Le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP) a effectué sa rentrée politique en réunissant sur deux jours - vendredi 21 et samedi 22 septembre - une partie de ses troupes à l’occasion de sa désormais traditionnelle « Université d’été », ou plutôt selon le nouvel intitulé du séminaire, ses « Rencontres citoyennes ».
Le mot clé de la thématique est « citoyenneté ». Cette notion est devenue, depuis le discours d’investiture du chef de l’État en mai 2016, le fil rouge des interventions des membres du gouvernement. La majorité veut en faire son étendard, expliquant que ses actions sont guidées par cette valeur, tout en rappelant à chacun ses responsabilités individuelles pour permettre la construction d’une nation agissante et non plus observatrice. Une communauté de destin guidée par l’intérêt général et non par l’intérêt égoïste et individuel. C’est bien trouvé, c’est très vendeur, et cela permet de préempter ce slogan fédérateur. En le répétant en boucle, le RPP s’approprie à peu de frais un « sentiment » qui parle à tous les Djiboutiens. Le RPP se revendique comme le parti indépendantiste, unitaire, héritier du très populaire LPAI, défenderesse de la souveraineté nationale, de l’émancipation de la femme, et dont les membres seraient issus de toutes les communautés - a contrario des autres mouvements politiques autorisés et non autorisés ? C’est en quelque sorte sous-entendu !
Quel est l’objectif de cette rencontre militante ?
Le séminaire se veut un « laboratoire d’idées », s’inscrivant dans les pas de la philosophie de Nicolas Boileau : « Du choc des idées jaillit la lumière » !
Le RPP serait-il en train de faire sa mue ? Il n’est pas vraiment dans la tradition ni dans la culture maison de se dire la vérité, mais plutôt d’avoir naturellement tendance à cacher la poussière sous le tapis ; les débats et les contradictions y sont étouffés d’ordinaire. Serait-il dorénavant possible de ne pas être d’accord sans être mis au ban ? Voudrait-on le faire renaître de ses cendres après l’avoir ces vingt dernières années rangé dans un placard, duquel il n’était autorisé à sortir qu’avec parcimonie ? Le voilà, tel le phénix, qui reprend petit à petit du service auprès de la communauté. Réorganisé, doté d’une ligue de la jeunesse pour le côté offensif et la mobilisation des indécis, flanqué de slogans fédérateurs et tendance, pourvu d’une brigade active sur les réseaux sociaux pour prêcher la bonne parole voire, si nécessaire, souffler sur les braises pour déclencher un incendie difficile à éteindre…
« Élargir notre dialogue… exercer la démocratie sous toutes ses formes, c’est un peu comme le corps humain, qui a besoin d’une circulation sanguine efficiente pour s’oxygéner ; dans la démocratie, les débats, les confrontations d’opinions jouent le rôle du sang, c’est vital pour la construction d’une nation unie : des échanges jaillissent les idées ! [C’est la raison] de l’intitulé de notre rencontre citoyenne, au lieu d’Université d’été, car nous avons voulu aller au delà du RPP. Certains d’entre vous présents ne sont pas du RPP », déclare le secrétaire général du parti, Ilyas Moussa Dawaleh. Et d’ajouter à l’intention d’une opposition sans doute ébahie par la nouvelle posture du RPP : « On sait qu’être opposant politique ne veut pas dire que vous êtes notre ennemi, ou un ennemi. Ce n’est pas du tout cela. On peut avoir une divergence de vues sur la manière de conduire notre nation, la manière d’exercer le pouvoir, sur la manière de développer ce pays, mais on ne s’opposera jamais pour construire notre pays, notre Djibouti. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu que cette rencontre soit élargie. [ …] Ces rencontres on les souhaite très ouvertes, très démocratiques ».
La nouvelle formule du RPP, c’est un peu le beaujolais nouveau !
Il faut comprendre que le RPP, à l’aube de ses quarante ans, a décidé d’évoluer. Un peu comme le « beaujolais nouveau », il projette de revenir avec une nouvelle saveur, un nouvel arôme, une envie encore plus forte de séduire ses consommateurs avec son produit qui tient encore le haut du pavé. Avec ces rencontres studieuses, le parti cherche à se renouveler, à se professionnaliser, à mobiliser davantage, à renforcer ses relais auprès de la société. Le RPP veut vivre avec son temps, donc il opte pour adapter son « offre » à la concurrence. Il ne veut plus se faire violemment bousculer lors des scrutins électoraux comme ce fut le cas en 2013. La crainte est vivace que les électeurs puissent être gagnés par le désir de changement, la lassitude ! D’où, la nécessité de ce show citoyens, réglé comme du papier à musique : des chants entraînants, une retransmission en direct des échanges deux jours durant, des satisfecits des personnes présentes, des échanges interactifs et, clou du spectacle une conversion d’un ancien opposant en direct… Bref un parti vivant, un visuel attractif, jeune, riche de talents divers, ayant la fibre patriotique chevillée au corps : indéniablement le marketing du produit a été très soigné !
Les instances dirigeantes veulent montrer un nouveau visage du parti, dont l’image est fortement dégradée auprès d’une large partie de la population. À l’heure où le combat politique devient de plus en plus affuté, où l’opposition est de plus en plus prompte à se saisir des sujets de société, à truster les frustrations et les colères de la population pour surfer dessus ; le gouvernement semble décider à répliquer en remettant le mouvement politique en marche pour élargir la base de ses adhérents, de ses soutiens, pour en faire une force d’entraînement et de mobilisation permanente. Et, c’est d’autant plus urgent que, comme l’a indiqué avec un brin de sincérité, le secrétaire général Ilyas Moussa Dawaleh, le parti doit lutter contre une diaspora qui le malmène sur les réseaux sociaux. Humblement, il a appelé les militants, mais également les citoyens concernés par la préservation du pays, à les aider à combler leurs manques dans la réflexion, dans la perception des lacunes ou défaillances des politiques engagées, en ajoutant que lorsque l’on a la tête dans le guidon on a un peu de mal à évaluer de manière efficiente les bienfaits des actions entreprises. Il ajoute que le parti, est à la recherche de solutions locales et non importées. Il dresse le portrait d’un parti politique qui se veut, dorénavant, de proximité… Le parti a-t-il les moyens humains et financiers de ses ambitions conquérantes ? Le parti est-il réellement guidé par le désir de propager les valeurs de progrès et de bien-être au plus grand nombre ? On peut supputer qu’il va être difficile pour lui de mobiliser de nouvelles recrues sur la base du volontariat et du patriotisme uniquement ! Quoi que le challenge ne soit pas impossible à réaliser - l’opposition y parvient sans difficulté - à la condition qu’en toute chose et avant tout l’exemple vienne du haut… Est-ce possible ? C’est peu probable ! Mais bon, ne dit-on pas que, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir…
« Nous voulons faire de cette rencontre, le lieu de nos observations, de nos réflexions, pour en puiser les meilleures idées, celles qui créent le consensus entre nous, rendues sous forme de recommandations, puis que le gouvernement les mettent en exécution. C’est ce qui s’est passé l’an dernier, comme sur la mise en place de la ligue de la jeunesse ou d’autres propositions qui avaient fait l’objet de recommandations.
Aujourd’hui et demain, nous aurons à débattre sur des sujets d’intérêts communs, le premier de ces sujets est d’actualité : la place et le rôle de Djibouti dans un contexte de séismes régionaux, que nous observons ? […] Cet après midi la jeunesse du parti discutera d’un autre sujet d’intérêt, celui de son rôle dans la construction du pays, ou comment le parti peut-il contribuer à la construction d’une nation unifiée, démocratique, à travers notamment le civisme, la construction de la citoyenneté djiboutienne. [...] Il faut savoir que si dans les années à venir on ne se préoccupe pas de combattre énergiquement le fléau du communautarisme, du tribalisme, du clanisme, le pays ira droit contre le mur : ces divisions artificielles mettent en danger notre unité, notre stabilité.
Demain matin nous explorerons le rôle que le parti peut jouer dans le dialogue social. Comment les actions du gouvernement peuvent-elles être mieux vulgarisées ? Pour cela nous avons besoin de travailler, de réfléchir autour des questions liées à la justice sociale, l’équité, des services [rendus] à nos concitoyens ; évidemment ces analyses auront un impact positif sur le fonctionnement de notre pays, de notre parti. Notre parti doit avoir un rôle central pour métamorphoser la société, en devenant une sorte de courroie de transmission, entre l’exécutif et la population djiboutienne. Voilà grosso modo les thèmes sur lesquels nous allons discuter dans les jours à venir, également très attendu, comme l’an dernier, le président va dialoguer avec les participants de ces rencontres dans la seconde partie de demain. […] »
Enfin il a rendu un hommage appuyé au patriote et grand serviteur de l’État que fut « Barkat Gourad Hamadou, un homme politique, remarquable à plusieurs égards, a été de tous les combats de notre jeune République ».
L’opposition, l’Érythrée, le printemps arabe, le chemin de la démocratie…
Le Premier ministre, Abdoulkader Kamil Mohamed, a été désigné - après un tirage à la courte paille ? - pour dénoncer avec des mots forts les agissements de l’opposition et rappeler les raisons qui ont conduit à l’affrontement armé avec l’Érythrée. Il n’a pas manqué de pointer du doigt le président du Mouvement pour le renouveau démocratique (MRD), Daher Ahmed Farah, dont le parti aurait été interdit d’activité politiques pour trahison, et conspiration avec le président Isaias Afeworki, pour nuire à la souveraineté nationale… Nombreux jugent que la ficelle est grossière. Du reste, maintenant que le pays a enterré la hache de guerre avec Isaias Afeworki, peut-être est-il possible de solliciter l’Érythrée pour avoir le fin mot de cette étrange affaire ? Le Premier ministre a clairement indiqué qu’il ne fallait pas espérer attendre des changements importants, que le vent de liberté qui souffle en Éthiopie, ne passera pas la frontière. Cette voie serait hasardeuse et mènerait le pays à sa perte et à sa destruction. Il considère la sécurité comme la première des libertés. Il a souligné que de la même manière que notre nation a été préservée du printemps arabe, et de ces horribles atrocités, le gouvernement veillerait à ne pas reproduire sur notre sol les sinistres exemples de la Syrie ou de la Libye. Voilà l’opposition informée, voire alertée ! Pour terminer sur une touche positive il ne manque pas de rappeler l’esprit pacifiste qui anime les responsables du pays, qui auraient toujours œuvré pour faire de la Corne un havre de stabilité et accueillir de son mieux les populations meurtries et fragilisées par les conflits incessants. Bref le gouvernement tiendra le cap et ne reviendra pas sur ce cap…
« L’opposition virtuelle qui est sur internet, vous vous rappelez surement il y a quelques années, il y a eu le printemps arabe. C’était un printemps qui devait souffler sur les pays arabes, c’était la démocratie, et on nous a prédit à nous aussi, la République de Djibouti, […] ce chemin qui en réalité était un chemin de la destruction des États. Un chemin où, actuellement, les populations sont dans le desarroi. Prenons l’exemple de la Libye, un pays où s’est installé le terrorisme ; La Syrie, avec la culture arobo-musulmane inégalable… cette culture n’existe plus maintenant, détruite par la guerre. C’est ce qui nous a été prédit par nos opposants. […] Djibouti, avec un leadership clairvoyant, a dit non, à cette forme de démocratie, à cette forme de destruction, qui est notre camarade président, le chef de l’État, Ismail Omar Guelleh.
Mais ces opposants n’ont pas encore terminé. Maintenant ils reprennent un autre flambeau […] en vogue. La Corne de l’Afrique a vu un certain nombre de réalisations, ou plutôt un certain nombre de bouleversements politiques, notamment en Éthiopie, et ils ont dit que Djibouti ne doit pas rester en dehors. Et, ce qui est malheureux, je me rappelle à l’époque quand il y a eu le conflit en 2010 [en 2008, ndlr], certains mouvements ont demandé carrément au président Isaias Afeworki d’envahir le pays, envahir la République de Djibouti, pour les installer eux, au pouvoir. Ils ont dit qu’ils n’avaient jamais dit cela, maintenant les langues se délient, en lisant un petit peu ce qui est marqué sur les réseaux sociaux, ils disent carrément, c’est la République de Djibouti qui a provoqué l’Érythrée pour la guerre. C’est la République de Djibouti qui a eu tort d’engager la guerre contre l’Érythrée. Alors que nous, nous étions un pays qui était paisible, a contrario des problèmes régionaux à l’époque. Nous avons tout fait pour rester à l’écart de ces conflits. Malheureusement, cette guerre nous a été imposée et nous avons fait tout notre possible pour défendre l’intégrité de notre territoire. Je rappelle tout cela simplement … Je rappelle cela pour ceux qui étaient jeunes en 2010 [2008, ndlr], lorsque ce conflit a eu lieu […]. Même, il y a eu une réunion que l’on a appelé la Conférence de Sanaa, où le Yémen, l’Éthiopie et le Soudan avaient invité Djibouti à les rejoindre pour essayer d’envahir l’Érythrée, parce que ces trois pays étaient en conflit militaire avec l’Érythrée. Nous, nous n’étions pas encore en conflit et le président de la République a refusé d’aller à cette conférence pour la simple raison qu’il a dit être […] en bon terme avec l’Érythrée. […] Et malgré cela nous avons eu cette guerre.
Entamé un processus de paix avec ce pays voisin avec lequel nous n’avons jamais souhaité rentrer en conflit […] ».
Une diplomatie ni dans l’expectative ni dans l’émotion…
On peut penser qu’après avoir été vilipendé dans les réseaux sociaux pour ne pas avoir réagi suffisamment tôt en faveur de la paix avec l’Érythrée, le ministre des affaires étrangères, Mahmoud Ali Youssouf, a apprécié d’avoir pu s’expliquer enfin sur les ressorts de la diplomatie djiboutienne qui serait, contrairement aux informations diffusées, cohérente, selon lui. En rappelant que le chef d’orchestre de la diplomatie djiboutienne, est le chef de l’État, il a sans doute voulu justifier le communiqué peu diplomatique à l’endroit de la Somalie. Il s’est employé à rassurer la population échaudée par les bouleversements régionaux et efforcé de démontrer que le pays n’est pas isolé sur le plan diplomatique ; allant à exposer les contours de la politique extérieure, dont le fil conducteur serait la bonne entente avec le voisinage, en raison notamment d’intérêts en commun, d’une proximité géographique, culturelle, religieuse, voire économique. Et de rappeler que la région a été le théâtre de problèmes de sécurité générés par les différents conflits et la faiblesse structurelle de certains États et dont l’impact se fait ressentir à Djibouti en cas de crise importante dans la Corne. C’est la raison pour laquelle il insiste sur l’importance de préserver la quiétude et la stabilité du pays, car de celles-ci dépendraient aussi la sécurisation du détroit du Bad el Mandeb. Décodé, personne n’aurait à gagner à la déstabilisation de la République de Djibouti, alors que cette contrée a toujours œuvré pour appuyer les résolutions de conflits régionaux et les actions de la communauté internationale pour éradiquer les crimes de flibusteries, de terrorismes, ou encore de trafics humains… Le message en filigrane s’adresse sans doute au président décomplexé - pour ne pas dire désaxé - qui tweet plus vite que son ombre !
« Le secrétaire général l’a très bien expliqué tout à l’heure, c’est de la confrontation des idées que jaillit la lumière dit-on. Et je crois qu’aujourd’hui, nous nous trouvons dans cette enceinte, pas seulement comme militants du RPP, mais également comme citoyens de ce pays, qui veulent participer au débat national, au débat citoyen, au débat sur les thèmes qui sont importants pour l’avenir de ce pays pour la communauté de destin, d’abord entre les concitoyens, mais aussi avec les pays de la région. Je voudrais préciser quelques fondamentaux qui me semble évident, mais les rappeler est toujours bon.
La politique étrangère et la diplomatie sont du domaine réservé du chef de l’État, c’est le président de la République qui oriente, qui donne les grandes lignes et qui fixe les objectifs. Et c’est à partir de là que la diplomatie se met en marche, et quand je dis diplomatie, j’aime à le répéter, vous êtes, vous, citoyens djiboutiens, tous des diplomates de ce pays. Parce que par votre bon comportement, vos idées à l’étranger, par votre façon d’expliquer notre politique économique, sociale, de paix, vous contribuez à faire grandir la diplomatie djiboutienne, le mérite de ce succès, vous reviens [à vous], au président de la République, et revient à tous les diplomates […].
Maintenant concernant la dynamique qui est en train de ce mettre en place dans la région, on entend souvent dire que Djibouti a été isolée, que Djibouti n’est pas intégrée dans ce processus. Que Djibouti ne comprend pas la dynamique qui est en train de se mettre en place, et Djibouti etc. etc. On essaye de coller à notre pays, je dirais, des qualificatifs, des adjectifs qui ne sont pas les nôtres, parce que notre pays a toujours été un point d’ancrage de la paix. Parce que la paix a toujours été notre capital premier ! Parce que la paix, nous est imposé, de part notre position géostratégique. Vous connaissez pour certains cette poésie d’une grande philosophe arabe […]. Notre petit pays a cherché “à faire vivre par la paix et surtout à contribuer à la paix”[…].
D’abord l’axe principal de la politique étrangère de Djibouti est le bon voisinage. Parce que, si l’on n’a pas une politique de bon voisinage, il est difficile de parler de la paix interne même. Le secrétaire général disait tout à l’heure qu’il y a une communauté de destin entre les pays voisins et Djibouti. Ce qui se passe dans un pays voisin, si [l’incident] est grave, fait tâche d’huile sur Djibouti. Il y a quelques jours, il y avait des situations extrêmement difficiles dans un pays voisin, et nous avons tous dormi difficilement, parce que lorsque vous êtes sous une montagne vous ne souhaitez pas un tremblement de terre. Et, quand, il y a tremblement de terre, c’est les rochers qui tombent sur ceux qui sont en bas.
Et, donc, on a toujours voulu que les pays voisins aient une politique de paix et de stabilité, et surtout que Djibouti ait cette politique de bon voisinage. Politique de bon voisinage veut dire, non ingérence dans les affaires intérieures du pays, si ce n’est pour contribuer à la paix de ces pays voisins. […]
Que fait maintenant Djibouti pour la communauté internationale, parce que nous ne faisons pas uniquement la paix dans notre région, mais nous contribuons à la paix internationale. Lorsque nous avons accueilli les forces étrangères à Djibouti, on nous a accusé de ramener par la fenêtre le colonialisme. Ce qui était complètement erroné, et ne reflétait pas la réalité. Lorsque le terrorisme s’est installée dans notre région, il a fallu accepter d’accueillir la coalition internationale pour la paix dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, d’autres sont venus pour lutter contre la piraterie, on les a également accueillis ; d’autres sont là pour lutter contre le trafic humain, etc. C’est la contribution de notre pays à la paix globale. Je voudrais dire quelques mots sur Bad el Mandeb, qui est intiment lié à la paix dans la région et dans le monde. Le Bad el Mandeb, et son importance [qui découle] du canal de Suez. Vous le savez, sans le canal de Suez l’importance géostratégique du détroit du Bad el Mandeb n’est pas, je dirais, avérée. […] Le canal de suez a été crée, inauguré en 1869, et c’est grâce au canal de Suez que le détroit de Bad el Manded a son importance. Je fais mention de cette référence historique parce que la sécurité de la mer rouge, du Bab el Mandeb, du canal de Suez sont interliés : vous ne pouvez pas les séparer ! Ce qui touche directement les intérêts de l’Égypte et le canal de Suez, touche directement les intérêts du Yémen, de l’Érythrée et de Djibouti, et dans une plus large extension, de la communauté internationale. C’est la route maritime la plus fréquentée. Donc, quand on a une vision de la paix, à Djibouti, [pour] cette région, il faut avoir cette vision plus globale, d’une paix régionale, qui lie l’Égypte au détroit de Bad el Mandeb, le canal de Suez, au détroit de Bad el Mandeb, la corne de l’Afrique, à la péninsule Arabique, et plus globalement, la communauté internationale à cet ensemble qui est devenu, je crois, la courroie de transmission d’une paix globale ».
Consolidation de la citoyenneté et renforcement de la lutte contre la corruption
Amina Said Chireh, enseignante à l’université de Djibouti et présidente d’un institut de recherche indépendant, mais également membre du panel « paix et sécurité » des rencontres citoyennes, a interpellé le chef de l’État sur la nécessité de préserver la paix à Djibouti, mais également de contribuer à celle de la région, car cette stabilité régionale est essentielle pour nos objectifs, notamment la lutte contre la pauvreté qui impacte une frange importante de notre nation. « J’avais indiqué que notre pays n’a pas de ressources naturelles, mais que sa ressource était la paix et la côte qui passe devant nous et par laquelle transite un tiers des richesses du monde. Et, j’avais expliqué qu’il fallait que l’on prenne soin de cette paix, que l’on assure la sécurité chez nous et au grand large afin que les richesses mondiales puissent continuer à circuler et que l’on puisse continuer à profiter de ces richesses mondiales. Ça c’est fait, donc nous profitons des richesses qui passent au large, nous essayons de faire de notre mieux pour maintenir la paix, mais ce que je voudrais dire aujourd’hui, ici, pour compléter mes propos d’hier, est que pour faire perdurer cette paix, il faut combattre la pauvreté plus énergiquement. Il faut la combattre chez nous, parce que c’est le meilleur allié de la paix, et donc du développement ; mais il faut aussi la combattre dans la région. Dans notre pays, beaucoup de choses ont été faits depuis que vous êtes arrivé au pouvoir pour combattre la pauvreté, comme la stratégie de 2012 sur les filets sociaux […] La dernière en date, l’an dernier, la stratégie de solidarité a été mise en place. Mais il y a aussi une chose qui nuit à la paix et plus encore au développement, c’est la corruption. Je sais qu’il est difficile de lutter contre la corruption, car il est difficile de mettre un gendarme derrière chaque agent de l’État ; mais c’est une chose qui nuit beaucoup aux efforts que vous faites pour assurer le développement de ce pays et je voudrais vraiment insister sur ce point. Je sais qu’il y a une agence qui a été créée récemment pour combattre la corruption dans ce pays, mais je voudrais qu’il y ait davantage de contrôle et que vous fassiez tout ce que vous pouvez, et plus que, vous ne pouvez, pour combattre ce fléau qui nuit au développement du pays, qui nuit à la cohésion sociale, et qui nuit à notre avenir ».
Pour Ismaïl Omar Guelleh, la réponse est évidente, seule la citoyenneté peut extirper notre pays de ses différents maux. Il prône l’inculcation de ces valeurs, de cette culture au sein de la population, pour faire germer une nouvelle société animée par la préservation de l’intérêt général. Il demande à la population de prendre en main sa destinée. Il dit vouloir mettre chaque Djiboutien face à ses responsabilités. Il indique ainsi que, seul, il ne peut rien. Il déclare vouloir opérer un changement profond des habitudes dans l’administration et d’élever le niveau de rigueur dans la gestion des deniers publics pour bâtir une nouvelle espérance pour le pays. Il part du postulat que l’amour que tout à chacun porte à la patrie, à la nation, à notre demeure commune, est à même de guider chacun de nos actes pour améliorer l’existant et aller encore plus loin sur le chemin de notre développement. Ismaïl Omar Guelleh veut faire de la cohésion sociale l’une des priorités de sa politique pour éviter une fragmentation de la population. Il faut reconnaître que le discours est séduisant, accrocheur !
« Je tiens particulièrement à saluer madame Amina Said Chireh, pour l’organisation indépendante qu’elle a créée et qui consiste à émettre des avis qui permettent aux chercheurs de s’exprimer, qu’ils soient de notre pays ou de l’extérieur. C’est à l’honneur de notre pays ! Elle élève notre pays au même rang que les autres pays. Il ne faut pas que d’autre réfléchissent pour nous, nos cadres lorsqu’ils sont à même de donner une identité à notre culture, notre savoir, et d’ouvrir à nos jeunes la voie du savoir. Un autre juriste [faisait remarquer] que l’on a pas besoin d’être un haut cadre d’un parti pour accomplir son devoir de citoyen, de participer à tous les niveaux, à la consolidation de notre unité, à notre communauté de destin, et à notre politique de paix. Madame Amina a insisté sur la paix que cela soit à l’intérieur, ou à l’extérieur de nos frontières ; que Djibouti doit jouer un rôle pour consolider la paix régionale parce qu’en tant que pays maritime, nous avons besoin que les bateaux puissent s’arrêter et se sentir en sécurité dans notre pays et de participer au commerce international par là même occasion. Elle a ensuite parlé de la corruption : c’est un fléau qui commence tout petit et qui se termine dans le chaos et la destruction d’un pays. Mais le combattre est une immense lutte, arriver à l’éradiquer n’est pas si simple, mais il faut avoir la volonté. Nous avons la volonté ! Nous avons mis en place les instruments mais c’est la conscience des gens [qu’il faut travailler] au niveau des organisations politiques, des organisations caricatives, des organisations scolaires, que l’on doit lutter pour notre santé, notre avenir, notre développement, pour l’existence même de notre nation. Nous avons vu que des pays ont tout perdu à cause de cette corruption. Notre religion condamne toute corruption, c’est une chose connue, mais l’avidité fait que les gens ferment les yeux et participent […] Pourtant ne savent t-ils pas que Dieu les voit voler et duper les leurs ? Qu’ils s’accaparent le patrimoine commun pour leur usufruit personnel alors que ces deniers auraient pu permettre de servir au bien-être de la communauté toute entière.[...] ».
Beaucoup resteront médusés quant à la détermination d’Ismaïl Omar Guelleh de mettre les paroles en adéquation avec les actes ! Mais comment pourrait-il les convaincre ? Peut-être pourrions-nous lui suggérer de prendre le taureau par les cornes, en publiant au Journal Officiel pour donner l’exemple - mais surtout pour se conformer à la loi, comme stipulé dans son article 25 de la loi de 2013 - l’inventaire de « ses mobiliers et immobiliers sur le territoire national comme à l’étranger dont il est lui-même propriétaire ainsi que ceux appartenant à son conjoint »[[Loi du 16 juillet 2013 n°03/AN/13/7ème L].
Mahdi A. , photos Abou.