Le gouvernement a décidé de monter d’un cran les conditions de confinement de la population à Djibouti. Une réunion s’est tenue sous l’autorité du ministre de la Défense en fin de matinée - samedi 18 -, avec l’ensemble de la haute hiérarchie des forces armées et sécuritaires afin d’étudier les mesures déployables dans les meilleurs délais pour contenir la propagation du virus.
Des décisions sont attendues pour cette semaine, après que les différentes options envisagées auront été soumises au chef de l’État. La population a été mise en garde à plusieurs reprises sur un possible durcissement en cas de non-respect des consignes précautionnées pour endiguer la diffusion de la maladie. « Les restrictions des déplacements imposées par les pays sont peut-être gênantes et ont des effets secondaires sociaux-économiques, mais les gains à long terme sont incomparables. Elles sauveront des vies et aideront à en finir au plus tôt avec cette pandémie », explique John Nkengasong, directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique). Au 17 avril le sinistre bilan de l’épidémie en Afrique est de 962 décès et 18 333 cas confirmés [1].
La situation est de plus en plus tendue, la contamination est dorénavant communautaire et se propage comme un feu de brousse. Aujourd’hui, alors que le ministère de la Santé n’a pas communiqué de nouvelles données sur les cas de Covid, une source bien informée évoque un nombre élevé de nouveaux cas, le plus important depuis le début de l’épidémie. Cette situation justifierait la seconde séquence que s’apprête à ouvrir le gouvernement pour contenir le virus. Il n’a pas d’autre choix que de prendre des décisions spectaculaires et donc désagréables pour préserver la population.
C’est la seule manière de contenir cette épidémie. Le pays n’a pu gérer la propagation de la maladie en faisant reposer sa riposte sur la seule responsabilité collective. Il ne fait pas de doute que ces mesures additionnelles risquent de déclencher des polémiques, et êtres mal acceptées par un grand nombre d’habitants. Il faudra que les pouvoirs publics mènent une vaste campagne pour expliquer ces contraintes et faire appliquer la distanciation physique et sociale. En tout cas le pouvoir ne manquera pas de relais dans la population lorsqu’il s’agira d’expliquer qu’il faut sauver la nation.
Le danger est réel. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) dans une étude publiée le 17 avril, intitulée Covid-19 en Afrique : sauver des vies et l’économie, tire la sonnette d’alarme :
« Entre 300 000 et 3 300 000 Africains pourraient perdre la vie à cause du covid-19, en fonction des mesures prises pour stopper la propagation du virus.
Si l’Afrique est particulièrement vulnérable, c’est parce que 56 % de la population urbaine (hors Afrique du Nord) est concentrée dans des bidonvilles surpeuplés et mal équipés, et que seuls 34 % des ménages ont accès à de simples moyens de se laver les mains. En gros, 71 % de la population active est employée dans le secteur informel et la plupart de ces employés ne peuvent pas faire du télétravail. Près de 40 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition. De tous les continents, l’Afrique est celui qui a la plus forte prévalence de certaines pathologies préexistantes, comme la tuberculose et le VIH/sida. L’Afrique est vulnérable en raison du manque de lits d’hôpital et de professionnels de santé, de sa forte dépendance à l’égard des importations pour ses médicaments et produits pharmaceutiques, de la faiblesse de ses systèmes d’identité juridique pour le versement de prestations en espèces et, enfin, du fait que ses économies, déjà peu solides, sont incapables de faire face aux coûts de santé et aux conséquences d’un confinement. » [2].
On aimerait tous croire, à l’instar du président sénégalais Maky Sall qui en vantait ses bienfaits lors d’une interview sur RFI et France 24, que le traitement à l’hydroxychloroquine guérit les patients contaminés par le covid. Cela serait une bonne nouvelle, mais il faut savoir que pour l’heure elle reste qu’une hypothèse qui doit être confirmée. Elle ne doit pas inciter à baisser la garde. Et ce, d’autant plus que notre pays est tristement détenteur du plus grand nombre de cas détectés par habitant du continent. Ce constat montre avant tout l’efficacité de la démarche pro-active des services sanitaires pour rechercher et détecter les personnes proches des cas infectés afin de les isoler en cas de contamination. A contrario, lorsque l’on voit des géants africains, comme notre grand voisin éthiopien, déclarer moins de cas covid que Djibouti, on est en droit de s’interroger sur la crédibilité de ces chiffres… Comment organiser une riposte efficace contre la pandémie en l’absence de chiffres reflétant la réalité de la situation ? N’est-ce pas une bombe à retardement ?
Mahdi A.
[1] « Afrique : le bilan de la pandémie s’élève à 962 décès, alors que les cas confirmés s’élèvent à 18.333 (CDC Afrique) », Xinhuanet, 17/4/2020.
[2] Covid-19 en Afrique : sauver des vies et l’économie, télécharger le PDF.