Dans ce numéro dédié au développement économique de Djibouti et à la solidarité nationale, nous avons voulu retranscrire l’intégralité du discours prononcé par Steve Gentili, président de Bred-Banque populaire lors du forum économique sur Djibouti qui s’est tenue le lundi 20 octobre 2008 au Sénat français, au Palais de Luxembourg à Paris. Dans le prolongement de ce forum, les autorités djiboutiennes et le Sénat français organiseront conjointement un grand forum économique le 20 février 2009 qui portera sur le thème « Djibouti : pôle économique de premier plan ». Cet événement témoigne du regain d’intérêt des investisseurs français et plus largement européens pour les nombreux attraits que présente Djibouti actuellement.
Messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs,
C’est un grand honneur pour moi de me trouver à cette tribune et de pouvoir m’adresser à vous en ces moments d’incertitude sur l’avenir de l’économie mondiale. Je voudrais profiter de cette opportunité pour vous faire part de l’expérience encourageante de notre groupe sur le marché africain et de mon optimisme sur l’avenir d’une finance plus morale. C’est en ma double qualité de président du Forum francophone des affaires et de la Bred-Banque populaire que j’interviens ici.
Les chefs d’entreprises ici présents qui connaissent bien le FFA pour participer activement à nos activités me pardonneront cette minute de publicité. Mais je crois utile de rappeler ce qu’est notre organisation. Créé en 1987, le Forum francophone des affaires qui a donc vingt ans cette année ; était à l’origine centré sur les pays de langue française.
Il réunit désormais, au plan international, les acteurs économiques situés sur tous les continents, qui utilisent le français à un titre ou un autre dans leurs relations d’affaires. Ces acteurs économiques, publics et privés, partagent les valeurs du monde francophone et estiment que les identités linguistiques et culturelles doivent être préservées dans un monde pluriel.
Aujourd’hui présent sur les cinq continents, représenté dans plus de cent pays, le FFA est considéré comme l’un des premiers réseaux d’entreprises internationales. L’une des originalités de notre organisation est qu’elle fédère des acteurs économiques, des organisations professionnelles et des entreprises, appartenant à tous secteurs d’activité. Nous avons vocation à faciliter les échanges entre les entreprises.
Notre siège international est à Paris.
Nous avons mis en œuvre une politique de partenariat qui aujourd’hui nous permet de travailler en collaboration avec des acteurs institutionnels ; nous leurs apportons notre réseau et notre expérience de chefs d’entreprise. Nous avons également des accords des coopérations avec l’université Senghor d’Alexandrie, avec les médiateurs francophones, avec l’institut européen de la propriété intellectuelle, avec le notariat francophone, pour ne citer que quelques partenariats… Nous avons un réseau de partenaires institutionnels, publics et privés qui nous permettent de porter la parole de la francophonie économique.
Considérant par ailleurs que l’action économique doit s’étendre au – delà des frontières linguistiques et que d’autres communautés partagent nos valeurs, nous avons également conclu des accords avec des organisations économiques lusophones, hispanophones et arabophones, ce qui renforce notre présence bien au-delà de la francophonie « traditionnelle ». Nous organisons des événements parmi lesquels les Assises de la francophonie économique, qui réunissent des dirigeants politiques de premier plan, des acteurs économiques et des chercheurs. La toute dernière édition vient de se tenir, à l’occasion du sommet des chefs d’État et de gouvernement francophones qui s’est achevé hier comme vous le savez.
Plusieurs centaines de chefs d’entreprises y ont participé pour débattre avec les journalistes de langue française de thèmes d’actualité. L’information économique en français, les normes et la notation, la gouvernance des entreprisses. Avec l’Organisation internationale de la francophonie, nous avons conçu et nous assurons la diffusion de la charte éthique des entreprises francophones. Nous réalisons également le programme « 1000 stages en entreprises » destiné à des jeunes qui achèvent un deuxième ou un troisième cycle universitaire pour qu’ils se forment aux méthodes et aux cultures de nos entreprises. Nous intervenons également pour sensibiliser les acteurs économiques aux changements d’environnement et de modalités d’action une fois que seront mis en œuvre les accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les États ACP. Nous sommes donc bien un réseau d’entrepreneurs, à l’international qui faisons du français notre langue de travail et de d’échange. Ce dispositif est à la disposition des entrepreneurs qui considèrent qu’il est nécessaire d’intensifier les relations économiques avec leurs homologues qui partagent une même langue et des valeurs. Notre présence aujourd’hui, autour de Djibouti, en atteste.
S’agissant plus spécifiquement de Djibouti
Présente à Djibouti depuis juillet 2007, en tant qu’actionnaire majoritaire de la Banque pour le commerce et l’industrie mer Rouge (BCIMR), aux cotés de la République de Djibouti. Actionnaire à 33% du capital social et de la Yémen Bank for Reconstruction and Development, la BRED-Banque populaire se félicite de la position de première banque de la place de Djibouti de sa filiale, de son expertise et de la qualité de son personnel.
En s’installant dans la Corne de l’Afrique à Djibouti, notre groupe bancaire marque son intérêt pour les pays en développement comme relais de croissance. En évoquant cette implantation, je ne peux m’empêcher de faire un bref rappel historique de la volonté continuelle de la France à travers ses décideurs économiques et politiques de favoriser l’insertion des économies en développement dans les échanges internationaux.
Djibouti, nouvelle destination de l’investissement international, est une partie de langue de terre sur laquelle l’histoire a écrit, effacé, puis réécrit un inlassable roman, celui des brassages de religions et de cultures. On se rappellera toujours le mythe de Djibouti qu’ont crée par leurs écrits Arthur Rirnbaud, Albert Londres, Joseph Kessel ou Henry de Monfreid. Avec la réalisation du projet du canal de Suez à la fin du XIXe siècle, par Ferdinand de Lesseps soutenu par l’empereur Napoléon III, Djibouti, comme la Corne de l’Afrique, se sont trouvées sur les routes du commerce international. Par la construction, quelques années plus tard, du chemin de fer Djibouti-Éthiopie - né de la volonté commune de la France et du roi éthiopien Ménélik pour permettre au pays de la légendaire reine de Saba un accès aux autoroutes du commerce mondial - Djibouti est devenue un carrefour d’échanges entre l’Afrique, l’Orient et l’Europe.
Aujourd’hui, consciente de sa position stratégique à la croisée des routes commerciales, de son environnement de paix et de stabilité politique structurellement favorable, Djibouti a mis en place un dispositif juridique et réglementaire offrant aux investisseurs des condit ions satisfaisantes et des garanties suffisantes. La parité fixe entre le franc Djibouti et le dollar US, la libre circulation des capitaux des marchandises, la présence d’une zone franche constituent un attrait certain pour ce pays.
On voit aujourd’hui que de l’Extrême-Orient au Moyen-Orient, de l’Europe à l’Amérique, des investisseurs comme la Bred ont fait le choix de ce pays francophone, comme point d’ancrage dans la région est-africaine.
Dans l’histoire de notre groupe bancaire, 2007 restera comme l’année de la Corne de l’Afrique. Notre présence dans cette région et notre financement de son essor économique nous permettent de faire partie du petit cercle des acteurs européens, à dimension internationale, qui croient en l’avenir des marchés émergents.
Au niveau régional : accompagner les entreprises et participer dans le financement de grands projets
Par son total de bilan, notre filiale est la plus grande entreprise française dans la Corne de l’Afrique, à travers cette filiale de Djibouti. Après tout juste un an de présence dans la région, la Bred participe déjà au développement économique des pays de la Corne de l’Afrique et du Yémen.
Notre filiale, la Banque pour le commerce et l’industrie mer Rouge (BCIMR), a préfinancé à hauteur de 6.5 millions d’euros, l’interconnexion électrique entre Djibouti et l’Éthiopie, productrice d’énergie hydraulique à faibles coûts.
Ce projet régional contribuera à desserrer la contrainte énergétique en faisant baisser les coûts de production des entreprises. Avec l’Agence française de développement, la BCIMR participe à hauteur de 6,5 millions de dollars US au financement de la quote-part de Djibouti Telecom dans le câble sous marin, reliant l’Inde au Royaume-Uni, devant permettre aux pays de la Corne de l’Afrique via Djibouti de se connecter aux autoroutes de l’information.
Eu égard aux spécificités des pays de cette région, en particulier aux contraintes réglementaires sur les mouvements de capitaux, notre filiale à Djibouti qui représente les deux tiers du marché, assure aux milieux des affaires en Éthiopie, en Somalie, en Érythrée et au Yémen les services de banque de détail, d’opérations de commerce international, lettres de crédit, garanties internationales, cautions, transferts internationaux, change et placements de trésorerie sur les principales places financières du monde.
Au niveau local : assurer le financement de l’économie nationale
La BCIMR est la seule banque à avoir des agences tant dans la capitale qu’à l’intérieur du pays. Ce qui lui donne un enracinement local et une plus grande proximité avec sa clientèle. Elle assure à sa clientèle de particuliers, de professionnels et d’entreprises tous types de services et d’opérations bancaires. Pour répondre aux besoins de sa clientèle, dans des conditions de risque et de rentabilité acceptables, elle a mis en place des produits innovants adaptés au marché local, étoffant ainsi son offre de services classiques. A titre indicatif, le total des crédits distribués par notre filiale s’élève à la fin septembre 2008 à 118 millions de dollars US.
Enfin pour faciliter le financement de certaines activités, la BCIMR a mis en place un partenariat lui permettant de partager le risque de crédit aux entreprises avec l’Agence française de développement.
Actions de proximité
Djibouti est dans une région du monde où les risques de catastrophes naturelles, existent. Face à ce type de risques notre filiale a mis en place un crédit « sinistre » permettant à ses clients de disposer d’une réserve financière à des conditions dérogatoires exceptionnelles dans un délai record, le temps que les autorités et l’aide internationale s’organisent. Par des aides financières ciblées, la BCIMR intervient dans la promotion du sport national. Elle assiste par ses conseils de gestion les jeunes entrepreneurs et les femmes « charcharis ». A l’image de la Bred, notre filiale se caractérise par la variété de ses métiers et la diversité des cultures de son personnel. Cette diversité nous ouvre à tous les talents. L’expérience de la Corne de l’Afrique a été concluante tant en termes de résultats qu’en termes de croissance. Notre filiale a enregistré des records historiques de bénéfice net en 2007 et les prévisions du résultat net pour l’exercice 2008 sont de +30%.
Je ne peux terminer cette intervention sans me soumettre naturellement à la dictature de l’actualité qui nous impose un débat permanent sur la crise financière que nous vivons aujourd’hui.
La crise financière ne remet pas en cause notre développement à l’international
Le séisme qu’à connu la finance en septembre 2008, est comparable à celui qui a secoué la géopolitique en septembre 2001. Et pourtant les évènements qui ont suivi septembre 2001 n’ont pas changé, de façon significative, la perception de l’insécurité dans le monde. Il en sera de même pour les risques financiers. L’économie mondiale a un besoin vital de la finance de marché. Quand il y a un accident de la circulation, on ne remet pas en cause [usage de l’automobile, mais souvent la défaillance humaine. C’est le comportement des usagers de la finance qui doit être plus moral. Cette crise financière qui nous est arrivée de l’Ouest, nous interpelle sur l’efficacité du modèle d’autorégulation à l’anglo-saxonne.
C’est à dire le fait de confier aux établissements financiers la surveillance de leurs propres opérations et la dénonciation au régulateur de tout dysfonctionnement, le rôle de ce dernier se réduisant à s’assurer de la qualité du dispositif de surveillance. Il est bien connu « qu’on ne scie pas la branche sur laquelle on est assis ». Il y a eu des faillites banc aires célèbres et il y en aura comme le prédit le secrétaire au Trésor américain Henry Paulson. Comme tant de fois dans son histoire, la finance internationale survivra sans nul doute à cette crise de confiance. Elle s’en sortira même renforcée avec de nouveaux modèles plus sécurisés et mieux adaptés aux fluctuations de la demande et de l’offre internationales, source de toutes ses inquiétudes.
Certes à court terme, l’important déficit du budget américain pour 2009, plus de 1000 milliards de dollars continuera à entretenir la nervosité des marchés.
Cet important déficit qui a épuisé l’épargne privée disponible pour l’investissement ne fait pas que freiner la croissance à terme, mais à tout moment, les États-Unis et donc le monde peuvent se trouver confrontés à une crise macroéconomique sans précédent. Les États-Unis auront moins de latitude financière pour faire face à de nouvelles crises économiques ou géopolitiques.
Dans ce contexte d’environnement économique aléatoire, la Bred continuera à renforcer son efficacité opérationnelle, son dynamisme et sa créativité. Elle maintiendra ses programmes de développement d’activités dans les marchés émergents et poursuivra sa recherche de relais de croissance à l’international. Pour preuve, nous venons la semaine dernière de créer une banque au Laos, mais ceci est une autre histoire.
Je vous remercie.
Steve Gentili