Human Village - information autrement
 
L’entreprenariat féminin doté d’un financement de 15 millions de dollars
par Mahdi A., juin 2018 (Human Village 33).
 

La Banque mondiale confirme son appui à l’entreprenariat féminin en accordant un prêt de 15 millions de dollars à la république de Djibouti pour permettre aux femmes de se lancer dans les affaires.
Selon une information de l’Agence Ecofin, « cet appui financier contribuera à la mise en œuvre du projet d’appui à l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes qui vise à aider plus de 2300 PME à accéder à des services de développement. Il permettra également de financer des programmes destinés à encourager environ 6 000 femmes et jeunes à se lancer dans l’entreprenariat, en offrant un accompagnement et des formations pour créer une PME ou y travailler, ainsi qu’à proposer des concours de business plan et des subventions ciblées. […]
Selon la Banque mondiale, Djibouti doit impérativement trouver de nouveaux secteurs de croissance et diversifier son économie pour maintenir son taux de croissance et créer des emplois. Ainsi, pour Asad Alam, directeur des opérations de la Banque mondiale pour l’Égypte, le Yémen et Djibouti, “la création de nouvelles opportunités économiques pour ces populations spécifiques permettra d’encourager l’innovation, de stimuler la création d’emplois et d’améliorer les conditions de vie de l’ensemble des habitants de Djibouti”. Un point de vue que partage le ministre de l’Économie et des Finances de Djibouti, en charge de l’Industrie, Ilyas Moussa qui estime que “la majorité de notre population a moins de 35 ans. Si ces jeunes bénéficient d’opportunités adaptées, ils peuvent être un moteur de croissance et de transformation” » [1].

Cette annonce de la Banque mondiale intervient à la suite d’une première expérimentation réalisée en février 2015 à Djibouti, durant laquelle une jeune femme, sélectionnée à la suite d’un concours, avait pu bénéficier d’un soutien financier, ainsi que d’un accompagnement d’une des dix meilleures écoles de commerce au monde, pour mener à terme son projet. Ce ballon d’essai n’était donc que les prémices d’un projet beaucoup plus ambitieux puisque l’enveloppe globale a été multipliée par 150 et que le nombre de bénéficiaires pourrait atteindre près de 2300 petites entreprises et impacter 6000 femmes. Cela en fait le plus important projet en faveur de l’entreprenariat formel féminin de l’histoire de notre pays.
Noura Abdi, experte en résilience, expliquait les buts et les tenants du premier ballon d’essai de la Banque mondiale en 2015, lorsqu’un concours à l’intention des femmes récompensait un projet novateur en le dotant entre 30 000 et 100 000 dollars US. « Ce projet initié par la Banque mondiale a pour but de soutenir un projet de femme entrepreneure dans sa création d’entreprise grâce à un soutien financier devant servir de déclencheur au démarrage effective du projet. In fine, à travers ce projet exclusivement dédié à la gent féminine, la Banque mondiale veut agir en faveur de l’emploi et l’autonomisation financière des femmes. Elle souhaite que ce projet puisse encourager les femmes à se lancer dans le secteur privé ». En outre elle soulignait l’urgence de créer des emplois dans la région Moyen-Orient et Afrique du nord (MENA). « Cette région Moyen-Orient et l’Afrique du Nord préoccupe énormément la Banque mondiale, c’est la région au monde où les femmes sont le moins insérées dans le milieu professionnel. La moyenne régionale est de 22%, alors que dans le reste du monde elle se situe autour de 65% ». Elle avait également révélé qu’à Djibouti « le taux d’occupation des femmes est de 36%, il est le plus élevé de la région MENA, a-t-elle indiqué, mais la Banque mondiale n’en tient pas compte dans ses statistiques puisque ces femmes sont cantonnées dans l’informel acculées dans la précarité par leur activité formelle, et où elles sont contraintes de fuir les contrôles fiscaux. Par ailleurs l’absence d’accès aux crédits ne leur permet pas de faire évoluer leur entreprise faute de trésorerie ».

Maintenant comment s’assurer que ces prêts iront véritablement aux destinataires finaux… sans interférences quelconque ?
Les expériences passées ne plaident pas en faveur de la confiance dans le Fonds de développement économique de Djibouti (FDED). L’audit réalisé par la Cour des comptes et de discipline budgétaire l’an passé est accablant. Il dépeint un environnement ahurissant, qui fonctionnerait en roue libre, sans contrôle efficace, puisque une partie de ceux là mêmes qui sont censés assurer la surveillance, les membres du Conseil d’administration, - auraient été compromis par l’attribution de prêts. Le rapport révèle l’existence de nombreuses turpitudes : des prêts accordés sur la base de dossiers vides, pas regardant sur la solvabilité, la pertinence du projet, aucune cohérence entre le montant attribué et le projet projeté… La banque n’aurait pas été regardante non plus sur l’usage de l’argent qu’elle prête. Le rapport fait état de prêts attribués puis détournés pour d’autres fins. Sont aussi cités l’absence de contrôle dans l’attribution des prêts, des crédits complaisants, le désordre flagrant dans la gestion (il arrive qu’un chauffeur et une secrétaire signent des conventions de prêts en lieu et place de l’aval du conseil d’administration en petit comité de trois ou quatre personnes), de parlementaires emprunteurs pour l’acquisition de véhicules d’apparat alors que ce n’est pas la vocation de l’organisme, ou encore de prêts accordés à des personnalités politiques dont des élus nationaux qui ne les ont jamais remboursés.

Rien de très nouveau sous nos cieux. Les Djiboutiens sont habitués aux scandales financiers en tous genres concernant les fonds publics. Pour autant, ne faut-il pas que l’on s’interroge/mobilise en tant que citoyen afin de trouver des solutions pérennes pour faire en sorte que ces malversations puissent enfin cesser ou en tout cas en réduire l’envergure des détournements si l’on souhaite que les choses s’améliorent dans notre petit pays, et que la croissance puisse profiter au plus grand nombre ? Pour cela bien évidemment il faudrait que l’on cesse de baisser les bras, et de s’en remettre à Dieu… Comment peut-on s’assurer que ces quinze millions de dollars puissent réellement bénéficiers à ses ayants droits ? Ce questionnement nous concerne d’autant plus que, nous, citoyens, sommes comptables des défaillances dans les remboursements, le risque est collectif.
De plus, comment prévenir les interventions politiques - voire les abus -, puisque, comme le signale la Cour des comptes, elles seraient à l’origine des plus grands fiascos de l’institution dont notamment le plus important encours à une entreprise industrielle de pâtes alimentaires, qui s’élève à pas loin de cinq millions de dollars, - au montage financier rocambolesque - n’a jamais été remboursé.

La Cour des comptes et disciplines budgétaires... instance de contrôle fiable, crédible, et indépendante ?
Comment ne pas être étonné de ne pas voir les conclusions de cet audit sur le Fonds de développement économique de Djibouti (FDED) dans le rapport annuel de la Cour des comptes et disciplines budgétaires présenté le 16 mai 2018 au chef de l’Etat, par la présidente Ismahan Mahamoud Ibrahim [2]. Pourquoi a-t-il été décidé de l’expurger de ce scandale bancaire ?
Il est regrettable qu’une réflexion approfondie sur les nombreuses défaillances constatées ait été enterrée, alors que pourtant le contrôle mené pour évaluer les sommes dilapidées et chiffrer le préjudice n’a été que sommaire et que les pertes colossales n’ont pas été déclarées précisément.

Pour soutenir certains projets prometteurs dont les porteurs seraient démunis, l’État a décidé de se doter d’un Fonds de garantie partielle des crédits de Djibouti [3] et dont le directeur a été récemment nommé en Conseil des ministres, M. Aouad Ahmed Aouad Mouti [4]. C’était une exigence des bailleurs cependant n’y a t-il pas le risque d’aggraver les conséquences patente d’une mauvaise gestion avérée si ce dispositif est soumis aux mêmes pressions politiques ou défaillances constatées ? Le fait que le rapport de la Cour des comptes ait été glissé sous le tapis n’augure rien de bon pour un changement de gouvernance malheureusement... D’autant plus que le FDED a été de nombreuse fois audité, sans aucune incidence sur sa gestion.
Plus grave encore, ce que révèle cette auto censure sur le fonctionnement de la Cour des comptes et disciplines budgétaires, n’a rien de très reluisant...
A défaut d’instance de contrôle fiable, crédible, et indépendante ou d’une véritable volonté politique de tourner la page de ces moeurs dorénavant endémiques qui in fine appauvrissent la population, on peut au choix soit, se croiser les doigts en regardant la caravane passée, ou bien s’en remettre à Dieu pour les croyants et espérer ces quinze millions de dollars de la Banque mondiale bénéficieront à des femmes qui aspirent à fonder leurs entreprises, améliorer leurs quotidiens et ceux de leurs enfants sans interférences, ou encore se décider à demander des comptes à ceux qui sont supposés être nos serviteurs… en théorie !

Mahdi A.


 
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