La 7e édition du Salon international du textile africain, plus connu sous le sigle SITA, ouvrira ses portes au Palais du peuple du 10 au 14 novembre. Qu’est-ce que le SITA vous demanderez-vous ? C’est le plus grand rendez-vous continental de l’industrie textile et de habillement, il se déroule cette année à Djibouti où, durant cinq jours, professionnels et officiels continentaux se retrouveront pour échanger, réfléchir à comment changer de paradigme, donner un coup de fouet à ce secteur quasi inexistant au niveau continental et aider à trouver des financements pour changer de cap. Un peu plus de cinq cents congressistes issus de trente-huit pays d’Afrique sont attendus sur notre sol pour participer à cette importante manifestation. Pour nous en parler nous avons rencontré le ministre du Commerce et du tourisme, Mohamed Warsama Dirieh. Il nous confie aborder le SITA avec sérénité, tous les ingrédients seraient réunis, selon lui, pour que cette Foire africaine fasse de Djibouti durant quelques jours la capitale du continent. Indéniablement il ne boude pas son plaisir devant l’attractivité et l’engouement suscités par cette nouvelle édition en terre Djiboutienne.
A quelques jours du lever de rideau que pouvez-vous nous dire sur les préparatifs de l’évènement ?
Effectivement il reste moins d’une semaine avant le lever du rideau, les cinq jours les plus lourds en termes d’organisation pour peaufiner détails et préparatifs de dernière minute et assurer le succès de l’un des évènements culturel et économique majeurs du continent. Nous sommes agréablement surpris par l’affluence à cette 7e édition. Sans doute, s’explique-t-elle en partie par le fait que celle de 2020 avait été annulée en raison de l’épidémie de Covid-19, mais aussi par les enjeux et espoirs importants suscités au niveau continental par cette recension sur la question de l’industrialisation textile. On doit se réjouir par ailleurs de la grande visibilité au niveau continental dont bénéficiera notre pays, puisque nous serons durant quelques jours sous les projecteurs. Il nous appartient de nous saisir de cette vitrine pour montrer nos atouts, en termes touristiques, ou de finance régionale avec une monnaie fiable, indexée au dollar américain et librement convertible. Djibouti, c’est aussi et avant tout, un pays en paix, stable, un phare de confiance dans un système régional qui devient de plus de plus brouillé et dangereux, une terre de rencontre et d’échanges, un hub logistique et commercial pour les pays du COMESA. Nous attendons plus de cinq cents congressistes, issus de près de trente-huit pays du continent, dont trois chefs d’État, et de nombreux pays seront représentés au niveau ministériel. C’est un rendez-vous que nous ne devons pas manquer, et Djibouti va se draper de sa plus belle robe. Nous avons édité un document complet contenant énormément d’information dans un petit livret. Le premier jour est réservé aux officiels et professionnels, suivis de trois journées dédiées au grand public.
Pourquoi organiser un Salon de l’industrie du textile et de l’habillement dans un pays dépourvu de ce type de filière ?
L’absence d’un secteur du textile sur notre territoire ne doit pas nous empêcher d’avoir des ambitions dans ce domaine pour notre pays. On parle d’un marché mondial qui selon des hypothèses sérieuses doublera en volume au cours de la prochaine décennie, pour représenter 5 000 milliards de dollars américains, et pourrait créer jusqu’à 25 millions de nouveaux emplois dans l’industrie de la mode et du textile en Afrique. Lorsque l’on sait que notre continent est à l’origine de 10% de la production mondial de coton, et représente à peine 0,6% du marché d’exportation d’habillement qui se monte à 256 milliards de dollars, j’estime que les marges de progression sont réelles, à notre portée, à nous de nous organiser pour nous en saisir. L’exemple de l’Éthiopie qui, à ses débuts il y a une dizaine d’années, se trouvait dans une situation similaire nous démontre que nous sommes sur la bonne direction. Notre pays a de grandes ambitions dans ce domaine. Il s’agira de montrer l’attractivité, le potentiel de ces métiers et des opportunités qu’elles offrent en termes d’emplois pour notre jeunesse et d’opportunités d’affaires à différents niveaux de la chaine de valeurs pour nos entrepreneurs ou les investisseurs étrangers. Nous avons de nombreux atouts dans notre manche, comme la qualité de nos services portuaires, l’immense zone franche de PK23 mitoyen du DMP, le régime fiscal extrêmement favorable, une main d’œuvre de qualité, formée et travailleuse, sans compter le pôle de stabilité que représente notre pays. Le plus grand handicap au développement de l’industrie dans notre pays est en cours d’être surmonté par des projets énergétiques dans l’éolien, la géothermie, ou encore le solaire… Dès les travaux de ces nouvelles sources énergétiques achevés, avec un prix du kilowatt compétitif proposé aux industriels, plus rien ne pourra entraver la transformation attendue de notre économie. Avec le gap du coût de l’énergie levé, c’est à tous les autres défis, tant celui de la jeunesse, du chômage, que de la diversification de nos ressources, auxquels nous pourrons apporter des solutions pérennes. C’est la raison pour laquelle le gouvernement dans son entier se mobilise pour impulser ce secteur et l’accompagner dans son essor jusqu’à son éclosion. Le temps des constats est révolu. Nous sommes conscients que pour apporter un début de réponse aux défis de l’emploi de notre jeunesse, cette rencontre du SITA doit être le lieu de ce changement de paradigme pour commencer à déboucher sur des changements concrets.
Quelles sont les mesures susceptibles d’être discutées au niveau continental pour appuyer le secteur du textile et de l’habillement ?
Elles sont nombreuses et diverses. Il vous faudra participer à la conférence pour en avoir le fin mot. Cette rencontre réunissant des personnes ressources, des officiels, des industriels, des créateurs, permettra d’examiner les approches innovantes adoptées dans un certain nombre de pays et d’entreprises dans leur recherche d’une meilleure compétitivité. Chaque pays jouera sa partition en fonction de ses avantages comparatifs, pour tirer son épingle du jeu. Le Burkina Faso, grand producteur de coton, a bien évidemment intérêt au développement du textile au niveau continental, ce qui lui ouvrirait de nouveaux marchés. Et c’est tant mieux, cela contribuera considérablement au renforcement de l’intégration économique continentale. Les mesures débattues mêleront ambitions politiques, constats économiques, vécus et expériences individuelles de chaque participant. Par exemple, on pourrait augmenter progressivement les taxes sur les importations de fripes pour créer un espace de croissance pour l’industrie textile, favoriser ainsi l’éclosion de ce secteur inexistant à Djibouti, avec la production sur place de produits de consommation courante. Les pays d’Afrique qui produisent d’énormes quantités de coton sont nombreux, ils seront nos partenaires, nos alliés, dans cette révolution industrielle en cours en vue de développer un secteur du textile et de l’habillement africain. D’ailleurs pourquoi ne pas cultiver du coton à Djibouti ? Il pousse naturellement à Djibouti. Encore une autre piste de réflexion. Notre projet national peut s’appuyer sur les accords préexistants entre les États unis et Djibouti, qui promettaient un meilleur accès au marché américain. Je suis convaincu que le partage d’expériences fournira un matériel utile aux débats et concourra à l’élaboration d’une stratégie globale de promotion d’une mondialisation plus juste dans ce secteur.
Les activités lors du salon comprennent une parade des tenues traditionnelles des divers pays dans la matinée du 10 novembre devant le Palais du peuple. Il s’agit de montrer la richesse et la diversité du textile africain. Nous avons prévu un salon où chaque pays va présenter ses produits artisanaux, textiles, accessoires de mode. Une foire exposition ouverte au public, qui permettra d’échanger des astuces, des idées, des constats. Le salon comprend des journées réservées aux professionnels et des journées ouvertes au grand public. Les créateurs présenteront leurs produits durant la nuit du coton qui viendra clôturer la dernière soirée de l’évènement. Cette nuit consistera en un défilé de mode qui récompensera les plus brillants créateurs du continent. Des prix seront remis par les épouses de chefs d’État présents.
Comment incuber cette nouvelle démarche au niveau national ?
Deux formations sont prévues. Une, qui a bénéficié à cinquante trois personnes, a eu lieu sur le tissage, et une autre va débuter très bientôt sur le e-commerce. Elles sont prises en charge par le Sita via un transfert de compétence et de savoir-faire avec un accompagnement d’experts. Nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin : nous allons accompagner les personnes qui auront bénéficié de cette formation. L’achat des équipements sera pris en charge par le gouvernement, qui fournira aussi un kit de fil pour démarrer. Il est possible de créer à Djibouti et de vendre sa production aux habitants du pays.
La seconde étape sera la formation de formateurs, pour laquelle nous avons déjà noué des contacts avec des partenaires extérieurs d’envergure. À ce sujet, je tiens à adresser mes remerciements au président du Parlement, Mohamed Ali Houmed. Comme je le disais, tous les responsables du pays sont mobilisés pour donner un nouvel élan au pays. Cela nécessitera de mettre en place un véritable New Deal avec des moyens consentis mais aussi pour notre part fournir très rapidement une clarification sur les conditions de l’appui que nous comptons apporter aux potentiels investisseurs nationaux ou étrangers, dont pourquoi pas des continentaux en nombre ! Je peux d’ores et déjà vous affirmer que l’intervention de l’État sera significative pour booster ce secteur : on veut créer des milliers d’emplois décents pour notre population.
Propos recueillis par Mahdi A.