Demain, dimanche 10 septembre, le premier parc éolien de Djibouti sera inauguré en grandes pompes au Goubet. Ce type d’installation va probablement se multiplier dans le pays, puisqu’il est question de procéder, à peine le ruban inaugural coupé, au lancement d’une extension de 45 MW sur le même site.
Il a fallu plus de trois ans pour réaliser l’ouvrage éolien – au lieu des seize mois initialement prévus pour la construction. Dix-sept éoliennes de 150 mètres de hauteur sont positionnées autour de la baie du Ghoubet, sur une superficie de 395 hectares. Le parc serait en mesure de produire 60 MW, soit une production théorique par éolienne de 3,5 MW… Une belle performance lorsque l’on sait que la production moyenne d’une éolienne en France est de 2 MW [1].

Pourquoi employer le conditionnel pour parler de la capacité de production du parc du Ghoubet ?
On ne peut qu’applaudir avec enthousiasme à la mise en activité de ce premier parc éolien, une avancée notable pour la protection de l’environnement avec la production d’une énergie propre. La population attend aussi avec impatience la diminution consécutive du coût de l’énergie – l’une des plus chère du monde, il faut le rappeler - et, cerise sur le gâteau, le renforcement de notre autonomie énergétique. Ce dernier détail n’est pas négligeable, au vu de la situation du Niger où le grand voisin nigerian a interrompu sans préavis ses livraisons énergétique à la suite des évènements du 26 juillet dernier, alors que le pays en était dépendant à 70%.

Saluer l’ambition gouvernementale d’investir dans le renouvelable pour la production de notre électricité, ne doit pas nous empêcher de soulever la question de la qualité du matériel installé sur notre territoire, alors que la presse internationale se fait l’écho de difficultés rencontrées par Siemens Gamesa, l’équipementier du projet éolien du Ghoubet. Il est question de « défauts de fabrication », de « problèmes de qualité des turbines terrestres », de « problème de conception des pales », de « défaillance des pièces fournies », de « trop de choses mises sous le tapis »…
Pour Les Échos, l’entreprise serait « engluée dans les défauts industriels de ses turbines éoliennes » [2]. Au point selon, Le Figaro, que l’« énergéticien évalue à 1,6 milliard d’euros le coût des problèmes de qualité sur ses appareils […]. L’essentiel de la somme devrait être effectivement déboursé en 2024-2025, au fur à mesure des réparations. Siemens précise en outre que toutes les éoliennes ne sont pas affectées par ces défauts de fabrication. Il s’agit uniquement de certains de ses appareils déployés dans des champs terrestres (par opposition à l’éolien en mer) » [3]. Malheureusement, il semblerait que le modèle d’éolien incriminé pour ces avaries, soit la référence SG 3.4-132 en exploitation dans notre pays.
« Lors d’une conférence de presse tenue la semaine dernière, Siemens Gamesa, acteur majeur de l’éolien, a annoncé que son parc d’éoliennes terrestres subissait de graves défaillances techniques. Ces défaillances auraient d’abord été relevées par l’opérateur d’un parc éolien qui aurait découvert “un comportement vibratoire inhabituel” au niveau de certains composants de la turbine.

Suivant ces journaux, Siemens Gamesa aurait constaté des défauts principalement liés aux pales, mais également à des roulements de la turbine. Seraient concernées par ces défaillances la plateforme 4X, mais aussi la plus récente nacelle, 5X. Si aucun chiffre précis n’a été donné à l’heure actuelle, le fabricant a indiqué que 15 à 30 % de son parc terrestre pourrait être concerné, soit plus de 30 GW d’éoliennes. Jochen Eickholt, PDG de Siemens Gamesa, aurait évoqué des problèmes liés à des fournisseurs mais également des problèmes de conception. Lors d’une conférence téléphonique, il aurait indiqué que les défaillances étaient « bien pires que ce que j’aurais cru possible ». » [4].

Une autre défaillance n’a pas encore été signalée par Siemens Gamesa, pour ne pas dire dissimulée, aux autorités djiboutiennes. Les officiels ne seraient pas à l’abri de sueurs froides lors de l’inauguration… Pourquoi donc me direz-vous ?
Selon nos informations, les rotors des turbines installées à Djibouti seraient sensibles aux fortes chaleurs, ce qui ralentiraient la rotation des pales en cas d’élévation de la température, au point qu’à 40 degré celsius, la surchauffe des rotors entrainerait l’arrêt de l’éolienne. Il n’est pas impossible que les personnalités présentes à la cérémonie constatent par elles-mêmes, si la température reste élevée, que les pales tournoyent à la vitesse d’une tortue ou, pire, restent figées du fait des fortes températures. Ce scénario cauchemardesque est craint par les responsables de Siemens Gamesa, qui se sont déplacés en nombre depuis l’Espagne pour participer aux célébrations. On imagine qu’ils croiseront les doigts pour qu’une petite averse pointe le bout de son nez, demain matin et rafraîchisse la température. Inshallah, comme on dit ici !
Mais rassurez-vous, une réflexion a été engagée par les ingénieurs de Siemens pour s’efforcer de solutionner cette nouvelle difficulté... Une des pistes envisagées serait de climatiser en permanence la salle des turbines des éoliennes pour y faire baisser la température et permettre au matériel de résister au climat brûlant de cette partie du territoire djiboutien.

Bref, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expérimentation de l’éolienne à Djibouti ne démarre pas sous les meilleurs auspices…

Mahdi A.

Note : Contacté le ministre de l’Énergie chargé des ressources naturelles, Yonis Ali Guedi, n’a pas réagi à notre demande relative aux difficultés liées à la qualité des éoliennes installées par Siemens Gamesa.