Je m’appelle Egueh Arreh Egueh. Je suis membre de la délégation venue avec l’ogaas. Nous allons séjourner tout au long de la semaine à Djibouti avant de nous diriger vers l’Ethiopie et précisément à Dire Dawa où l’ogaas sera définitivement installé. Là, il sera entouré par sa cour composée de conseillers, d’assistants… Les autres membres de la délégation le quitteront afin de rentrer dans leurs foyers respectifs où chacun vaquera à ses occupations habituelles. L’intronisation et le couronnement de l’ogaas se sont donc déroulés conformément aux traditions et nous en sommes très heureux : nous avons le sentiment d’avoir rempli convenablement la lourde mission dont nous avions été investis. Cette étape longue de neuf mois sera suivie par la procédure du mariage de notre souverain.
En effet, le xeer issa stipule clairement qu’après le couronnement commencent les préparatifs du mariage. La désignation de la future dulcinée est à la discrétion de la communauté et non du ressort de l’ogaas. Je dois d’ailleurs ajouter que c’est un immense honneur pour tout père de notre confédération que de voir sa fille choisie. La future épouse de notre souverain est déjà connue : le nom de l’heureuse élue est actuellement entre nos mains. Aussi une fois rentré, les préparatifs et la cérémonie du mariage seront vite mis sur pieds. A partir de là, il sera totalement investi de l’imposante charge qui sera la sienne : il devra s’atteler à sa seule et unique mission, régner sur ses sujets. Il faut savoir que depuis la nuit des temps, l’ogaas vit et réside en Ethiopie. De là, son autorité traditionnelle s’exerce sur tous ses sujets qu’ils soient à Djibouti, en Éthiopie ou en Somalie.
Et maintenant sur la diaspora éparpillée et qui a essaime à travers le monde. Étant souverain de la confédération issa, il est le détenteur de l’autorité traditionnelle. Ainsi, il dispose du pouvoir coutumier afi n de protéger et préserver le mode et les règles de vie séculaires. Tous ces actes devront être guidés par la rechercher et la réalisation des aspirations de son peuple. Dans les attributions et missions propres à la souveraineté des trois pays où vivent ses sujets, l’ogaas collaborera avec les pouvoirs centraux, si son concours est sollicité.
Propos recueillis par Abdoulkader Ibrahim Idriss
Témoignages recueillis à Dhanan
Said D. Askar , 40 ans, fonctionnaire au Trésor
Au regard de l’importance des foules réunies et qui forment des chaînes humaines étalées sur tout le long du parcours traversé par l’ogass, depuis le poste frontalier de Guélilé jusqu’à la localité rituelle de Dhanan, en passant par les villes d’Ali–Sabieh et Ali Addeh, ainsi que par l’accueil festif et très chaleureux réservé à cet évènement tant attendu, ceci témoigne si c’est encore nécessaire de l’ardeur et de la soif d’autorité spirituelle, morale et sociale de tout un peuple.
Omar Farah , 45 ans, Djiboutien
« Force est de reconnaître que durant ces quinze dernières années, l’absence d’un ogass, véritable aiguillon et repère sûr et indis pensable à notre communauté, a constitué un vide qui a sans aucun doute contribué ainsi à la désorientation des plus jeunes.
Abdo Mohamed , 49 ans,Djibouti
« Bien que je sois issu de la communauté d’origine yéménite de Djibouti par mon lien de sang, ma présence dans ce lieu rituel de Dhanan s’explique par mon souhait de partager ce moment de joie et de communion avec mes amis et mes frères de la communauté issa.
Abdourahman Mohamed , 48 ans, Diré Dawa
« Après plus d’une décennie de privation d’autorité légitiment fondée sur nos principes et valeurs ainsi que sur nos croyances et espérances, dont la Communauté avait grand besoin pour s’épanouir et atteindre sa plénitude, au cours de laquelle les inégalités et les servitudes prévalu dans notre milieu communautaire, on peut dire qu’avec l’avènement du nouvel ogass Moustapha Mohamed Ibrahim, successeur vivement attendu de feu le très noble Ogass Hassan Hersi, que Dieu puisse l’accueillir dans son Paradis, dont le règne aura tant esprits, est annonciateur d’un nouveau jour qui se pointe à l’horizon, présageant un avenir meilleur pour notre peuple et ceux de la région.
Mohamed Aden , Diré Dawa
Pour venir à bout des situations de sécheresse et de famine mais aussi de la dégradation des mœurs, du banditisme et de l’usage de la violence, de la quête de l’argent facile qui sont autant d’artifices et de procédés susceptibles d’être pris, tant comme moyens que comme finalités à un mode de vie aux contours de plus en plus controversés, il a fallu enclencher le processus de désignation d’un nouvel ogass qui, par son autorité spirituelle, morale et sociale, peut être à même de stopper cette hémorragie qui a durement affecté notre existence.
Idriss Aden , 35 ans, Diré Dawa
Aujourd’hui, nous espérons très fort que l’avènement du nouvel ogass permettra à notre communauté de poser la réflexion sur les valeurs de notre culture par rapport à ceux de la société urbanisée qui est la nôtre et d’inventer, le cas échéant une synthèse.
Houssein Khaireh , 48 ans, Diré Dawa
Pour l’avoir suivi depuis le début de son périple d’initiation et d’intronisation, je dois admettre que partout où nous nous sommes rendus se sont manifestés un vif engouement et une explosion de joies.
Dr Houssein Chardi , 53 ans, Djibouti
J’espère fermement que la mission de notre nouvel ogass permettra de taire les rancunes internes de notre communauté.
Ali Khaireh , 60 ans, Ali-Sabieh
Nous estimons que l’avènement de l’ogass, qui incarne plus que quiconque l’essence même du peuple, sa force, sa détermination et sa sagesse, est la seule autorité à même de pouvoir permettre la réalisation des objectifs communs de la communauté.
Mohamed Farah , dit hadj Arabe, 61 ans, Diré Dawa
Succéder au long règne ô combien éclairé de feu ogass Hassan Hersi, paix à son âme, n’est pas chose aisée, nous prions donc Allah d’assister notre nouvel ogass Moustapha Mohamed Ibrahim dans les lourdes responsabilités qui sont dorénavant les
siennes mais également de l’appuyer dans ses prises de décision.
Ali Hassan Bahdon , ministre, Djibouti
L’institution de l’ogass est indispensable pour assurer l’équilibre et indiquer le chemin à suivre dans les moments de doute. L’avènement de l’ogass Moutapha Mohamed Ibrahim est un gage de stabilité et de paix pour toute la sous-région.
Abdoulkader Okieh , 59 ans, Ali Addeh
Après quinze ans de divisions claniques au sein du peuple issa, l’unité et l’égalité communautaire, principes sacro-saints de notre xeer, ont enfin une autorité légitime assurant la cohésion de communauté et la paix sociale, en la personne du 19e ogass,
Loula Khaireh , 50 ans, Ali-Sabieh
Nous remercions infiniment Allah pour avoir exaucé nos voeux et guidé les sages de notre communauté dans leurs longues quêtes afin de nous révéler la personne qui est la plus à même d’assumer ces lourdes responsabilités de souverain arbitre : l’ogass.
Moustapha Soubaneh , 40 ans, Djibouti
S’il a fallu 15 longues années pour notre communauté pour avoir enfin un successeur au très noble ogass Hassan Hersi, il m’aura fallu à moi, que deux petites heures pour venir à la rencontre de notre monarque et recevoir sa bénédiction.
Aicha Mohamed , 55 ans, Ali-Sabieh
Si par les temps anciens, il était de tradition de rechercher l’ogass dans des petites localités de la brousse, la désignation de ce 19e ogass constitue une première dans notre histoire, compte tenu de son lieu de résidence qui fait exception puisqu’il est issu de la grande ville de Diré Dawa.
Témoignages recueillis par Dirieh Hassan Ali