Dans un communiqué diffusé ce vendredi 9 juillet [1], le gouvernement éthiopien conteste les évaluations et comptes rendus de la situation humanitaire dans la région du Tigré diffusés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Il affirme que le retrait des forces armées éthiopiennes de la région a permis « ces derniers jours » au personnel de l’agence onusienne d’accéder à différentes localités tenues par les Forces de défense du Tigré (comme Mekele, Abdi Adi, Samre, Shire, Selekleka, Axoum ou encore Adwa) pour évaluer la situation humanitaire. L’évaluation onusienne de la situation dans ces zones encore récemment inaccessibles car jusque là, aux mains des forces armées éthiopiennes, est alarmante.
Le secrétaire général adjoint par intérim aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence, Ramesh Rajasingha, a dépeint une triste réalité au Tigré lors de la réunion du conseil de sécurité du 2 juillet, qualifiant la crise de « catastrophique » : « Aujourd’hui la situation s’est considérablement aggravée. Deux millions de personnes sont toujours déplacées et près de 5,2 millions de personnes ont encore besoin d’une assistance humanitaire, dont la grande majorité sont des femmes et des enfants. L’une des tendances les plus préoccupantes est l’aggravation alarmante de l’insécurité alimentaire et de la faim. Plus de 400 000 personnes ont franchi le seuil de la famine et 1,8 million d’autres sont au bord de la famine, des chiffres qui pourraient être plus élevés. » Il insiste sur la gravité de la situation : « L’insécurité alimentaire continuera de s’aggraver pendant la saison imminente des pluies, à mesure que les approvisionnements de nourriture s’épuiseront et que les risques d’inondations et de maladies d’origine hydrique augmenteront. Davantage de personnes risquent de mourir si l’aide humanitaire ne leur parvient pas ». Regrettant les restrictions et le peu de collaboration des autorités éthiopiennes pour l’acheminement de l’aide, le secrétaire général appelait a résoudre les problèmes d’accès « en temps réel », avec l’espoir d’une mise en œuvre dans « les 48 heures » pour ne pas perdre de temps dans la distribution de l’aide humanitaire et préserver le plus de vies possible. « L’OCHA a également demandé l’autorisation d’apporter des équipements de communication, essentiels pour la sûreté et la sécurité des travailleurs humanitaires, et de restituer immédiatement les équipements confisqués et les camions réquisitionnés ».
Dire que cette déclaration onusienne n’a pas été appréciée à Addis Abeba est un euphémisme. Elle contredit en effet les « vérités alternatives » du gouvernement éthiopien concernant la situation dans cette région du Nord de l’Éthiopie [2] où se déroule depuis huit mois un conflit sciemment maintenu à huis clos. Le gouvernement éthiopien rejette l’accusation de bloquer l’aide humanitaire vers le Tigré, dont il a perdu le contrôle. Selon lui, l’accès humanitaire à la région rebelle est complètement effectif et bénéficie de l’entière collaboration des autorités éthiopiennes pour secourir la population du Tigré. Pourtant des éléments rapportés par les organisations internationales [3] et la presse nationale - malgré les pressions tout azimut pour les contraindre à suivre la vague de désinformation qui s’est abattue sur l’Éthiopie - sont accablants et décrivent une horreur innommable, évoquant de nombreux crimes de guerre : viols collectifs, utilisation d’armes explosives en zone urbaine, nettoyage « ethnique » [4], massacres de civils, tortures, pillages, assassinats ciblés d’humanitaires, destruction des infrastructures de base [5]. Sont aussi évoquées des restrictions à l’entrée au Tigré de denrées essentielles (nourriture, carburant et fournitures médicales) par le gouvernement d’Abiy. Sans aucun doute cette crise humanitaire est causée par l’action du gouvernement éthiopien. Les procédures bureaucratiques excessives mise en place pour autoriser un pont aérien humanitaire faute de mieux – après la destruction de trois ponts cruciaux pour l’acheminement d’aide au Tigré par les forces éthiopiennes, selon des ONG et le Programme alimentaire mondial - ne laissent présager aucune amélioration de la situation humanitaire dans les prochaines semaines. Une stratégie de guerre pour gagner du temps et entretenir des pénuries semble méthodiquement mise en place pour entraver la reconstruction de la région ravagée et parvenir à soumettre les dirigeants du Tigrayan People’s Liberation Front (TPLF).
Le Premier ministre Abiy Ahmed espère sans doute ainsi amener la population tigréenne à se retourner contre ses leaders, et les amener à livrer douze généraux et sept civils membres du TPLF recherchés par le gouvernement éthiopien pour sédition et terrorisme. Cette décision politique contrevient honteusement au droit international et ne permettra en aucune manière d’atteindre les objectifs visés. Le seul gain politique sera d’aggraver encore davantage la détresse de la population tigréenne pour la punir de son soutien au TPLF, d’accentuer les rancœurs à l’égard d’Addis Abeba, et de rendre toujours plus difficile une indispensable réconciliation.
Mahdi A.
Communiqué du gouvernement éthiopien
9 juillet 2021
Le gouvernement éthiopien a affirmé à plusieurs reprises qu’il travaillerait en étroite collaboration avec les opérateurs humanitaires suite à sa déclaration audacieuse et magnanime de cessez-le-feu humanitaire unilatéral dans le Tigré. Bien que l’autorité éthiopienne de l’aviation civile ait fermé la partie Nord de l’espace aérien pour tous les types de vols au-dessous du niveau de vol 290 depuis le 30/05/2021, le gouvernement éthiopien a annoncé le lundi 5 juillet 2021 qu’il accordait une autorisation spéciale de vol à toutes les parties intéressées pour fournir des services humanitaires dans la région du Tigré pendant la fermeture de l’espace aérien.
À cet égard, le gouvernement éthiopien tient à souligner qu’il n’a refusé aucune demande de transport de marchandises et de passagers vers la région du Tigré. En fait, le PAM a demandé hier une autorisation de vol pour deux avions qui ont l’intention de transporter des passagers vers la région du Tigré.
Afin de faciliter ces demandes, le gouvernement fédéral a publié des directives contenant des instructions et des informations que les opérateurs humanitaires doivent strictement respecter pour obtenir l’autorisation du ministère éthiopien des Affaires étrangères et des autres organismes compétents.
À cet égard, le gouvernement a clairement indiqué que tous les vols en provenance de l’étranger ou d’aéroports nationaux en Éthiopie doivent d’abord atterrir à l’aéroport d’Addis-Abeba avant de se rendre dans le Tigré. Les vols en provenance de l’espace aérien interdit doivent également atterrir à l’aéroport d’Addis-Abeba avant de se rendre à l’étranger ou dans un autre aéroport en Éthiopie.
Comme le précisent ces directives, tous les opérateurs doivent soumettre et faire approuver les détails du vol, comme le numéro de vol, le type d’aéronef, l’objet du vol, les détails concernant les passagers et le type de fret, avant d’effectuer des opérations aériennes.
Il est également précisé qu’une fouille standard doit être effectuée à l’aéroport international d’Addis-Abeba-Bole sur tous les avions, cargaisons, passagers et équipages au départ et à l’arrivée, y compris les cargaisons volumineuses qui pourraient devoir être démontées pour être fouillées et contrôlées. Le gouvernement fédéral exige également que tous les vols d’avions de passagers et de fret transportent des personnes ou des équipements liés uniquement à des missions d’aide humanitaire.
Malgré les dispositions susmentionnées et la volonté du gouvernement fédéral de travailler en étroite collaboration avec les opérateurs humanitaires, certains rapports, erronés ou non, ont continué à désinformer la communauté internationale en affirmant que le gouvernement éthiopien faisait obstacle aux vols vers la région du Tigré.
À cet égard, le gouvernement éthiopien a écrit une lettre au secrétaire général des Nations unies pour protester contre les actions peu constructives du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), qui ne sont pas à la hauteur des relations fructueuses et productives que l’Éthiopie entretient avec cette organisation depuis 1984.
Le gouvernement fédéral estime que l’engagement de l’UNOCHA, par le biais de ses rapports et déclarations inexacts décrivant la situation au Tigré, n’a pas été utile et constructif depuis le début de l’opération de maintien de l’ordre dans l’État régional du Tigré.
Le gouvernement fédéral a également l’impression que les déclarations et les rapports de l’OCHA semblent être conçus pour encourager et complimenter le TPLF, ce qui a continué à alimenter des perceptions erronées et a conduit la communauté internationale à se méprendre sur la situation dans la région.
Il est également révélateur que le Bureau continue de désigner le groupe hors-la-loi, que le parlement éthiopien a catégorisé comme une organisation terroriste, comme la Tigrayan Defense Force (TDF).
Le gouvernement éthiopien souhaite demander au Bureau de s’abstenir de publier des déclarations partiales et trompeuses et de prendre rapidement des mesures correctives afin d’éviter des effets néfastes sur la coopération de longue date entre le gouvernement éthiopien et l’organisation.
Le gouvernement fédéral d’Éthiopie souhaite annoncer que les détails des directives sur les dispositions relatives aux vols à destination de la région du Tigré seront bientôt communiqués à toutes les parties prenantes et intéressées, ainsi qu’au public, par les voies appropriées.
Traduction Human Village avec deepL.
Press statement of the Ethiopian Government
July 9, 2021
The Government of Ethiopia repeatedly affirmed that it would closely work with Humanitarian operators following its bold and magnanimous declaration of the Unilateral Humanitarian Ceasefire in Tigray. Although the Ethiopian Civil Aviation Authority has closed the northern part of airspace for all kinds of flights below flight level 290 since 30/05/21, the Ethiopian Government has announced on Monday, July 5, 2021, that it gave special permission to fly for all interested parties to provide humanitarian services in the Tigray region while the airspace closure is going on.
In this regard, the Government of Ethiopia would like to underscore that it has not denied any request for a flight of goods and passengers to the Tigray Region. In fact, The WFP has requested flight permission yesterday for two airplanes that intend to fly passengers to the Tigray Region.
To better facilitate such requests, the Federal Government issued guidelines containing instructions and information that humanitarian operators should strictly adhere to to get permission from the Ministry of Foreign Affairs of Ethiopia and other pertinent bodies.
In this regard, the Government has clearly stated that all flights coming from abroad or domestic airports in Ethiopia must first land at Addis Ababa airport before proceeding to Tigray. Flights coming from the prohibited airspace must also land at Addis Ababa airport before proceeding abroad or a domestic airport in Ethiopia.
As detailed in the guidelines, all operators must submit and get approval for flight details, such as flight number, type of aircraft, the purpose of the flight, details of passenger, and type of cargo before conducting flight operations.
It is also stated that standard search shall be conducted at Addis Ababa Bole international airport on all departing and arriving aircraft, cargos, passengers, crews, and including bulky cargos which might need dismantling for search and screening. The federal Government also requires all passenger and cargo airplane flights to carry people or equipment related to only humanitarian aid missions.
Despite the above-stated arrangements and the Federal Government’s willingness to work closely with humanitarian operators, some reports, mistakenly or otherwise, have continued to misinform the international community as if the Government of Ethiopia has been obstructing flights into the Tigray region.
In this regard, the Government of Ethiopia has written a letter to the Secretary-General of the United Nations protesting the unconstructive actions of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) that do not commensurate with the fruitful and productive relations that Ethiopia has built with the organization since 1984.
The federal Government believes that the engagement of the UNOCHA, through its inaccurate reports and statements in depicting the situation in Tigray, has not been helpful and constructive since the beginning of the law enforcement operation in the Tigray Regional State.
The Federal Government also is under the impression that OCHA’s statements and reports seem to be framed to encourage and compliment the TPLF that have continued to fuel misperception and led the international community to misconstrue the situation in the region.
It is also revealing that the Office continues to refer to the outlawed group, which the Ethiopian parliament categorized as a terrorist organization, as the Tigrayan Defense Force (TDF).
The Government of Ethiopia would like to request the Office to refrain from issuing biased and misleading statements and take corrective action soon to avoid detrimental effects on the longstanding cooperation between the Ethiopian Government and the organization.
The Federal Government of Ethiopia would like to announce that details of the guidelines on the flight arrangements to the Tigray Region will soon be communicated to all stakeholders and interested parties, and the public via appropriate channels.
[1] « Ethiopia Urges OCHA to Refrain from Issuing Biased, Misleading Statements », compte-rendu sur les sites des agences Fana Broadcasting Corporate ou Ethiopian News Agency.
[2] Par exemple, il transforme la déroute de l’armée éthiopienne face aux forces de défense tigréennes en succès militaire.
[3] « “Ethiopian Leaders told me they’re going to wipe out, destroy Tigryans”, claims EU envoy », Addis Standard, 18 juin 2021.
[4] « Conflit au Tigré : pour le patriarche de Mekele « Abiy Ahmed marche dans les traces d’Issayas Afewerki » », RFI, 25 mai 2021.
[5] « La réaction timide du monde face au conflit dans le Tigré alimente les violations depuis six mois », Amnesty, 4 mai 2021.