L’Assemblée nationale s’est réunie ce 16 mars pour le débat traditionnel qui fait suite au discours de politique générale du Premier ministre. La séance était présidée par le président de l’Assemblée nationale, Mohamed Ali Houmed. On notera une nouveauté de taille, signalée dans le mot d’introduction du président du Parlement : « la réponse aux questions des élus nationaux devra dorénavant être effectuée dans la foulée de la question posée par le député et ce dans un souci de clarté du débat parlementaire ».
Avant d’entrer dans le vif des questions/réponses, le débat parlementaire a débuté par les discours de deux élus : Omar Aden Saïd, pour le compte de la majorité, et Mohamed Daoud Chehem, pour l’opposition.
Le président du groupe parlementaire RPP a été le premier à prendre la parole. Son discours très enflammé a donné le ton : un discours de soutien, un discours d’adhésion à la politique gouvernementale menée par le président de la République Ismaïl Omar Guelleh, un discours d’engagement pour accompagner et soutenir la reconduction du chef de l’État à la plus haute fonction du pays : « Militant de la première heure, mon discours sera donc un discours d’engagement en faveur de notre candidat, Ismaïl Omar Guelleh. En effet, la séance de débats d’aujourd’hui autour de la politique générale du gouvernement coïncide avec une date hautement symbolique : l’élection présidentielle. Une élection présidentielle fortement attendue, espérée et portée par la conscience populaire. (…) Ismaïl Omar Guelleh n’est pas le candidat d’un parti, il n’est pas le candidat d’une seule coalition politique. Il est le candidat du peuple ! Oui, le candidat du peuple, car nous avons tous en mémoire la marche spontanée de la société civile le 1er novembre 2015. En effet, la population djiboutienne était massivement descendue dans les rues de la capitale pour inciter le président de la République à renouveler sa candidature. Cet hommage criant de sincérité, mêlé d’espoirs envers l’homme qui porte leurs aspirations, a ému le chef de l’État, qui a accepté de se représenter », a t-il fait valoir. L’ensemble du gouvernement et des élus nationaux se sont levés comme un seul homme pour saluer l’action du chef de l’État.
Mohamed Daoud Chehem, est intervenu en sa qualité de doyen des députés de l’USN. Il s’est bien entendu montré beaucoup plus réservé sur le bilan du gouvernement dans son intervention. Il a souhaité revenir sur les évènements de février 2013, notamment sur la crise postélectorale : « Cette crise a duré presque deux ans et la sagesse des responsables de l’USN, soucieux de la stabilité et de la paix dans notre pays, les a conduit à renoncer à leur victoire électorale et régler ce différend par la voix du dialogue ». Et d’ajouter que « nous demandons donc au gouvernement de remplir les conditions de transparence pour faire avancer et arriver très prochainement à une vraie démocratie et tourner ainsi le dos aux anciennes méthodes pratiquées pendant 38 ans ».
Le Premier ministre, Abdoulkader Kamil Mohamed, a tenu à prendre la parole à la suite de l’intervention de Mohamed Daoud Chehem afin de rappeler la réalité des faits. Il a en outre indiqué que le gouvernement avait été pris au dépourvu aux législatives de février 2013 mais que cette fois-ci « des dispositions ont été prises pour éviter les débordements de ceux qui refuseraient de reconnaître les résultats des urnes », a t-il précisé en substance.
Dans sa réponse au doyen de l’USN, il a également souhaité faire un bref rappel des grands axes de son discours de politique générale. Il est revenu notamment sur la question de l’emploi, particulièrement de la jeunesse, ainsi que les grands chantiers en cours de réalisation sur l’ensemble du territoire, qui sont des projets structurants et qui contribueront à faire baisser considérablement la courbe du chômage. Il a insisté sur le fait que cette question de l’emploi était prioritaire pour le gouvernement.
On retiendra que le gouvernement a été soumis à un feu très nourri de questions, puisque près de vingt-trois députés, tour à tour, ont pris la parole et interpelé le gouvernement. Éducation, décentralisation, chômage, formation professionnelle, endettement national, agriculture, promotion du genre… Les députés n’ont occulté aucun sujet, tous les thèmes ont été mis sur la table. Les réponses ont été à la hauteur du débat. Les ministres se sont efforcés d’être plus précis dans leurs réponses. L’une des réponses gouvernementales les plus chaudement applaudies aura sans doute été celle de la secrétaire d’État au logement, Amina Abdi Aden. Elle a fait un long exposé des actions entreprises par son département dans le cadre du programme « zéro bidonville ». Elle a par ailleurs indiqué que c’était un travail de longue haleine car il s’agissait de traiter le problème en profondeur, de remodeler le visage et la métamorphose des anciens quartiers de la capitale. Elle a précisé que cela peut prendre un peu de temps, mais qu’elle avait bon espoir car les premiers résultats étaient très encourageants, notamment les améliorations considérables apportées au système d’assainissement. Sur le même thème du logement elle a tenu à souligner une information importante : le gouvernement venait d’obtenir le financement pour lancer un programme de 4000 logements sociaux, l’enveloppe qui lui sera consacrée se montant à 26 milliards de nos francs. Enfin Amina Abdi Aden a mentionné que son département projetait de mettre sur le marché, à l’intention des particuliers désireux de bâtir leur logement, 900 ha de terrains viabilisés au plus juste prix. C’est peu dire que la secrétaire d’Etat a été ovationnée par la représentation nationale.
Le ministre de l’Énergie, Ali Yacoub Mahamoud a aussi apporté son lot de bonnes nouvelles en annonçant que les efforts du gouvernement pour soutenir l’économie nationale et la petite industrie allaient porter leurs fruits, et que la création d’emploi allait être boostée par la baisse du prix du kilowatt entreprise, qui va connaître dès ce mois une forte baisse. Les entreprises ne débourseront plus que 30FD par kw/h. On peut imaginer que cette mesure de soutien sans précédent au secteur du privé va permettre de redonner du sang neuf à nos entreprises, en leur permettant notamment de consacrer plus de ressources à leur développement mais également en les rendant plus performantes, plus compétitives face à la concurrence des produits importés.
Le ministre de l’Économie, Ilyas Moussa Dawaleh, qui n’est jamais meilleur que lorsqu’il sort sa casquette de « professeur », a répondu aux questions du député Adan Mohamed Abdou sur le taux d’endettement du pays, que l’opposition considère trop élevé, ou bien les projets pour lesquels se succèdent les poses de premières pierres sans que rien ne se matérialise par la suite. Sur la question de la dette il s’est voulu précis, pédagogue, et transparent en estimant que la situation actuelle serait très différente des chiffres cités par le député Adan Mohamed Abdou. Plus particulièrement, sur le chemin de fer Tadjourah-Mékélé il a expliqué que le léger retard était à imputer aux montages financiers en cours. Et d’ajouter « Il s’agit tout de même d’un prêt d’un milliard deux cents millions de dollars.Ce sont des projets structurants, et lorsque l’on met sur pieds des projets d’une aussi grande importance pour le développement de notre pays il faut prendre le temps de chercher le meilleur financement possible. Pour l’heure nous sommes en discussion avec le gouvernement Indien et l’Exim Bank. Les sommets Inde-Afrique et Chine-Afrique ont été l’occasion pour le chef de l’État de défendre ces importants dossiers et je peux vous dire que les deux chefs d’État, lors de leur entretien avec Ismaïl Omar Guelleh, ont semblé se montrer très réceptifs, très favorables quant au financement de cet important ouvrage ferroviaire. Sur la question de l’endettement, je tiens à rassurer vos inquiétudes. Afin de ne pas impacter notre taux d’endettement, nous allons procéder de la même manière que pour le chemin de fer Djibouti-Addis-Abeba, qui a été rétrocédé sous forme de concession pour une durée de dix années à un opérateur chinois. Les redevances attendues nous permettront de rembourser les sommes engagées, qui se montent à 580 millions de dollars. Nous souhaitons multiplier ce type de synergies privé-public. Comme vous pouvez le voir nous menons une politique réfléchie et prudente qui a pour finalité d’alléger le fardeau de la dette publique ».
Mahdi A.