Pour vivre et se multiplier dans un pays désertique telle que la dépression afar, les Afar et les Issa ont dû apprendre des techniques d’élevages du bétail, des bovins et des chameaux adaptées à ce milieu, aux saisons fortement contrastées. Il a fallu aussi adopter des règles rigides pour conjurer les astres, et une stricte obéissance à ces règles qui dirigent les intérêts mutuels et régissent les relations humaines.
On ne peut comprendre les institutions et les conditions de vie d’une société qu’en tenant compte des contraintes environnementales et des modes de vie. Ainsi, on constatera que le système politico-économique de ces peuples nomades s’accorde parfaitement à leur environnement.
La vie quotidienne des populations pastorales exige, comme les travaux pastoraux, un matériel sobre, relativement élaboré que ces populations fabriquent elles-mêmes, en utilisant au mieux les ressources du milieu naturel. Mais le travail artisanal n’est pas un métier héréditaire, il peut être pratiqué avec tout autant d’habileté en suivant la tradition culturelle. Aujourd’hui à l’heure de la vie urbaine, les pasteurs afar et somali se sont presque tous sédentarisés, sans qu’ils remplissent les conditions d’une vraie vie de sédentaire.
A ce jour l’appartenance culturelle de ces deux groupes s’exprime, entre autres, par la forme de la maison :
– la déboîta, de forme hémisphérique chez les Afar,
– L’ agal ou boul, de forme cylindrique chez les Somali.
Travail du bois
Si quelques objets courants peuvent être fabriqués par n’importe qui, dès que le travail requiert un outillage spécifique et une technique plus élaborée, on fait alors appel aux personnes plus expérimentées. Contrairement à ce qui se passe chez les Somali (le toumal = forgeron), chez les Afar, il n’y a pas de castes ou de groupe spécialisé dans un certain métier. Chaque personne qui a une certaine habileté exerce, tout en pratiquant d’autres activités.
Dans chaque famille, il y a des personnes qui font plusieurs métiers pour leur lignage. Les métiers les plus divers, souvent artistiques et ingénieux dans leur tradition, se sont solidement ancrés dans l’esprit des individus et perpétués à travers les siècles jusqu’à nos jours. C’est grâce à l’habileté et à la continuité de ses artisans que le peuple pasteur est bénéficiaire de sa petite industrie traditionnelle.
En général les hommes sont spécialisés dans le travail du bois, le métal et le cuir (pour faire seulement les chaussures) tandis que les femmes travaillent le cuir et la vannerie ou fabriquent de la poterie.
Le bois fournit de nombreux récipients creusés dans la masse d’un tronc ou des petites branches : les plats de toutes tailles, les cuillères et les louches, le matériel pour transporter les bagages sans risque de casse pendant la transhumance.
La vannerie
La vannerie tient une place prépondérante. Dans plusieurs régions du pays afar, les femmes fabriquent de superbes nattes finement tissées faites d’étroites bandes de paille qui forment des motifs géométriques.
Ces véritables œuvres d’art demandent beaucoup de travail et coûtent très cher, mais elles sont particulièrement solides. On fabrique aussi de nombreux récipients, par exemple, les corbeilles de mariage des jeunes filles afar ornées de perles et de cauris (coquillage). Chez les Afar, le cuir et la paille constituent les matières premières indispensables à la vie quotidienne. Ce sont les matériaux de base de l’habitat, et ils sont liés à la cellule familiale autonome, au mariage et au cadre de vie du couple. Leur utilisation est infinie chez les pasteurs nomades.
Questions d’esthétique
Pour protéger sa coiffure souvent ébouriffée et enduite de graisse ou de beurre ou encore bouclée, l’homme dort la nuque en équilibre sur un appui-tête de bois d’environ 15 cm de hauteur (fideyna).
La femme, coiffée de nattes, utilise comme oreiller un sac de tissu bourré de fleurs de camphrier ou de chiffons. Un bon nombre d’objets domestiques ont leur place à l’intérieur de la tente : les vêtements, les objets précieux peuvent être enfermés dans une outre sèche Girib, placée sur l’étagère ou dans le boulo, le long du lit.
Conclusion
La sédentarisation, l’exode rural, l’aridification et l’afflux des matériels manufacturés ont dégradé et réduit la richesse de la culture matérielle pastorale. La déperdition d’une culture matérielle nomade est due à l’absence d’une politique de conservation et de sauvegarde à travers des expositions, des musées et des industries artisanales adaptées à nos cultures.
Il est urgent de créer un musée national à Djibouti. Sans cela, comment éveiller la conscience patrimoniale des jeunes ?
Guedda Mohamed Ahmed , docteur en anthropologie sociale