Human Village - information autrement
 
Le traitement du Covid-19 à Djibouti est parmi les meilleurs au monde !
par Mahdi A., mai 2020 (Human Village 39).
 

Dans un entretien exclusif accordé à Buuti.tv, Ahmed Zouiten, représentant de l’OMS à Djibouti, a appliqué une démarche pédagogique en deux temps. Il est d’abord revenu sur l’apparition du Covid en Chine, en expliquant les actions entreprises jusqu’au moment où son organisation a pu officiellement déclarer la pandémie. Il s’agissait pour lui de répondre indirectement aux accusations contre l’OMS proférées ces derniers jours par l’administration Trump. L’OMS aurait manqué à ses devoirs en n’alertant pas suffisamment à temps la communauté internationale sur la dangerosité de la maladie. Notre rédaction s’est particulièrement intéressée à la seconde séquence consacrée au traitement du Covid-19 en République de Djibouti. Les commentaires formulés sont très flatteurs pour le pays. Ahmed Zouiten a exprimé sa satisfaction, saluant la qualité de la mobilisation contre la pandémie. Il estime que les indicateurs parlent d’eux-mêmes : Djibouti « a le plus haut taux de tests par population de toute l’Afrique et on n’est pas loin d’être dans les trois ou quatre premiers au niveau mondial  ». Ses commentaires sont très encourageants pour la suite, même s’il faut rappeler que pour dire que le virus a été vaincu, il faudra attendre une série de 28 jours d’affilé sans cas détectés.

« Une des meilleures réponses au monde est faite sur cette terre. Je vous explique pourquoi. [Il faut savoir que] depuis le début de l’épidémie l’Organisation mondiale de la santé, avec nos partenaires des Nations unies, nous étions réunis avec le ministère de la Santé et d’autres ministères sectoriels pour rédiger le premier plan de préparation et de riposte. Le plan est basé sur les avantages comparatifs du pays et aussi les défaillances que peut avoir un système de santé. Donc, depuis le départ on a écrit une stratégie basée sur trois points essentiels : tout d’abord tester le maximum d’individus. Deuxièmement isoler les cas aussitôt qu’ils sont connus positifs, puis les traiter, et ne les laisser partir de l’hôpital que lorsqu’ils ont donné la preuve biologique qu’ils sont guéris. Le point le plus important à Djibouti, c’est ce que l’on appelle le traçage des contacts. Pour chaque personne qui a été positive à Djibouti, il y a eu […] un grand nombre de personnes qui se sont ruées pour aller tracer les contacts de la personne. Et c’est comme ça que […] on est sorti avant la vague, et pas après la vague. Les autorités sanitaires, civiles et militaires, avec le support de l’OMS et des autres partenaires, ont fait une riposte qui est presque calquée sur les annales de l’OMS : tester, isoler, et traiter. Les pays, en Afrique et ailleurs, qui ont montré une bonne réponse [sont ceux] qui ont adopté une stratégie beaucoup plus pro active. D’autres ont été un peu plus passifs dans leur réponse. Par exemple Djibouti a testé les premiers cas et tracé les contacts. On n’a pas attendu que les contacts montrent des symptômes. On n’a pas juste mis le [numero vert] 1517 et dit « venez-vous faire tester ». Non, on est parti les chercher ces cas. On les testait et les positifs en les isolait. Même les négatifs, on les gardait un certain temps pour voir s’ils n’étaient pas en période de fenêtre épidémiologique, ou épidémique. Les pays avoisinants dans la Corne et ailleurs, ont fait une stratégie différente. Ils ont testé des gens qui sont symptomatiques, des gens qui ont déjà déclaré la maladie et qui viennent tous seuls dire « je veux me faire tester » […] . Ils décrivent des symptômes, comme une fièvre, toux… Si on avait à Djibouti la même stratégie on aurait moins de 10 cas dans le pays. Aujourd’hui, on compte presque 1100 cas, mais avoir un indicateur, un nombre de personne symptomatique qui n’a pas dépassé les 1 ou 2 %, le reste, c’est-à-dire, 98%, sont des cas asymptomatiques. Je le dis, il n’y a pas un autre représentant de l’OMS, un autre ministre, un autre responsable de la santé qui peut s’en vanter dans un autre pays au monde. On est le seul pays au monde où on a 98% de personnes asymptomatiques, c’est la première chose [à souligner]. On terme de mortalité, il y a deux personnes qui sont mortes, c’est-à-dire deux sur mille : 0,2% de mortalité. Regardez autour de vous, toutes les chaines parlent de la riposte des autres pays… Vous allez trouver une mortalité entre 5, 6 et parfois jusqu’à dix dans les pays les plus développés et des pays qui ont des systèmes de santé beaucoup plus performants que le nôtre. Mais nous avons su utiliser un avantage comparatif, c’est le message que je veux faire passer : le gouvernement de Djibouti, avec ses partenaires ont eu une réponse exemplaire ! Je ne le dis pas juste pour le dire, c’est les indicateurs : 0,2% de mortalité, 1 ou 2 % de symptomatiques, la courbe épidémiologique montre que ce n’est pas juste une transmission comme ça. C’est une transmission qui a été beaucoup plus observée et contrôlée par les autorités qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour assécher les foyers. Lorsque vous voyez la courbe épidémiologique d’un pays, on a juste une transmission communautaire, vous allez voir que cela augmente petit à petit, et puis cela descend un peu plus lentement… Ce n’est pas du tout ce que l’on a ici. Nous, tous les cas qui ont été positifs, on les a recherchés. Et ce traçage des contacts, les gens les voient comme des pics. On a dit un jour, on a détecté 150 cas, oui, mais il faut voir le nombre de tests que l’on a fait. Et je termine par ça, les Djiboutiennes et les Djiboutiens peuvent être fiers de la riposte qui a été faite ici à Djibouti. On a le plus fort taux de test par population de toute l’Afrique et on n’est pas loin d’être dans les trois ou quatre premiers au monde. Et c’est grâce à ce genre de pro-activité que la riposte a été plus que positive et les résultats c’est à vous de juger ».

Concernant la capacité des services sanitaires du pays à mener des tests massifs (5000 tests par jour) afin de réaliser une photographie de la maladie sur le territoire, dans le cadre d’une enquête réalisée de façon anonyme, Ahmed Zouiten est confiant et ne cache pas sa stupéfaction devant la rapidité du renforcement des capacités des laboratoires du pays. « Le jour où l’épidémie a commencé, le pays n’avait pas les moyens de tester même une seule personne. Mais Djibouti a fait une progression impressionnante en termes de laboratoires. En quelques jours, les autorités sanitaires du pays ont mis en place un dispositif de laboratoire qui n’a rien à envier à aucun autre pays. Et on est monté en puissance dans le nombre de tests. Au début, on pouvait en faire une centaine par jour, puis d’autres équipes ont été formées, d’autres équipes de santé ont été formées aux prélèvements, et on arrive mi-avril jusqu’à 1300 tests par jour. Déjà, en termes de ressources humaines, on a des ressources humaines qui sont qualifiées, formées pour ce travail maintenant. Ils se sont formés avec des gens qui connaissaient le travail, mais on a aussi fait des formations en cascade. En termes de matériels, les autorités sanitaires, militaires, et civiles ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour amener le savoir-faire et le matériel qui existaient dans le pays à Bouffard […]. L’OMS est aussi allé dans ce sens en apportant des tests, des kits d’extraction d’ADN. Une machine PCR achetée pour autre chose a été recalibrée pour travailler pour le Covid et puis le ministère de la Santé s’est octroyé beaucoup plus de machines. Maintenant, oui, le pays a la capacité de faire 5000 tests et plus s’il le veut. C’est possible et cela va être fait ».
« Pour le mot de la fin : un point qui me tient à cœur : à travers cette épidémie, […] on a vu une nation qui est partie d’une capacité presque inexistante dans la riposte à un virus, à une nation qui a pu gérer ses patients, qui a pu gérer l’épidémie d’une façon vraiment exemplaire. On a vu un gouvernement qui a travaillé avec la communauté, pour essayer vraiment de limiter le nombre de cas […]. Et pour ceux qui sont contaminés, de les traiter autant que faire se peut. Franchement je suis fier de faire partie de cette réponse. Je suis fier de voir comme le gouvernement a été très réactif depuis le début. Je suis fier que son excellence monsieur le président Ismail Omar Guelleh a mis tout son gouvernement au travail contre le Covid, a imposé des mesures barrières qui ont certainement aidé à limiter ou ralentir la propagation de cette maladie. La première est la fermeture de frontière, parce que l’on savait très bien que soit on fermait les frontières et on gérait ce qui avait pu entrer dans le pays, soit on laissait les frontières ouvertes, les vols ouverts, et on avait une explosion comme on l’a vu dans d’autres pays. Le confinement […] a beaucoup aidé pour ralentir la progression. Une chose que j’ai omise de dire tout a l’heure, c’est que Djibouti a eu quatre ou cinq foyers : hôpital Al Rhama, Ali Sabieh [ndlr 110 cas], Loyada… Ce sont des foyers assez fermés, où on a pu intervenir très rapidement, en termes de transmission dans la communauté : il y a eu transmission communautaire, mais avec l’anticipation, le traçage des contacts on a pu vraiment assécher au maximum. On ne peut jamais dire que c’est à 100%, mais on a asséché au maximum, et on a tiré notre épingle du jeu en utilisant tous les atouts que le pays avait. Je veux vraiment saluer le travail qui a été fait par monsieur le président, par le gouvernement, par la communauté, et aussi surtout par ces héros de tous les jours que sont les médecins, les policiers, les hommes en uniformes, qui ont aidé à cette riposte, mais aussi la population en limitant les déplacements. C’est vrai, on peut faire mieux en respectant le confinement, mais déjà aujourd’hui je suis fier d’être là, et de pouvoir dire que l’ouragan qui nous a touché, il a emporté deux personnes, touchés beaucoup d’autres personnes [légèrement], mais aussi fier de dire que nos indicateurs sont parmi les meilleurs au monde ».

Rétrospectivement que penser des prédictions débouchant sur des transitions politiques contenues dans la note qui émanait de la cellule de réflexion du Quai d’Orsay intitulée « L’effet Pangolin : la tempête qui vient d’Afrique ? » [1]. Felwine Sarr, économiste et écrivain sénégalais, a une opinion un peu désabusée sur le sujet, saupoudrée d’une once de sarcasme… : « L’Europe, elle, a vu la crise arriver d’Asie sans se préparer à l’affronter, exception faite des pays du nord, de l’Allemagne ou du Portugal.
Les représentations négatives sur l’Afrique sont si ancrées qu’on ne prend même plus la peine de regarder la réalité. Et quand la réalité présente va à l’encontre des représentations, on les déplace alors dans le temps futur. Même si le continent s’en sort plutôt bien, il faut donc prédire une catastrophe. Tout, sauf admettre que l’Afrique s’en sort face au Covid-19.
Actuellement, le nouveau narratif est d’affirmer qu’il n’y aura peut-être pas de catastrophe mais que nous allons mourir de faim à cause de la crise économique. Toujours la même image misérabiliste.
Oui, c’est un racisme structurel qui s’ignore. Il y a quelque chose de rassurant à avoir toujours le sentiment qu’on est mieux organisé, mieux préparé que les autres. Les Européens s’inquiètent pour nous, alors qu’ici, nous nous inquiétons pour eux. Quand l’OMS appelle “l’Afrique à se réveiller”, alors que c’est l’hécatombe partout ailleurs, c’est peut-être eux (Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS le 18 mars, ndlr), qui devraient se réveiller ! Car nous ne dormons pas, bien au contraire. Fondamentalement, la meilleure réponse que peut donner l’Afrique c’est de relever ses propres défis sans passer son temps à répondre à ceux qui ne veulent pas voir les évidences. » [2].

Mahdi A.


 
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