Un jour pas si lointain, mon fils âgé de 12 ans, m’interpelle : « Papa, c’est quoi au juste la dette ? ». Il voulait comprendre son utilité. Surpris, je lui demande pourquoi cette question. Il me répond, d’un air curieux, qu’il a vu dans les médias des manifestants sri lankais, furieux, prendre le contrôle du palais présidentiel. Le régime a été renversé à cause des difficultés liées à la dette.
Après l’avoir écouté sagement, je tente de lui expliquer en termes simples. Selon le dictionnaire, la dette désigne l’argent qu’une personne doit à une autre. Pour qu’un pays puisse fonctionner, il doit établir un budget. Ce budget comprend des recettes et des dépenses. Les recettes proviennent de deux sources :
– les recettes fiscales, c’est-à-dire les impôts.
– les recettes non fiscales, ce sont principalement les rémunérations des services rendus (ports, aéroport, chemin de fer, bases militaires etc..).
Lorsqu’un État est déficitaire, c’est-à-dire que ses recettes sont inférieures à ses dépenses au cours d’une année, le solde est négatif. Dans cette situation et pour combler son besoin de financement des projets de développement, l’État se tourne vers les bailleurs de fonds ou les marchés financiers. Il est important de souligner que la question de l’endettement dépend de la capacité économique du pays mais aussi de sa gouvernance.
Pour mesurer le taux d’endettement, on fait un petit calcul. C’est le rapport dette/PIB (le produit intérieur brut) exprimé en pourcentage (%). Les économistes ont fixé le taux d’endettement maximum souhaitable à 35%. Si le taux est plus élevé, il devient insoutenable. Un bon usage de la dette contractée dans des conditions favorables et investie dans des secteurs à forts impacts socio-économiques contribue à créer davantage de richesses, et à impulser le développement national.
Par ailleurs, je reviens sur le cas du Sri Lanka afin de tenter de lui faire comprendre comment en est-on arrivé là. D’après les informations rapportées par des journalistes, le pays connaît sa plus grave crise économique depuis son indépendance en 1948. Il manque de tout : aliments, carburants, médicaments. Les coupures d’électricité sont fréquentes ainsi que d’eau potable. Le président s’est entouré d’un gouvernement qui n’est pas au service de la population, pour ne pas dire du même clan. Il a considérablement endetté le pays auprès de la Chine. Ces dettes ont servi à financer des projets d’infrastructures faramineux et sont entachées de forts soupçons de corruption. Les trois grandes communautés vivant auparavant harmonieusement ont commencé à se détester. Une économie non inclusive s’est instaurée. Une frange de la population non négligeable a été marginalisée. La crise économique s’aggravant au fil de temps, le pays se retrouve en défaut sur le paiement de sa dette extérieure, estimée à 51 milliards de dollars.
L’État a cessé d’investir dans les services sociaux de base destiné à favoriser l’accès des populations à l’eau potable, aux soins de santé et à l’électricité, aussi bien en zones urbaines que rurales. Sans oublier les secteurs des loisirs pour la jeunesse, de l’éducation, des routes…
L’inflation est arrivée à un niveau où il n’est plus possible de se nourrir et de se vêtir convenablement. Poussés par ces crises économiques et politiques successives, des manifestants furieux ont pris d’assaut le palais présidentiel forçant le président à fuir. Le pays s’est actuellement effondré et se retrouve sans gouvernement.
Au regard de cette situation, on peut dire que la bonne gouvernance minimise le risque lié à l’endettement, en contractant de la dette dans des conditions avantageuses, transparentes et en investissant dans des secteurs à forts impacts socio-économiques.
Mon fils, après avoir écouté attentivement mon discours, a fini par comprendre les effets néfastes de la dette lorsqu’elle est utilisée à mauvais escient. Il conclut qu’aucun pays dont la gouvernance est douteuse n’est à l’abri d’une situation à la sri lankaise.
Souleiman Moumin Robleh