade Labelling Organizations (FLO). Max Havelaar est une association de loi 1901, elle ne n’achète et ne vend aucun produit. Son rôle consiste uniquement à labéliser des produits qui répondent aux critères du commerce équitable et d’en faire la promotion de ce type alternatif de commerce.
[20] Voir les réalisations d’Oromia Coffee Farmers Cooperative Union, sur le site de l’organisation<http://www.oromiacoffeeunion.org>.