Depuis quelque temps, notre vie politique était dominée par la question de l’identité djiboutienne et des conditions d’une coexistence pacifique, qui passerait par le respect mutuel, l’égalité et la tolérance. Cette ambiance délétère vient de s’alourdir un peu plus à cause de récents affrontements opposant deux communautés vivant des deux cotés de la frontière djibouto-éthiopienne.
Après des heurts sanglants qui ont causé plus d’une centaine de morts, voilà que les autorités fédérales sortent de leur mutisme et viennent d’exiger que les forces régionales évacuent leurs garnisons dans les villages en contentieux. Ce qu’elles ont commencé depuis ce minuit. Des manifestations s’organisent pour bloquer le trafic routier sur cet axe ce dimanche 13 janvier 2019, ce qui peut dégénérer en une confrontation aux conséquences incalculables, même ici.
Or, le problème c’est que ces troupes régionales avaient été déployées dans ces villages dans le cadre d’une légalité constitutionnellement accordée à cette région, mais dont l’effectivité avait toujours été sabotée par des responsables politiques corrompus, de l’ALF de l’actuel sultan au QD d’Ismael Ali Sirro, tous de retour aux affaires.
En autorisant ses forces fédérales à outrepasser le cadre d’intervention qui aurait dû être le leur, à savoir s’interposer en force neutre assurant la sécurité des personnes et des biens, le Premier ministre envoie deux dangereux messages :
1) la suspicion d’exactions dont les forces armées du Killil afar se seraient rendues coupables à l’encontre de paisibles civils issas ;
2) la recevabilité par anticipation de la requête des Issas à se détacher de ce Killil.
Il y a déjà plus de deux semaines qu’un officier supérieur de l’armée fédérale avait demandé cette évacuation aux troupes régionales qui avaient refusé, demandant que l’ordre vienne directement de la ministre de la Défense. Laquelle avait depuis lors disparu de la circulation du Killil, avant de miraculeusement réapparaitre à Djibouti, tout en murmurant qu’elle n’était pas au courant.
Prochaine étape dans l’agenda du Premier ministre : demander aux populations somalies d’évacuer Diré-Dawa au prétexte que cette ville ferait l’objet d’une prétention territoriale de la part du Killil oromo, donc recevable par anticipation comme cela vient de se passer dans le Killil 2 ? A moins que ce ne soit du côté du Killil tigré dont une portion fertile du territoire fait l’objet d’une revendication de la part de son voisin amhara, allié stratégique de celui qui semble être le « Gorbatchev » sanglant de l’empire éthiopien.
Marx l’avait énoncé depuis longtemps : « il ne faut pas prendre les choses de la logique pour la logique des choses ». Et lorsque la logique des choses (la réalité brute et brutale) vient contredire les choses de la logique (les analyses et perceptions fausses car faussées par l’affect, les sentiments, bref l’irrationnel, ici le tribalisme et le clanisme), le déchirement qui s’ensuit provoque une désorientation conceptuelle qui produit un profond malaise : l’homme Abiy n’est ni le Spartacus miraculeux que certains croyaient trouver en lui, ni le Staline déplaçant les populations que d’autres craignaient de lui. En un sens, il le sera, mais pas dans celui auquel les uns et les autres pensaient. Au fait, mais où est passée la fameuse ministre de la Paix, poste unique dans le monde ? Ruwaaya.
Prions, car une tragédie est malheureusement à craindre. Comme le prédisait l’autre, il n’aura donc pas été possible d’éviter la catastrophe sur la Route, au train où vont les choses « Cataanam yefferen, bala Dat Gital ». En tout cas, introduction à ma troisième et dernière partie car, pour l’essentiel, ce qui se passe aujourd’hui découle de ce « TFAI m’a tuer ».
Cassim Ahmed Dini
Source : [1].
[1] Cassim Ahmed Dini« Aie ! Ça fait mal ! », Facebook, 13 janvier 2019.