Human Village - information autrement
 
Clochardisation du centre ville et respect des consignes sanitaires…
par Mahdi A., mai 2020 (Human Village 39).
 

La réouverture des magasins est comme une bouffée d’air frais pour la majorité des habitants, mais elle suscite aussi son lot de questions, de défis et de sentiments d’injustice, notamment pour les propriétaires de bars et de discothèques. Ces dernières devront attendre le 1er septembre pour s’ouvrir aux amis de la nuit.

Le propriétaire d’une d’elles nous fait part de sa colère et de son amertume face à cette situation : « Je vais faire quoi de mai à septembre si je n’ai pas le droit d’ouvrir ? Je vais avoir zéro client ? J’avais déjà des projections financières pessimistes, avec un centre ville qui ressemble de plus en plus à un lieu abandonné par l’État, où les chaussées sont défoncées, dont les sans-abris ont fait un dortoir à ciel ouvert, avec des trottoirs recouverts d’immondices et de déjections humaines conjugués à des odeurs nauséabondes, et où la délinquance de jeunes désœuvrés sévit. Ils rackettent notre clientèle à la sortie, l’obligeant à s’acquitter d’un “péage” pour la surveillance des véhicules garés à l’extérieur alors que personne ne les a mandatés pour cela… La police s’en lave les mains malgré nos alertes et ne fait rien pour mettre fin aux abus. Je ne cesse de m’interroger : comment les pouvoirs publics ont-ils pu abandonner le centre-ville ? Djibouti est sans doute l’un des seuls pays au monde à ne pas mettre un franc d’argent public pour l’embellissement et l’entretien de l’espace public. C’est sans doute l’un des seuls pays dont les artères de l’hyper centre servent d’urinoir impunément. C’est incompréhensible. Que le chef de l’État sorte du Palais. À cinq minutes à pied de son bureau, il constatera de ses propres yeux la clochardisation rampante du centre. Aujourd’hui notre clientèle fuit l’hyper centre à cause de ces désagréments et de l’insécurité qui y règnent. Avec ce report pour l’ouverture, les conséquences sont encore plus dramatiques. On fait des scénarios. Mais est-ce que ça sert à quelque chose si les pouvoirs publics ne prennent pas de mesures pour réhabiliter le quartier ? Il y a un véritable abandon, un laissez-faire sidérant. Souvent je m’interroge : personne n’aime ce pays ? Rien n’est fait pour rendre notre capitale séduisante, attrayante. On parle de projets grandioses, alors que l’on est même pas en mesure de préserver et d’enrichir l’existant. Comment nos autorités, si précautionneuses pour leur domicile, ignorent-elles la déliquescence de nos espaces communs. Sans compter que l’on est assujetti à des impôts majorés, plutôt deux fois qu’une. Pourtant on a le culot de nous dire que nous ne sommes pas éligibles pour les aides de l’État, notre activité étant considéré comme impure. N’empêche que le problème ne se pose pas lorsque l’on doit s’acquitter des surtaxes sur l’alcool ou les licences 4. » Message transmis !

Une grande crainte subsiste avec la fête de l’Aïd, et la foule qu’elle va attirer dans les rues commerçantes. Pour prévenir la propagation du virus, le gouvernement a mis en place des protocoles sanitaires lourds, exigeant notamment que les commerçants placent à l’entrée de leur magasin un distributeur de gel hydro-alcoolique ou de mettre du savon à disposition de la clientèle. Il s’agit de réduire les risques de contamination. La limitation des horaires d’ouverture à 18h risque de mobiliser les forces de l’ordre pour gérer de possibles tensions, non seulement avec la population, mais aussi les commerçants. Ils accepteront de plus en plus mal ces contraintes à l’approche du jour de la fête si la clientèle, désireuse de faire les emplettes indispensables pour célébrer l’évènement, voit se fermer les portes des magasins sans avoir pu effectuer l’ensemble des achats prévus. Les messages d’information et d’alerte à l’intention de la population ne semblent pas entendus. L’affluence est très forte, et va encore augmenter ces prochains jours. On constate en ville la présence d’une foule compacte, dense comme lors du pèlerinage à la Mecque. Comment dans ces conditions lutter contre la dissémination à la vitesse grand V du virus ? Que faire des vêtements qui auront été essayés, voire palpés par les clients ? Ça va être un sacré défi pour le gouvernement de gérer cette situation et de préparer les magasins au respect de la distanciation physique. Pour limiter le risque de contamination dans les commerces, l’utilisation de masques est obligatoire. Ils doivent protéger les personnes qui entourent le porteur d’une éventuelle dissémination du virus par les gouttelettes. Mais dans la pratique, le niveau d’humidité est si élevé, l’air si chaud et suffocant, que les masques sont portés au niveau du cou ou du front… Limiter le nombre de personnes présentes en même temps dans un magasin semble aussi très difficile, et conserver au moins un mètre entre chaque personne est une véritable gageure.

Les consignes sanitaires des autorités sont claires et les sanctions pour les contrevenants sévères. Pour autant, il faut se faire une raison, leur respect sera difficile ce soir, rue des Mouches. Rien de très rassurant...

Mahdi A.

 
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