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Guerre de succession au FRUD ?
par Mahdi A., octobre 2022 (Human Village 46).
 

Au sein du FRUD, les non-dits sont nombreux. Les membres de cette mouvance politique sont à couteaux tirés. Les tensions se sont ravivées alors que s’approche la désignation, par les instances dirigeantes du parti, des candidats aux législatives de février 2023 sous la bannière de l’UMP. En réalité, la question de fond reste la succession du président actuel, Ali Mohamed Daoud dit Jean-Marie. Cette nouvelle crise du FRUD n’est que le dernier épisode d’une guerre de succession qui ne dit pas son nom et dont les prétendants ne sont pas tous déclarés.

Les raisons invoquées dans un communiqué du 11 octobre du président du FRUD, Ali Mohamed Daoud, qui annonce la suspension d’Ibrahim Hamadou Hassan « de ses responsabilités de secrétaire national chargé de la communication au sein du comité exécutif du FRUD », laisse peu de doute sur le fait qu’il s’agit surtout d’un prétexte pour sanctionner un « ambitieux » qui lorgnerait sur la présidence du parti, avec des initiatives personnelles outrepassant ses prérogatives. Ce que lui reproche probablement le président Ali Mohamed Daoud, c’est la poursuite des mauvaises habitudes qu’il avait prises, profitant de la vacance du pouvoir du fait des longues absences du président pour soins médicaux, pour s’affirmer comme l’interlocuteur privilégié de la majorité et donc le visage du parti. Comment lui en vouloir, la nature ayant horreur du vide. Au point d’ailleurs que c’est le communiqué publié par Ibrahim Hamadou au nom du FRUD qui a été partagé sur les réseaux par de nombreux citoyens, dont des membres du gouvernement comme le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Ali Youssouf.

Par ailleurs la proposition du porte-parole du FRUD, « que les partis politiques alliés au sein de l’UMP tirent ensemble les conséquences de cette reprise des actions militaires que l’on considérait comme faisant partie d’un temps révolu », n’a sans doute pas été appréciée. Cette suggestion n’a pas été reprise dans le communiqué du 7 octobre du président du parti. Il rappelle d’ailleurs que « [a]u nom du parti FRUD que je préside je tiens tout d’abord à condamner avec fermeté cet acte, ignoble, lâche et barbare perpétrée par des individus lâche et sournois »… Pourquoi Jean-Marie a-t-il besoin de souligner, dans le préambule de sa communication, qu’il dirige le mouvement politique FRUD, si ce n’est pour mieux afficher à la vue de tous sa mésentente avec celui qui se serait exprimé en son nom pour le compte du parti sans avoir son assentiment.

Cette hypothèse sur une brouille entre les deux hommes est confirmée par le communiqué diffusé le 11 octobre par le président, sermonnant sévèrement son porte-parole : « Suite à son dernier communiqué hâtive, unilatéral, rédigé sans aviser le président du parti du FRUD, qui engage pourtant le parti. Ce comportement inexpliqué est contraire à l’éthique, à la bonne conduite de notre parti et constitue une faute grave.
Par conséquent Monsieur Ibrahim Hamadou Hassan est suspendu de ses responsabilités de secrétaire national chargé de la communication au sein du comité exécutif FRUD.
La présente note est exécutoire et prend effet à partir de la date de signature. »

La réponse ne s’est pas faite attendre. Après avoir dénoncé le mode d’éviction, Ibrahim Hamadou conteste la légitimité de la décision, et rappelle avoir été élu secrétaire national du parti par les militants réunis en congrès en 2016, à l’instar de tous les membres du comité exécutif, dont président lui-même : « Vous avez diffusé sur les réseaux sociaux hier soir un communiqué me suspendant des fonctions sans qu’il me soit adressé un quelconque courrier.
Après avoir rédigé le communiqué du FRUD, je l’ai partagé dans le groupe WhatsApp que vous administrez afin que vous puissiez éventuellement apporter les modifications.
Conformément au règlement intérieur et aux statuts, vous n’avez pas le pouvoir de suspendre qui que ce soit sans une procédure légale devant les instances dédiées.
Aussi, vous comprendrez, Monsieur le président, que je réfute votre décision de me suspendre de mes fonctions au sein du comité exécutif qui me parait pour le coup illégal et précipité et demeure au sein d’un mouvement d’idées ou je milite depuis mes classes du Lycée, il y a presque 50 ans.
En tant que secrétaire chargé de la communication et porte-parole du FRUD, je continuerai à assumer la plénitude de mes fonctions. »

Après cette réaction largement partagée sur les réseaux, le brasier n’est pas prêt de s’éteindre. Se pourrait-il qu’Ibrahim Hamadou saisisse l’opportunité offerte par cette crise ouverte pour exiger du comité exécutif une assemblée générale des militants du FRUD pour tenter de ravir la présidence du parti à celui qui l’occupe sans discontinuité depuis presque trois décennies ? Les griefs d’Ibrahim Hamadou à l’encontre du président Jean-Marie sont nombreux, et pourraient inclure la perte de visibilité d’un parti de premier plan, l’absence de rayonnement, ni l’organisation d’événements politique fédérateur, ni de plan média pour attirer de nouveaux adhérents. Bref de ressembler de plus en plus à une coquille vide, pourtant dotée de quatre millions de francs de financement public annuel - sans compter les cotisations de ses membres – et dont les instances dirigeantes sont dépourvues du moindre siège social, aussi bien dans la capitale que dans les régions de l’intérieur. Un parti qui a réuni son dernier congrès en 2016, et dont les réunions du comité exécutif se déroulent au domicile du président. Dans ce contexte, on peut comprendre que des « ambitieux » aient du mal à accepter de voir les mêmes s’apprêter à rempiler pour un sixième mandat national alors que d’autres, notamment parmi les dix-huit membres du comité exécutif, trépignent d’impatience, avec l’ambition affichée de moderniser et de donner un nouvel élan à cette organisation politique. Ibrahim Hamadou trouvera très probablement sur sa route, Ougoureh Kifleh Ahmed, parlementaire sans discontinuité depuis 1997, qui n’entend certainement pas céder son tour cette fois-ci, estimant être le légataire de ce mouvement politique en sa qualité de signataire des accords de paix avec le gouvernement en 1994 au nom du FRUD dont il est secrétaire général. Il considère qu’il a suffisamment rongé son frein et que dorénavant il lui appartient de présider à la destinée du parti. Comment réagira Jean-Marie face à ces nouvelles pressions qui cherchent à le bousculer pour le voir quitter la tête du parti ? Il est peu probable qu’un congrès soit convoqué pour la désignation des candidats pour les législatives. Le comité exécutif procèdera sans doute de la même manière que pour la sélection des candidats du FRUD aux élections communales et régionales. C’est le président, Ali Mohamed Daoud qui décidera. Il fait peu de doute qu’il compte rempiler pour un sixième mandat. Il pèsera de tout son poids pour empêcher Ibrahim Hamadou d’obtenir l’investiture convoitée dans la circonscription du Day pour lequel, d’ailleurs, il aurait fallu négocier avec le RPP puisque ce fief électoral est occupé par un de ses élus, Ahmed Hassan, que l’on voit mal céder sa circonscription par courtoisie. Par ailleurs, il ne faut vraisemblablement pas s’attendre à ce que Ali Mohamed Daoud cède les rênes du parti avant d’avoir sécurisé son inscription en position éligible dans la liste des candidats de la majorité aux législatives de février 2023. Des velléités de concourir pour un sixième mandat, en dépit d’une santé chancelante, risque de faire grincer des dents.

D’ici là, pour éviter une foire d’empoigne pour le fauteuil, la voie de salut pourrait se trouver dans une majorité autour d’une candidature de synthèse, comme celle de Mohamed Ali Houmed, secrétaire national chargé des relations internationales, travailleur acharné, fin diplomate, très bon orateur et très populaire auprès de la jeunesse. Les adhérents du FRUD plébisciteraient probablement ce choix fédérateur, pour tourner enfin la page des affrontements stériles et des guerres d’egos, pour rebâtir un parti au cœur de l’échiquier politique national.
Enfin, à la lecture de la dernière passe d’armes, une décision de suspension et de saisine du conseil de discipline en date du 12 octobre contre Ibrahim Hamadou Hassan, il ne fait plus doute que la rupture est définitivement consommée et qu’une exclusion n’est plus à écarter. Son remplacement a été acté avec l’attribution de ses fonctions à Aicha Mohamed Robleh, ancienne ministre de la promotion de la femme.

Mahdi A.


Communiqué du 7 octobre

Dans la nuit du 6 au 7 octobre 2022 vers 2h du matin, un groupe armé a attaqué le camp militaire de Garabtisan dans la région de Tadjourah, causant malheureusement sept morts, quatre blessés mais aussi six disparus dans les rangs des Forces armées djiboutiennes.
Au nom du parti FRUD que je préside, je tiens tout d’abord à condamner avec fermeté cet acte, ignoble, lâche et barbare perpétré par des individus lâche et sournois.
J’adresse mes condoléances les plus attristées aux familles endeuillées des vaillants soldats morts avec honneur sur le champ de bataille en défendant le pays, je souhaite également un prompt rétablissement aux soldats blessés.

Par ailleurs, le FRUD tient à manifester toute sa compassion et toute sa solidarité à l’égard des Forces armées djiboutiennes en cette fâcheuse circonstance. Les malfaiteurs ne vont jamais ébranler l’unité, la paix et la prospérité propre à notre pays et dont les djiboutiens en sont fiers et défendent jalousement.

Ali Mohamed Daoud, président du FRUD


Communiqué du FRUD, vendredi 7 octobre 2022,

Un groupe armé se dénommant « FRUD armé » a attaqué dans la nuit du 6 et 7 octobre le village de Garabtisan où se trouve une caserne militaire. Cette attaque militaire a causé 7 morts, plusieurs blessés et des militaires disparus.
Ce groupe a choisi de perpétrer cette action terroriste à l’avant-veille de la célébration de Mawlid al Nabi (SAS).

Cette reprise des hostilités militaires de la part d’un groupe armé dirigé par un ancien militaire est injustifiable dans le contexte politique actuel de pluralisme politique.
Elle est par conséquent qualifié d’actions terroristes et vise à instaurer le climat de guerre et d’instabilité dans notre pays.
Le FRUD demande que les partis politiques alliés au sein de l’UMP tirent ensemble les conséquences de cette reprise des actions militaires que l’on considérait comme faisant partie d’un temps révolu.

Au nom du président du comité exécutif et du comité central, le FRUD adresse ses condoléances les plus attristées à toute la famille et pris Allah de leur accorder miséricorde et ouvrir grandes les portes de son paradis.

Inna Lillah wa inna ileyhi rajuqun.

Ibrahim Hamadou Hassan, secrétaire national chargé de la communication, porte-parole du FRUD

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Communiqué du 11 octobre 2022

Suite à son dernier communiqué hâtif, unilatéral, rédigé sans aviser le président du parti du FRUD, qui engage pourtant le parti.
Ce comportement inexpliqué est contraire à l’éthique, à la bonne conduite de notre parti et constitue une faute grave.
Par conséquent Monsieur Ibrahim Hamadou Hassan est suspendu de ses responsabilités de secrétaire national chargé de la communication au sein du comité exécutif FRUD.
La présente note est exécutoire et prend effet à partir de la date de signature.

Ali Mohamed Daoud, président du FRUD


Courrier adressé au président du FRUD le 12 octobre 2022
Réponse au communiqué du président du FRUD

Vous avez diffusé sur les réseaux sociaux hier soir un communiqué me suspendant des fonctions sans qu’il me soit adressé un quelconque courrier.
Après avoir rédigé le communiqué du FRUD, je l’ai partagé dans le groupe WhatsApp que vous administrez afin que vous puissiez éventuellement apporter les modifications.
Conformément au règlement intérieur et aux statuts, vous n’avez pas le pouvoir de suspendre qui que ce soit sans une procédure légale devant les instances dédiées.
Aussi, vous comprendrez, Monsieur le président, que je réfute votre décision de me suspendre de mes fonctions au sein du comité exécutif qui me parait pour le coup illégal et précipité et demeure au sein d’un mouvement d’idées ou je milite depuis mes classes du Lycée, il y a presque 50 ans.

En tant que secrétaire chargé de la communication et porte-parole du FRUD, je continuerai à assumer la plénitude de mes fonctions.

Mes salutations cordiales.

Ibrahim Hamadou Hassan, secrétaire national chargé de la communication, porte-parole du FRUD


Décision de suspension et de saisine du conseil de discipline contre monsieur Ibrahim Hamadou Hassan, 12 octobre 2022

Monsieur Ibrahim Hamadou

Suite à votre insolence dans les propos, à votre insubordination caractérisée et à votre entêtement à vous persévérer dans le déni, qui vous a même fait oublier que conformément aux statuts de notre parti, que vous étiez responsable devant le président du parti, nous vous informons de notre décision de vous suspendre de toutes les instances du parti, pour les motifs suivants : insubordination caractérisée, insolence, pratique contraire aux statuts et au règlement et à l’éthique du parti.

Par conséquent, ces motifs justifient votre suspension de toutes les instances du parti, pour faute grave. Ces fautes graves et ces manquements répétés, qui démontrent une insubordination caractérisée, avaient été constatés à plusieurs reprises et avaient fait l’objet, à plusieurs reprises de rappel à l’ordre voire des avertissements verbaux.

Le règlement intérieur et les dispositions statutaires applicables à notre parti, m’imposent de saisir le conseil de discipline, ce que j’ai fait immédiatement, après votre nouvelle insubordination caractérisée. Le conseil de discipline est saisi de votre cas.
Par conséquent, monsieur Ibrahim Hamadou Hassan est suspendu de toutes les instances du parti et sera traduit devant le conseil de discipline du parti.
L’intérim du secrétariat national chargé de la communication et porte-parole du parti sera assuré par Madame Aicha Mohamed Robleh.

La présente décision est exécutoire et prend effet immédiatement après la date de sa signature.

Ali Mohamed Daoud, président du FRUD

 
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