Human Village - information autrement
 
Comment lutter concrètement contre l’épidémie
par Mahdi A., avril 2020 (Human Village 38).
 

Comme l’a judicieusement fait remarquer ce matin le secrétaire général du ministère de la Santé, le docteur Saleh Banoita Tourab, notre pays vient de passer le nombre symbolique de 50 personnes atteintes du covid-19 à Djibouti. Ce n’est pas rien, la situation peut être considérée comme préoccupante, surtout que, selon certaines modélisations européennes, une personne infectée contaminerait en moyenne entre trois et huit personnes avant qu’apparaissent les premiers symptômes. En partant de ce constat, il n’est pas difficile de considérer au regard des interactions plus nombreuses chez nous - mode de vie et densité d’habitants particulièrement élevée dans les quartiers démunis - que la courbe de propagation soit bien plus forte qu’ailleurs. Le nombre de cas détectés ne peut être pris pour une vision exacte du nombre de cas de covid-19 sur le territoire national. Ce constat ne remet pas en cause l’excellent travail et l’abnégation que montrent les équipes du ministère de la Santé pour retracer et tester les personnes potentiellement contaminées dans l’entourage direct et indirect des malades.
Est-il possible que des personnes infectées n’aient pas été détectées ? C’est probable. Le virus a été détecté sur des individus qui n’avaient pas voyagé, dont les proches n’avaient pas non plus quitté le territoire dans une période récente. Ces contaminations s’expliqueraient par la présence de personnes venues de l’étranger, peu ou pas symptomatiques et qui ne sont pas détectées par les services de santé. On comprend mieux les raisons de l’appel aux passagers des vols ayant atterris sur le territoire national les 14, 15, 16 et 17 mars de se signaler de toute urgence au 1517 ou de se rendre directement au centre hospitalier Bouffard pour un dépistage entre 08 et 12 heures du matin. Ils l’ignorent mais risquent de propager la maladie. Devant le faible retour du message d’urgence sanitaire, le ministre de la Santé Mohamed Warsama Dirieh n’a pas hésité - jeudi 2 avril -, à les qualifier de « criminels ». S’indignant de l’attitude irresponsable de ces gens qui n’ont pas conscience qu’au-delà du risque de dissémination du virus au reste de la population, c’est la vie de leurs proches qu’ils engagent aussi. Le message de bon sens sera-t-il entendu par ces derniers ? C’est une course contre la montre, puisque chaque jour qui passe augmente le potentiel de diffusion et de développement de foyers de propagation.

« L’Afrique n’a pas assez de ventilateurs pour sauver des vies, ni même d’équipements de protection individuelle pour protéger le personnel de santé. Ce qui laisse craindre un scénario du pire, avec un taux de mortalité beaucoup plus élevé », estime le docteur Ngozi Erondu, experte en biosécurité et chercheure associée à Chatham House. [1].

Ce constat nous incite à renforcer les mesures préventives afin de contenir la propagation du coronavirus. Comment expliquer que dans de nombreux quartiers visités ce matin, samedi 4, notre rédaction a constaté que la vente de café est toujours aussi répandue dans la rue. Entre deux clients, la vendeuse se contente de rincer le verre très brièvement dans la bassine d’eau à sa disposition et qui sert tout au long de sa matinée de travail…
On constate encore plus grave : la vente au détail d’eau du robinet dans un gros pichet en plastique 20 Fdj, dont le contenu est tiré d’un gros récipient entreposé dans un congélateur. Effectivement la rasade d’eau désaltère et donne indéniablement un sentiment de fraicheur aux consommateurs de ces buvettes-kiosques, d’autant plus appréciable en ces temps de premières chaleurs. Là où le bas blesse, c’est que nous n’avons pas vu une seule fois le pichet lavé voire rincé entre les différents clients. Pire, il sert à puiser l’eau du gros récipient, avant d’être remis au client. Aucun client n’a commenté le service. La pratique est standard, et elle ne choque personne. Deux boutiquiers interrogés nous déclarent avoir connaissance des règles d’hygiènes à adopter pour préserver la population de la diffusion du virus, mais ils expliquent que la clientèle exige ce service. Pour ne pas perdre leur clientèle, qui irait voir ailleurs sinon, ils n’ont pas le choix. L’eau est avant tout un produit d’appel, permettant de vendre des cigarettes, des piles, des biscuits, etc. L’eau minérale en bouteille individuelle est inaccessible à leur clientèle. Lorsque l’on a une idée du nombre de pichets d’eau partagés dans une seule boutique, cela donne froid dans le dos. L’argument divin, ou magique, est systématiquement brandi à Djibouti : coronavirus ou pas le destin de chacun est inscrit et rien ne peut défaire cette réalité… A quoi bon s’inquiéter d’un microbe alors ! Ils trépasseront comme leurs clients si c’est la volonté de Dieu. Bon courage au ministère de la Santé pour rendre raisonnables ces illuminés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les conditions sont peu réunies à l’heure actuelle.

Enfin, même si comparaison n’est pas raison, on signalera pour ce que cela vaut que le plan de soutien pour atténuer l’impact négatif du nouveau coronavirus sur l’économie ivoirienne, est de 1700 milliards de FCFA (2,85 milliards de dollars), soit 5% du PIB [2]. Djibouti fait pâle figure en ne mobilisant pour défier les multiples incertitudes qui guette notre patrie dans les prochains mois, qu’un seul milliard de nos francs, correspondant à 0,19% du PIB réel de 2018… Que faut-il en conclure ?

Mahdi A.


 
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