Human Village - information autrement
 
Un citoyen lance un appel pour lutter contre les décharges sauvages
par Mahdi A., décembre 2017 (Human Village 31).
 

Mohamed Hussein Salem est un retraité actif de soixante-cinq ans, père de huit enfants et heureux grand-père de dix-sept petits enfants. Il a fait toute sa carrière en qualité de comptable à la direction financière de la compagnie pétrolière Shell. Pour améliorer le quotidien de sa famille, il a ouvert un restaurant en 1992, dénommé Saba, situé au plateau du Serpent.
Durant de nombreuses années il cumulait les deux casquettes, jusqu’à sa retraite ; dorénavant il se consacre uniquement à ce métier de restaurateur. Il nous explique ressentir le besoin de travailler car c’est important pour son mental de rester occupé, il pense même que c’est la cause principale de son maintien en bonne santé. C’est ainsi qu’il poursuit son labeur quotidien alors que rien ne l’oblige à se lever tous les matins aux aurores pour assurer le service des trois repas. Ses enfants ont tous quitté le giron familial depuis longtemps, et seraient professionnellement établis. Il nous dit sa fierté de ce dernier point : ses efforts pour leur assurer les meilleurs études universitaires en Europe ont été payants. Pour sa part, étant propriétaire de son logement, sa retraite suffit amplement aux besoins de son foyer. Avec son épouse, ils épargnent l’intégralité des revenus tirés de ce commerce pour pouvoir léguer quelque chose à leurs enfants, ne sachant pas de quoi demain sera fait.
Mohamed Hussein Salem est une belle âme, une personne dont la morale et le grand cœur, nous font dire que c’est une rencontre heureuse qui nous a permis d’échanger avec lui sur son métier mais aussi sur des turpitudes qui lui ont fait perdre le sommeil ainsi que la sérénité.

A l’écoute de sa mésaventure nous avons été touché par son désarroi. Il nous dit ne plus savoir à qui s’adresser. Quelle est l’origine de sa détresse ? Il est propriétaire d’un logement à Gachamaleh, situé au niveau du feu rouge, entre le croisement du boulevard Hassan Gouled Aptidon et l’avenue Nasser, face au marché de Ryad. Son désespoir se lit sur son visage lorsqu’il nous dit ne plus pouvoir supporter que le pas de sa porte soit devenu la décharge à ordures du quartier depuis une dizaine de mois. Il a entamé des démarches administratives, contacté les services concernés, mais rien n’y fait. Il est allé jusqu’à exprimer sa lassitude sur les réseaux sociaux, accompagnant ses commentaires de photos des amoncellements de détritus, dans l’espoir de faire réagir, de susciter des services municipaux une action pour remédier à ce qui est de fait une « décharge municipale sauvage » tolérée. Sa démarche reste sans succès !
Plus grave, il ne comprend pas que ces immondices, pourtant visibles depuis la route, ne choque personne alors que le dépôt se situe pourtant sur l’une des principales artères de la ville. Il se demande pourquoi, au delà des odeurs, l’esthétique de notre capitale n’interpelle personne…
« Tous les jours, l’odeur nauséabonde émanant de ces poubelles déversées par mes voisins envahit ma maison. C’est un moment quotidien qui m’est insupportable, dès que je pose le pied à l’extérieur de mon domicile ; nous en sommes arrivés avec mon épouse à avoir honte de recevoir dans notre maison, que cela soit des amis ou même de la famille, sans compter,les risques liés à la santé de nos petits-enfants puisque des rongeurs en nombre ont envahi tous les recoins de notre foyer. Ce n’est pas un environnement sain, je n’ai jamais connu une telle invasion de nuisibles, que cela soit, mouches, moustiques, rats… Certains de mes petits-enfants sont en bas âge, peut-être serait-il plus prudent finalement de ne plus les recevoir ici et que mon épouse et moi les visitions plutôt chez eux !

Mettez-vous à notre place juste une minute : imaginez-vous vivre avec les vôtres à moins de deux mètres d’une décharge sauvage de déchets, où les chiens errants viennent fouiller les sacs et dispersent les ordures sur la chaussée, voire carrément devant votre domicile. Mais ce n’est pas tout, des chèvres viennent y paître hors de toute surveillance, c’est devenu leur mangeoire et elles laissent in fine une chaussée jonchée d’ordures de toutes sortes. Malgré mes efforts pour sensibiliser, la situation perdure. Cette situation ne semble choquer aucun de mes proches voisins, ils continuent à déverser leurs ordures devant chez moi. Cela ne devrait pourtant pas me surprendre il y a un tel manque de civisme dans ce pays que cela en devient effarant. Je pense tout de même qu’il faut quand même être un peu dérangé, voire être un grossier personnage, pour se comporter de la manière.

Mes malheurs ont débuté il y a un peu moins d’un an, des femmes de ménages et des gardiens du quartier ont commencé à jeter des ordures devant ma porte, sur le bord de la route. Cela a formé un petit tas tous les jours - et peut être aurais-je dû agir à ce moment là -, puis les habitants du quartier se sont passés le mot car très rapidement le pas de ma porte a été obstrué par un dépôt sauvage d’ordures qui sert maintenant à toutes les habitations avoisinantes. Comment les autorités ont–elles pu laisser cet espace public se transformer en dépotoir ? Je ne me l’explique pas ! Ils ne peuvent l’ignorer, puisque depuis le ramassage des ordures se déroule devant ma porte tous les jours. Le camion benne qui par le passé entrait dans le quartier pour collecter les ordures paraît se satisfaire de la nouvelle situation, c’est presque une aubaine pour eux, un gain de temps important, n’ayant plus besoin de circuler dans le quartier pour collecter les ordures porte à porte. Pourtant les voies de circulation sont suffisantes pour que le camion benne puisse y circuler comme par le passé. Si la raison est vraiment celle-ci, pourquoi n’installent-ils pas une benne à ordure en face de la rue loin des habitations à proximité du marché Ryad comme c’est le cas par exemple pour la gestion de la collecte des ordures au niveau de l’avenue 26, où des collecteurs ont été installés à l’entrée du marché de quartier 6 ? », s’interroge sur un ton éploré Mohamed Hussein Salem.
Le message est clair, l’attente vis-à-vis de la maire Fatouma Awaleh Osman explicite. Elle avait proclamé durant sa campagne municipale avoir comme objectif de rendre à la capitale sa propreté et sa splendeur. Voilà l’occasion une occasion de contribuer à l’embellissement de la capitale et de ramener la joie de vivre dans un foyer.

Personne ne souhaiterait être confronté à une telle situation, c’est évident ! Mohamed Hussein déplore entre autres la putréfaction des aliments, comme les fruits, les légumes ou les restes de repas qui, sous les fortes températures de la saison estivale, se mettent à dégager des odeurs mélangées qui se répandent jusqu’à l’intérieur de son foyer, rendant l’air irrespirable, écœurant… Il veut que les pouvoirs publics reviennent aux anciennes pratiques et que les éboueurs aillent collecter les ordures devant les maisons des habitants où qu’une benne soit installée à Ryad à cet effet. Il appartient aux services de la ville de fixer les règles de propreté et de collecte des ordures ménagères et de faire sanctionner les récalcitrants, si c’est la seule mesure dissuasive, estime t-il. D’ailleurs existe t-il des lois contre les dépôts sauvages d’ordures ?
Il est à bout. Il nous avoue qu’il est un homme de paix et que c’est la raison pour laquelle il en est arrivé avec son épouse, pour éviter d’avoir un jour un geste incontrôlé ou une attitude très éloignée de ce qui le définit et des principes qui guident sa vie, à l’endroit des personnes qui déversent leurs ordures devant sa porte, à envisager de déménager de leur domicile qui a pourtant vu naître tous ses enfants, pour aller occuper une location ailleurs dans la capitale et échapper ainsi à ce qui mine le quotidien de son foyer. « Je veux vivre en paix avec mes voisins », et si pour cela, je dois quitter Gachamaleh, je le ferai », nous confie t-il, comme abattu par l’adversité.

Où en est la politique de santé publique face à la question des risques de ces déchets ?

Il devrait être interdit de déposer ses déchets ménagers sur la voie publique ou les caniveaux en dehors des conditions fixées par la voirie ou la municipalité. Il faut aussi reconnaître à Mohamed Hussein Salem, d’être doté d’une patience sans bornes, d’autant plus qu’il ne fait pas de doute que des situations similaires seraient susceptibles de déclencher des conflits entre voisins. Pour que ces incivilités cessent, il faudra évidemment l’implication de tous et surtout des responsables de la municipalité. Il faudrait faire comprendre que ces manquements à l’hygiène couplés à des problèmes d’assainissement, voire d’eaux de pluies stagnantes, représentent un grave danger pour la santé des habitants du quartier selon les alertes formulées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il faut savoir que ces eaux stagnantes mêlées aux détritus offrent des abris potentiels pour la propagation de vecteurs comme ceux de la diarrhée, de la fièvre, de la dengue, de la typhoïde, voire de la choléra, ou même de la diffusion du paludisme [1], transmissibles par les moustique, les tiques, les rongeurs ou d’autres organismes qui véhiculent des parasites d’un sujet à l’autre et représentent une menace pour la santé humaine.
L’eau de pluie combinée au pourrissement des restes alimentaires est à l’origine d’une sorte de compost explosif pour la santé humaine.

Il semblerait que la gestion des ordures ne soit pas prise au sérieuse, il s’agit pourtant de la santé des administrés. La ville pourrait demander aux habitants de stocker les ordures au lieu de les jeter sur la voie publique. Il faut oser le dire, notre capitale, en dehors des principales artères, est très sale. C’est à ces enjeux que la ville va devoir faire face en attaquant le problème à la racine, en établissant par exemple une réflexion globale sur la question, une sorte de livre blanc sur la récolte et la gestion des ordures urbaines si l’on souhaite venir à bout de ce défi sanitaire, environnemental mais également esthétique. D’ailleurs il ne faut pas jeter la pierre aux services municipaux, la responsabilité est collective. Comme le rappelle si sagement Mohamed Hussein Salem, cela serait surtout pour lui une question de civisme, de citoyenneté. Prendre soin de son environnement, ne pas jeter ses ordures, ses déchets d’arbres morts dans la chaussée ou de détritus sur la route depuis sa voiture, cela devrait-être le bon sens commun…

Mahdi A.


 
Commenter cet article
Les commentaires sont validés par le modérateur du site avant d'être publiés.
Les adresses courriel ne sont pas affichées.
 
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 
Ismail Omar Guelleh à la COP 27 en Égypte
 
Rencontre internationale sur les enjeux climatiques à Djibouti
 
Observation de la sous espèce indienne du percnoptère d’Égypte à Djibouti
 
| Flux RSS | Contacts | Crédits |