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MGF : plaidoiries pour la fin d’un fléau psycho-socio-culturel
 

Il est triste de reconnaître qu’en dépit des nombreux efforts déployés pour contenir et éliminer l’excision, elle fait encore l’objet d’une sorte de sublimation dans nos croyances populaires.
Et ce malgré l’engagement sans pareil des plus grandes instances politiques, et plus particulièrement, du chef de l’État, Monsieur Ismaël Omar Guelleh, président de la République, qui s’était engagé pleinement à lutter notre ces pratiques traditionalistes et sans fondement, lors de son discours â l’occasion de la Journée de la femme en 2005 dont le thème était les mutilations génitales féminines (MGF). D’ailleurs dans son émouvante allocution, il avait rappelé ô combien « nul ne peut parfaire ce qui est déjà ». La première dame avait parrainé et soutenu la conférence régionale de février 2005 sur l’abandon des MGF. Son implication personnelle avait d’ailleurs été déterminante pour l’adoption de la déclaration de Djibouti à l’issue de la conférence et la ratification du protocole de Maputo. Certains de nos leaders - notamment une grande majorité des chefs religieux - soutiennent dorénavant la lutte contre cette pratique sans fondement tandis que d’autres hésitent toutefois à recommander son interdiction même s’ils adhèrent aux efforts d’élimination menés sans relâche par les acteurs comme les femmes, la société civile, et en premier lieu les associations, principalement l’Union nationale des femmes djiboutienne (UNFD). Cette dernière fut pionnière dans la lutte contre cette infamie et a contribué à la promulgation de l’article 333 du Code pénal en 1994. Nous continuons à rester vigilants, nous continuons à rester mobiliser, même si parfois nous sommes gagnées, un bref instant, par l’épuisement, nous continuons à militer, à sensibiliser, à informer sur l’infamie que représente cette pratique néfaste.

Malheureusement un constat alarmant s’impose, les femmes restent malgré tout influencées par des habitudes coutumières, culturelles et idéologiques. Pendant ce temps, les jeunes filles, en ville comme en campagne, continuent à subir l’excision sans comprendre ce qui leur arrive, dans une résignation soutenue par les encouragements de leurs mères, grand-mères et tantes et parfois sous la complicité de leurs sœurs. Pour sortir de cette situation inextricable, une question se pose à tout un chacun : est-il normal de conserver une coutume sociale dont il est prouvé qu’elle est sans fondement religieux, sans justification médico-sanitaire et qui en plus, est source de souffrances atroces dues aux séquelles physiques prévisibles avec des conséquences physiologiques et psychologiques aboutissant parfois à la mort ? Alors que les religions monothéistes, la Constitution de notre pays et les conventions internationales relatives aux droits des femmes ratifiées par la République de Djibouti proclament le respect de l’intégrité physique des fillettes et femmes, l’ignorance, les idées fausses sur la religion et sur le supposé statut inférieur des femmes, sont les facteurs sur lesquels reposent la perpétuation de cette tragédie silencieuse qui a résisté à l’épreuve du temps. De plus, l’extraordinaire capacité des femmes à endurer la souffrance et la douleur en silence a permis à la pratique des mutilations génitales féminines de continuer à se perpétuer. Cette calamité doit-elle encore perdurer, en ce nouveau millénaire ? Il est absurde que des millions de femmes et de filles continuent à être soumises à des pratiques qui appartiennent à un autre âge. Nous avons l’obligation de changer la société, les arguments ne manquent pas pour le faire, il faut franchir le pas en éliminant l’excision au bénéfice d’un meilleur épanouissement physique et psychologique de la femme et de l’enfant.
Les arguments sont là et la volonté politique est confirmée, et ce depuis longtemps, notamment par le soutien aux actions de mobilisation sociale sur le terrain et, la plus importante de toute, la rapidité avec laquelle la loi sur les MGF a été adoptée en République de Djibouti par des parlementaires parfaitement conscients des conséquences néfastes de ce fléau sociétal. Maintenant, il reste à veiller à l’application effective des nouvelles moutures de l’article 333 du Code pénal et de l’article 7 du Code de procédure pénale présentées par la députée et secrétaire générale de l’UNFD Degmo Mohamed lssak, adoptée par l’Assemblée nationale en 2009.

Ainsi, il me semble que le moment est venu pour associer les actions de sensibilisation et d’information à des actes concrets en mettant en application l’arsenal juridique â notre disposition afin de montrer que le moment de la tolérance zéro pour les MGF était arrivé.

Safia Elmi Djibril , députée


Témoignage de Fatouma Youssouf Djama, sur une pratique infâme encore très largement répandue

Pour moi l’excision est un acte infâme, avilissant : on confond trop souvent tradition et religion ! De nombreuses personnes dans mon entourage croient qu’il s’agit d’une prescription islamique : or, le Coran ne mentionne pas l’excision ! C’est la raison pour laquelle je crois que les responsables politiques, les ONG, les imams et les enseignants doivent travailler main dans la main pour lutter contre cette pratique barbare d’un autre temps. Il est important qu’ils s’unissent pour combattre l’idée trop répandue que l’excision est un rituel prescrit par la religion. Pour vous évoquer mon cas personnel, à 9 ans, j’ai forcé ma mère à me circoncire. Je ne voulais pas être différente de mes amies, d’ailleurs elles se seraient moquées de moi et m’auraient critiquée. Cette anecdote témoigne, je crois, assez bien de la pression psychologique que peuvent subir les enfants : vous vous sentez exclue, différente des autres, et vous souhaitez ardemment rentrer dans la norme...
Je pense vraiment que les écoles peuvent sans commune mesure faire évoluer ces mentalités, jouer un rôle central, efficace afin de mieux sensibiliser sur cette calamité. On pourrait y consacrer par exemple un jour par an d’information dans les écoles afin d’y sensibiliser pleinement les enfants sur les MGF, sur leurs droits et sur les conséquences néfastes et irréversibles que pourraient occasionner ces pratiques sur leurs corps.
En 1985, j’avais 9 ans, je l’ai subie ! Je me rappelle, je n’ai pas pleuré lors de l’intervention : j’ai encore en mémoire mes pleurs incessants lorsque l’on m’a enlevée les points de sutures. Je me rappelle également que j’avais des douleurs atroces quand j’urinais et la douleur était d’ailleurs tellement pénible que j’en frisonne encore rien que d’y penser, j’en souffre jusqu’à maintenant ! C’est une partie de mon corps qui m’a été amputée, enlevée, ce manque je le ressens jusqu’au plus profond de moi. Lors d’un séjour à Atlanta, j’ai assisté une proche amie dans son accouchement, on était dans la salle de préparation, le médecin un Nigérian, juste après avoir l’avoir auscultée, s’est retiré pour revenir l’instant d’après avec deux stagiaires Américains pour leur montrer que cette femme, mon amie, avait subi une mutilation génitale plus jeune dont les conséquences étaient telles qu’il fallait procéder à une intervention chirurgicale afin qu’elle puisse mettre son enfant au monde.
Tout ça n’a pas de sens !
Récemment, je suis intervenue énergiquement auprès d’une autre amie qui souhaitait faire subir à sa propre fille cette infamie, je me suis démenée pour la faire revenir à la raison… je l’ai même menacée de faire appel à la police si elle s’entêtait dans cette idée démente : sa seule préoccupation était la réaction de ses amies, de son entourage auxquels elle ne saurait pas quoi répondre lorsqu’ils la questionneront à ce sujet. Je lui ai dit de répondre que oui, elle avait été excisée.
Qui irait vérifier ? Personne !

On veut nous faire croire qu’une femme qui a son clitoris ne pourra pas se marier, qu’elle sera rejetée par les hommes, et qu’elle ne trouvera pas de mari. Ce sont des pensées archaïques ! Il faut les balayer d’un grand coup : Il faut savoir qu’aujourd’hui cet acte malheureux ne coûte que 4000 Fdj ! Il est à la portée de toutes les bourses, c’est un fléau qu’il faut combattre sans relâche, sans répit. Selon moi, aujourd’hui la pratique de l’excision est liée à l’ignorance des conséquences néfastes sur la santé de la femme, c’est la raison pour laquelle je suis convaincue que l’on devrait sensibiliser la population avec le concours d’obstétriciens, de professionnels de la santé afin de mieux informer les femmes sur les risques qu’elles encourent à perpétuer une tradition séculaire sans aucun sens. C’est un acte barbare, c’est un acte d’une extrême violence, c’est un acte d’ignorance, qui ne doit plus être pratiqué ! Plus aucune femme ne devrait avoir à subir cela en 2009 !

 
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