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IBF, entre belles perspectives et interrogations légitimes
par Mohamed Ahmed Saleh, février 2015 (Human Village 22).
 

Le forum d’affaires de l’IGAD a été une formidable vitrine promotionnelle pour chacune des nations participantes. C’est le cas de le dire, puisque les dynamiques économiques et les opportunités d’affaires dans chacun de ces pays ont été largement abordées. Des chantiers de reconstruction en Somalie à la dynamique de transformation infrastructurelle en République de Djibouti en passant par les grands projets en cours chez nos voisins éthiopiens, les belles perspectives des six nations de l’IGAD ont donné beaucoup d’appétit aux investisseurs conviés à cette grand messe économique. Les grands banquiers et la communauté d’affaire n’ont pas tardé à prendre attache avec les représentants des chambres consulaires des pays de l’IGAD.

Des pays et des opportunités
De la République de Djibouti, à l’Ouganda, en passant par le Kenya, la Somalie, les deux Soudans et l’Éthiopie, chaque nation a su mettre l’eau à la bouche des observateurs intéressés et des participants venus des horizons financiers. Beaucoup d’opportunités et de belles perspectives ont émaillé les présentations. À commencer par les chantiers gigantesques de transformation et de modernisation des infrastructures visant à accélérer l’interconnexion économique de la zone IGAD. À un niveau plus national, les pays de l’IGAD ont en partage une dynamique de croissance économique et des horizons économiques reluisants. C’est ce que les intervenants se sont attelés à présenter en détail.
La République de Djibouti s’est d’abord targuée de son environnement politique stable, mais aussi et surtout de sa position géostratégique unique et exceptionnelle qui sont autant d’avantages et d’atouts forts qui lui permettent de s’imposer comme le hub logistique régional. Les infrastructures et des facilités de classe mondiale (la zone franche de Djibouti, le terminal à conteneurs de Doraleh, le futur Multipurpose ou plateforme multimodale, les extensions et les projets futuristes de constructions de plusieurs ports dont les ports miniers de Tadjourah, le pétrolier, le pipeline des hydrocarbures, et le port animalier de Damerjog, ainsi que les deux lignes de chemin de fer et les routes transfrontalières djibouto-éthiopiennes) combinées avec des coûts et des solutions plus qu’intéressantes sont autant d’arguments pour booster les investissements directs étrangers. Par ailleurs, les services et les facilités offertes par le port de Djibouti constituent une gamme complète d’outils logistiques susceptibles de faciliter les échanges commerciaux intra-IGAD. Au niveau macro-économique, la croissance forte, le faible déficit budgétaire, la libre circulation des biens et des capitaux, le PIB par tête le plus important de la région, la convertibilité de la monnaie et d’autres atouts ont été mises en avant.

Pour la Somalie, le président de la Chambre de commerce a d’abord évoqué la vitalité du secteur agricole qui présente des opportunités d’investissements conséquentes. L’élevage extensif, les cuirs et peaux de bronzage, le traitement des aliments pour animaux, la transformation et la valeur ajoutée induite, etc., ont été largement évoqués par l’orateur. Dans le secteur de la pêche, il a insisté sur les prises potentielles qui pourraient être récoltées à partir des ressources marines de la Somalie que l’on estime à 450-550 000 MT par an, alors qu’actuellement moins de 5% de cette quantité est récolté. Ensuite, il a mis l’accents sur les potentialités offertes par l’immobilier qui, a-t-il dit, propose des logements à faible coût pour les zones urbaines, des équipements et matériaux de construction à faible prix et des chantier de construction de lotissements, appartements et autres lieux en prolifération. Des investissements conséquents dans les ports, les aéroports et les petro-dépôts et assurances sont également en cours, a-t-il ajouté.
Et ainsi de suite, pour l’ensemble des nations représentées qui se sont relayées à la tribune pour faire toute la lumière sur les offres conséquentes et leur potentiel d’investissements. Les représentants des différentes communautés d’affaires et des institutions universitaires, des acteurs du secteur privé, des grandes banques et des institutions de financements, ont pris note avec attention de toutes ces présentations. Il faut s’attendre à des prises de contact entre les représentants des pays et les établissements ou les personnes qui seront intéressées dans la prise de participations dans des projets en cours dans chacun des pays de l’IGAD.

Un Centre international d’arbitrage pour l’IGAD à Djibouti
La nécessité de créer une institution arbitrale pour les pays de l’IGAD est apparue suite à une forte demande des investisseurs. De nos jours, l’arbitrage n’est plus une option, c’est une exigence pour accompagner la dynamique économique régionale. Plusieurs arguments plaident en faveur de la création d’un tribunal arbitral, synonyme de plus de rapidité pour trancher les litiges qui surgissent entre les États et les grandes multinationales. Mieux encore, le tribunal arbitral offre une totale liberté dans le choix des arbitres parmi les experts et les spécialistes versés dans les litiges économiques opposant États et entreprises. Du point de vue des coûts et des facilités de procédures, le tribunal arbitral apporte des solutions plus intéressantes que les procédures judiciaires ordinaires. Il assure également toute la confidentialité requise, et ses décisions sont juridiquement contraignantes pour toutes les parties et ce à une échelle internationale. Pour l’Afrique de l’Est, la création d’un tribunal arbitral est un phénomène assez inédit puisque « l’Afrique toute entière n’a aucun système d’arbitrage digne de ce nom aujourd’hui » selon la Revue mondiale d’arbitrage en 2015.

Pourquoi Djibouti ?
Le choix de la RdD pour accueillir un centre d’arbitrage international est judicieux à plus d’un titre. D’une part pour sa centralité et sa neutralité. C’est aussi un pôle d’attractivité où règne un environnement juridique et politique favorable, et le pays jouit d’une image de centre cosmopolite qui se trouve à la croisée des cultures et des langues. Selon les prévisions, le Centre d’arbitrage international pourrait être implanté au siège de la Chambre de commerce de Djibouti avec le soutien financier de la Banque mondiale, de l’Union européenne et d’autres bailleurs de fonds. Le centre serait doté d’une organisation managériale représentative des pays membres de l’IGAD et serait animée par une équipe d’experts internationaux. Plusieurs noms prestigieux sont déjà cités, parmi lesquels Jean-Yves Gontier, professeur de droit international à Sciences Po Paris, et l’avocat international Bernard Gontier. Autre figure du droit international, George Bermann, directeur du Centre pour le commerce international et l’arbitrage des investissements de Columbia, ainsi que M. Ian Bassin, ancien conseiller du président Barrack Obama, ancien clerc de la cour d’appel des USA et rédacteur en chef du Journal de Droit de Yale. La mise en place de ce centre arbitral à Djibouti présente de nombreux avantages dont notamment une forte attractivité financière, le développement du droit et l’accroissement du capital humain.

Vive controverse autour des tribunaux d’arbitrage
Toutefois, les centres d’arbitrages internationaux ne font pas toujours l’unanimité en ce qu’ils symbolisent une vision libérale du commerce international. Selon un récent article paru dans le journal Le Monde, « les tribunaux d’arbitrage internationaux (ISDS) existent depuis les années 1960. Ils protègent les entreprises contre les décisions « arbitraires » des États qui les accueillent, au risque de remettre en question leur droit à réguler. » Dans cet article, le journaliste Maxime Vaudano révèle notamment que « ce mécanisme présent dans de nombreux accords internationaux d’investissement instaure des tribunaux d’arbitrage censés protéger les entreprises victimes d’abus de droit perpétrés par les États où elles s’installent. Dans la pratique, plusieurs décisions ont tendu à remettre en cause les législations environnementales, sociales ou sanitaires des États qui allaient à l’encontre des intérêts de certaines entreprises. L’Allemagne a ainsi été attaquée pour avoir décidé de sortir du nucléaire, et l’Australie pour sa politique antitabac ». C’est ce qui motive selon lui, la mobilisation des pays comme la Suède, la Hollande, le Danemark et le Luxembourg qui ont constitués un front unis avec le couple franco-allemand pour améliorer ce dispositif d’arbitrage courant dans les accords commerciaux, mais de plus en plus controversé. En Europe, et dans les deux grandes nations nord américaine (Canada et États-Unis) une partie d’échec et un poker menteur insidieux sont engagés entre les sceptiques et les promoteurs de l’arbitrage d’investissement. Qu’on se le tienne pour dit, les précautions et les règles prudentielles en vigueur en matière d’affaires et d’investissements ne devraient pas compter pour du beurre au moment de la création du Tribunal arbitral international de Djibouti.

Mohamed Ahmed Saleh

 
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