L’Institut d’études politiques et stratégiques (IEPS) a organisé le 24 mai 2021 au Centre d’études et de recherche de Djibouti (CERD), en partenariat avec l’Institut de recherche indépendant de la Corne de l’Afrique (IRICA), une conférence sur la situation politique somalienne avec l’intervention d’Ahmed Abdihadi Abdullahi, professeur assistant en science politique à la Somali International University de Mogadiscio. Une soixantaine de personnes ont assisté à cette rencontre, principalement des cadres de l’administration djiboutienne, des enseignants et des étudiants.
Cette conférence s’inscrivait dans le cadre des travaux de l’IEPS du CERD qui accorde une attention particulière aux questions somaliennes, l’action du gouvernement djiboutien pour le retour en Somalie d’un État effectif, stable et prospère, et plus généralement les actions en faveur de la paix et la sécurité de la région.
L’objectif de la conférence était de revenir sur l’actualité politique somalienne où s’opposent l’administration Farmaajo, les présidents des États régionaux du Jubaland et du Puntland et les candidats de l’opposition à l’élection présidentielle. Il s’agissait de comprendre les enjeux et les dynamiques en cours de l’actuelle crise politique autour du mode de scrutin et du calendrier des élections législatives et présidentielle. La conférence souhaitait proposer une analyse des forces et faiblesses des principaux protagonistes, internes et externes, de cette situation politique.
Ahmed Abdihadi Abdullahi a commencé sa présentation par un bref rappel de l’histoire des élections en Somalie depuis l’indépendance et des caractéristiques essentielles de la politique somalienne. Il a insisté sur le fait que les Somaliens dans leur grande majorité ont été victimes d’abus de tous genres sous le régime dictatorial de Mohamed Siad Barré qui a laissé un profond traumatisme. Après l’effondrement de l’État somalien, la communauté internationale a commencé à jouer un rôle prépondérant dans la politique somalienne, jusqu’à nos jours. La reconstruction de l’État et la lutte contre l’insécurité, notamment le combat contre le mouvement Al-Shabab, requièrent toujours l’appui de la communauté internationale.
Il a ensuite expliqué que, depuis la conférence d’Arta de 2000, le partage du pouvoir est organisé selon une logique clanique connue par la formule « 4.5 ». Il a exposé que depuis lors les élections en Somalie se déroulent au suffrage indirect, et les difficultés persistantes que pose le passage à une élection au suffrage universel et au mode de scrutin dit « une personne, une voix ». Puis il a développé une analyse selon laquelle l’argent est un facteur décisif dans les élections somaliennes, ainsi que le rôle crucial joué par les pays étrangers : des pays du Golfe (Qatar et Émirats arabes unis) et ceux de la corne de l’Afrique (Kenya, Éthiopie, Djibouti et Érythrée). Enfin, il a longuement présenté les ressources politiques et financières des principaux candidats en lice pour les prochaines élections.
Ahmed Abdihadi Abdullahi a été très critique vis-à-vis de l’administration Farmaajo, qu’il qualifie de populiste et de dangereuse pour la paix et la sécurité de la Somalie et de la région. Il estime que Farmaajo s’est mis à dos l’élite somalienne mais a su préserver par sa rhétorique pansomalie et populiste une popularité très élevée chez les couches populaires de tous les clans et les régions du pays.
Les questions et commentaires de l’assistance ont démontré une bonne connaissance du contexte politique somalien et une compréhension fine des principaux enjeux du pays. Les intervenants semblaient optimistes quant à l’avenir de la Somalie, malgré les querelles politiques en cours. Ils ont souligné l’action encourageante de l’actuelle administration pour le renforcement du fonctionnement des institutions étatiques au niveau interne et la protection de la dignité de la Somalie à l’extérieur.
Aden Omar Abdillahi