Nous traversons depuis plusieurs mois une crise sanitaire sans précédent, de mémoire de femmes et d’hommes. Ce 14 juillet, jour de fête nationale française, de célébration populaire de la liberté partout dans le monde, aura une signification particulière. Il n’y aura pas de manifestation collective pour cause de Covid 19. Ici même, je ne pourrai accueillir mes amis et partenaires djiboutiens, internationaux ou français à la Résidence de France alors que j’avais souhaité ces festivités ouvertes et chaleureuses. Mais, en cette date importante, j’ai tenu à témoigner de l’amitié et de l’appui de la France envers les jeunes Djiboutiens en me rendant au Stade Hassan Gouled afin d’y procéder à un don ; et à participer à une brève cérémonie militaire chez les Forces françaises stationnées à Djibouti. C’est avant tout au peuple djiboutien auquel je veux rendre hommage. Et avant tout aux victimes de ce terrible virus ainsi qu’aux malades et convalescents. Chacun aura mesuré la résilience et le courage dont ont su faire preuve les Djiboutiens. Sous l’impulsion déterminante, la rigueur constante et la mobilisation permanente du gouvernement, ils ont su répondre à l’urgence sanitaire à laquelle nul n’était préparé. De Bouffard à Peltier, de l’hôpital soudanais à Arta, les structures médicales, durement mises à l’épreuve, ont fait face et ont ainsi permis d’éviter une plus grande catastrophe.
Je veux dire ma plus profonde reconnaissance et même mon admiration aux héros discrets du quotidien, au personnel médical et hospitalier djiboutien qui ont été à l’avant-garde de la lutte. Mes remerciements vont aussi à tous ceux qui ont pu faciliter, au profit de tous, opérations de dépistage, de solidarité, de respect des règles de confinement, de sécurisation de notre vie quotidienne, qu’ils appartiennent aux structures associatives et sociales ou aux forces de sécurité. Les défis restent colossaux notamment sur le plan sanitaire, économique et social.
A l’instar de tous les pays qui ont déconfiné, le principal enjeu pour Djibouti sera de savoir concilier réouverture progressive de son économie et protection sanitaire. On ne dira jamais assez combien les règles de distanciation sociale et le respect des gestes barrière sont un impératif catégorique pour se protéger…et protéger les autres. Les campagnes de prévention du ministère de la santé doivent être pleinement entendues par chacun. Dans ces moments difficiles, la France a été au premier rang des partenaires de Djibouti. Tout au long du printemps, mes équipes et moi-même nous sommes fortement mobilisés pour apporter notre concours à la lutte contre le virus, en appui à l’action du gouvernement djiboutien et des autres partenaires internationaux, États ou organisations internationales. J’ai été heureux de distribuer masques, gels hydro-alcooliques ou matériel de protection au ministère de la santé, au conseil régional d’Arta ou à des associations djiboutiennes, de soutenir l’action de l’Union nationale des femmes djiboutiennes ou de fournir des aides aux anciens combattants, d’appuyer le recours au téléenseignement avec le ministère de l’éducation nationale ou les entreprises djiboutiennes via la chambre de commerce et d’industrie. D’autres actions sont encore à venir.
Portée par le volontarisme djiboutien, je dois dire que c’est toute la communauté française au sens large qui s’est mobilisée spontanément au service de ses amis djiboutiens : les FFDj ont été présentes aux côtés du partenaire djiboutien sous de multiples formes, les plus récentes étant le partage d’expertise en matière de décontamination et de production d’oxygène. A titre d’exemple d’actions communes, les épouses des militaires et coopérants français ont créé une association, les « Doigts de fée solidaires », qui ont mis leur savoir-faire de couturière et de confection de masques au bénéfice du ministère de la femme et de la famille. Les entreprises membres du Groupe d’affaire France-Djibouti (GAFD) n’ont pas été en reste avec de nombreux dons. L’Institut français a mis plusieurs de ses ressources en ligne.
Ces actions locales ont été dédoublées à l’échelle européenne et internationale : au sein de l’Union européenne, du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, la France s’est faite le porte-parole de Djibouti. La question du moratoire, de la suspension puis de la suppression de la dette a été posée par le président Macron de même que le juste et égal accès des pays africains au futur vaccin ainsi que le renforcement des structures de santé sur le continent. Enfin, je veux rappeler combien les gouvernements français et djiboutien ont travaillé ensemble efficacement au cours des derniers mois pour favoriser le rapatriement de leurs ressortissants respectifs bloqués à Djibouti ou en Europe du fait de la fermeture de l’espace aérien mondial.
Quand bien même la crise sanitaire n’est pas entièrement derrière nous, il nous appartient désormais de regarder l’avenir pour consolider les relations stratégiques entre Paris et Djibouti. Le président Macron a tenu à être, cette année, le premier chef d’État étranger à souhaiter une bonne fête nationale au président Guelleh et au peuple djiboutien. Dans son courrier du 8 juin, le président français a convié son homologue à effectuer une visite bilatérale en France prochainement. Il a rappelé son profond attachement à un pays qu’il a eu le plaisir à visiter l’an dernier et a tracé des perspectives claires et ambitieuses pour notre avenir commun :
(i) la relation de sécurité et de défense qui demeure l’épine dorsale de notre relation compte-tenu du rôle stabilisateur de Djibouti dans cette région tourmentée, comme l’appui aux récents pourparlers inter-somaliens l’a tout récemment encore prouvé ;
(ii) la francophonie, car cette langue en partage est au cœur de ce qui fait la spécificité de nos relations. Je note d’ailleurs que la secrétaire générale de la Francophonie a récemment indiqué qu’elle souhaitait ouvrir son bureau régional à Djibouti, ce que la France appuie pleinement ;
(iii) la densification des relations économiques. Lesquelles ne sont pas, il faut le reconnaître, au niveau de nos relations politiques. Les opportunités sont déjà nombreuses dans le domaine de l’énergie, du tourisme, de la logistique. Nous pourrons nous appuyer sur de nombreux acteurs économiques, français et djiboutiens, particulièrement dynamiques notamment au sein du GAFD évoqué plus haut qui réunit des dizaines d’entreprises et est devenu en peu de temps un acteur incontournable du monde économique local. Nous venons d’ailleurs de lancer avec le GAFD, dans le cadre de la préparation du Sommet Afrique-France un programme d’identification, de suivi et d’accompagnement d’une dizaine de jeunes entrepreneurs djiboutiens, énergiques et innovants.
Les échanges humains doivent encore se densifier dans tous les domaines, des relations interparlementaires au sport en passant par la promotion de la place de la femme et l’accueil des étudiants. La coopération française, si elle ne peut répondre à toutes les sollicitations, a des projets structurants dans le domaine de l’enseignement supérieur – avec la création prochaine d’une filière du numérique à l’Université de Djibouti -, de l’appui à la décentralisation dans tous les domaines, tant avec Djibouti ville (via l’Agence française du développement), les régions (via Expertise France avec le concours de l’Europe) et l’État même. J’ai dans ce contexte bon espoir de favoriser un partenariat entre la Région Sud (ex-Provence-Alpes-Côte d’Azur) et Djibouti. Ce foisonnement de projets me rend très confiant pour l’avenir. Moins d’un an après mon arrivée à Djibouti, je souhaite remercier chaleureusement celles et ceux, autorités officielles ou gens de la rue, acteurs culturels, associatifs ou économiques qui m’ont accueilli. Si la Covid a singulièrement ralenti les choses, j’ai hâte pour ma part de reprendre mon bâton de pèlerin et de parcourir à nouveau le pays, d’Obock à Dikhil, d’Ali Sabieh à Arta, de Tadjourah à Djibouti ville. J’en suis convaincu : la France et Djibouti ne sont pas des partenaires d’un jour. Ils sont des partenaires pour toujours.
Arnaud Guillois, ambassadeur de France à Djibouti
Publiée dans La Nation.