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Les meilleurs plats... se font dans les vieilles marmites
 

Parmi les entreprises prestataires de services qui relèvent des besoins essentiels en confort matériel et constituent un secteur plus que stratégique pour l’économie d’un pays, Human Village a souhaité fixer son zoom sur l’une d’entre elles, qui exerce ses compétences dans le domaine de l’énergie.
Celle-ci vient de célébrer sa cinquantième année d’existence sous son nom de baptême : Électricité de Djibouti (EDD). A l’occasion de cet événement qui témoigne du parcours de cette grande entreprise, dont l’histoire et l’évolution technologique a tant marquées le cheminement de notre jeune nation, nous avons souhaité porter un regard sur le passé récent, sans rien ignorer de ses soubresauts, ni de ses succès, mais également mettre en exergue la révolution énergétique que s’apprête à relever l’EDD de demain ! Les défis à relever ainsi que l’ambition affichée pouvaient sembler au départ démesurés, voire incroyables de part l’ampleur des moyens nécessaires à mobiliser ; mais devant les réalisations effectuées, le travail abattu, le professionnalisme et l’exigence du personnel affecté aux nombreux projets en cours, on ne peut qu’être à la fois que séduit et agréablement surpris par la capacité à pouvoir se réinventer, à pouvoir se relever, et ce quelque soit les embûches et les tourmentes que cette entreprise quinquagénaire, qui fait figure de « géant » dans le paysage économique national, a du traverser !
Tel qu’elle fonctionne actuellement, l’Electricité de Djibouti tient son organisation des règles juridiques instaurées dans le passé. Si depuis, bien du chemin a été parcouru et de multiples réalisations mises en place, il n’en demeure pas moins que son esprit s’inscrit dans la droite ligne des principes formulés par le législateur de l’époque. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore elle est chargée de l’exploitation des services énergétiques que sont la production, le transport et la distribution de l’électricité.
L’Électricité de Djibouti emploie du personnel qualifié, autant que possible djiboutien. Outre la formation sur site du personnel en activité, effectuée régulièrement par l’encadrement dans le suivi des travaux quotidiens des différents sites, ou de façon plus spécialisée par les équipes de montages et de mise en service lors des installations nouvelles, des stages de formation à l’extérieur sont dispensés à mesure des opportunités soit chez les constructeurs selon leurs contrats, soit dans des centres spécialisés.
Si Électricité de Djibouti a vu le jour le 21 janvier de l’année 1960 sous la forme d’un « établissement public territorial doté de la personnalité morale avec autonomie financière », bien avant cette date Djibouti était éclairée ! Avant qu’Électricité de Djibouti ne commence ses activités, un certain nombre de grandes dates avaient déjà rythmé la progression de Djibouti vers la maîtrise de l’électricité. Il faut en effet, remonter au début du siècle, en 1921 précisément, pour voir les premiers éclairages des axes principaux de la ville alimentée par une usine privée appartenant à monsieur Repicci, précurseur de l’électricité à Djibouti.
Par la suite, pendant une vingtaine d’années, la gestion et l’exploitation de l’usine, nationalisée en 1939, sont confiées à une régie administrée par les services des travaux publics du territoire d’alors appelé « Côte française des Somalis ». Presque au même moment, une mini centrale contiguë au port de Djibouti voit le jour en 1949, elle ne fonctionnera que cinq ans, incapable de pouvoir répondre aux besoins croissants. Une seconde centrale est mise en place, non loin de là, celle du Marabout, réellement opérationnelle en 1954. Cette dernière équipée de sept groupes électrogènes d’une puissance totale de 24 Mw a été malheureusement fortement endommagée après le séisme de 1973. Comme elle se révélait par ailleurs inextensible, il a été décidé par les autorités de l’époque de construire une centrale de production électrique en dehors du site du port de Djibouti, à Boulaos : elle est inaugurée en 1976.

Cette dernière a été conçue, dans un premier temps, pour recevoir dans ses installations un premier lot de six groupes électrogènes mais également permettre l’extension du site, le cas échéant.
Depuis cette date, les mises en services de nouvelles installations n’ont cessé, à un rythme qui avait pour ambition de ne jamais se laisser dépasser par l’expansion urbaine en perspective.
C’est ainsi qu’ont successivement vu le jour, les extensions du 7e appareil en juin 1980 puis du 8e en 1982 pour atteindre une capacité maximale de 30Mw. Si l’avancement électrique suit son court dans la capitale, Électricité de Djibouti n’a pas laissé en marge de ce processus les différentes régions de l’intérieur. Celles-ci ont été tour à tour dotées de petites unités de production électrique.
En 1980 la ville de Tadjourah s’est ainsi vue alimenter par une unité de 1520kw ; Dikhil de 1720 kw, et en sus d’un groupe de 500kw de secours, à charge pour elle, à travers un relais, d’approvisionner également la ville d’Ali Sabieh.
En dépit de ces réalisations, l’Electricité de Djibouti a été confrontée à des difficultés mineures dès le début des années 80. Ces légers dysfonctionnements ont résulté d’un déséquilibre provoqué d’une part par une demande en force progression dans un État naissant et d’autre part par une capacité de livraison d’alors insuffisante. La nécessité d’investir massivement dans ses infrastructures s’est imposée à Électricité de Djibouti et l’a conduit, en toute logique prévisionnelle, a doubler sa capacité de production au cours des cinq années suivantes. Ainsi le parc électrique de Boualos d’une puissance de 30Mw, a vu sa capacité de production s’étendre avec l’acquisition de deux nouveaux groupes électriques de 15Mw chacun et la construction d’un poste de transformation de 6300 volts servant de débit à ces derniers. A ces nouvelles postes, qui ont d’ailleurs constitué la phase Boulaos II, s’est également ajoutée une seconde extension, de deux groupes chacun de 5Mw, entre 1988 et 1989.

Après cette remarquable période de croissance des années ’70 et ’80, qui correspond un peu à ce que l’on pourrait nommer « le miracle électrique », les années ’90, furent paradoxalement, celles des années sombres d’Électricité de Djibouti.
De graves dysfonctionnements tant techniques que financiers furent le lot quotidien de l’entreprise, ayant pour fâcheuse conséquence de provoquer des délestages tournants. « De plus, avec l’accroissement de la population dans la capitale, nous explique le directeur général de l’EDD, monsieur Djama Ali Guelleh, et la floraison de petites unités, la demande devient de plus en plus forte, elle croît de presque 3% par an, alors que la capacité opérationnelle, elle ne suit pas malheureusement la même courbe. Le déficit d’énergie électrique est par conséquent de plus en plus criant ». Pour l’heure les besoins chiffrés en énergie de la capitale dépassent de 10 mégawatts la demande en période estivale : la capacité livrable est de 47 mégawatts sur un total de 12 groupes, et les besoins, eux, se montent à 57 mégawatts. Électricité de Djibouti dispose de 12 groupes actuellement opérationnels dans la capitale, disséminés entre le site de Boulaos et celui du Marabout. La véritable difficulté d’Électricité de Djibouti réside dans le fait qu’elle ne dispose pas de groupes de réserve, qui lui permettraient de compenser les éventuelles pannes qui peuvent naturellement survenir à tout moment, lorsqu’il s’agit de mécanique. On pourrait donc se demander pourquoi Électricité de Djibouti n’a-t-elle pas pensé à procéder au renforcement de sa capacité énergétique ?
« Pour cela il faudrait que tous les Djiboutiens s’acquittent de leurs factures d’électricité tout d’abord, estime Djama Ali Guelleh, et que les trop nombreuses fraudes puissent enfin cesser. Cela relèverait considérablement notre chiffre d’affaire, ce qui par là même, au final, nous permettrait de disposer de plus de moyens pour investir dans l’augmentation en kilowatts de notre parc électrique ». Pour avoir une idée chiffrée du manque à gagner, les pertes financières dues uniquement à la fraude énergétique représentent en 2007, 2034 millions en Fdj.
Il n’en demeure pas moins vrai que malgré les nombreux efforts consentis et une volonté farouche de l’ensemble du personnel d’Électricité de Djibouti d’y remédier, l’outil de production peine toujours à répondre aux besoins de plus en plus importants de la capitale, Djibouti. C’est un peu comme si la distribution de l’énergie électrique du pays avançait le frein à main tiré tout en appuyant sur la pédale d’accélérateur. Les raisons de cette inadéquation entre l’offre et la demande sont multiples : des moyens de production vétustes, des difficultés financières nombreuses, d’ailleurs celles-ci sont dues autant à la hausse vertigineuse du cours du pétrole qu’à de trop nombreux impayés et à des fraudes. Et ce malgré l’abnégation et l’amour du travail bien fait du personnel d’Électricité de Djibouti, qui travaille, pour la plupart sans compter, et ce au plus près des machines de production dans des conditions climatiques extrême et de pénibilité invraisemblables. Ces derniers, selon encore Djama Ali Guelleh « sont rappelés dès qu’une avarie se produit, quelque soit l’heure à laquelle celle-ci intervient, et s’affairent toujours avec diligence sur les machines défectueuses afin de diagnostiquer l’origine de la panne et d’ y opérer les réparations utiles. Leur dévouement et leur conscience professionnelle ne sont plus à démontrer, je tiens ici à leur témoigner à tous, toute ma considération, toute mon estime, et toute ma fierté de les compter comme agents d’Électricité de Djibouti. Sans leur soutien, sans leur encouragement, sans leur foi en l’entreprise, je ne pense pas qu’Electricité de Djibouti aurait pu se relever des nombreuses difficultés que nous avons rencontrées ces deux dernières décennies. Un grand merci à eux. Ce sont en quelques sortes les héros invisibles de nos conforts domestiques ».

Des échanges, il ressort que les perspectives sont bonnes pour qu’à l’avenir Djibouti, dispose de l’énergie électrique nécessaire à son développement économique. Conscient qu’il ne sera pas possible d’atteindre nos objectifs de développement économique et social si l’équation « électricité » restait irrésolue, Électricité de Djibouti a signé un certain nombre d’accords de coopération et de conventions de financement de projets en matière d’énergie renouvelable, pour remédier à notre très forte dépendance à l’énergie à base du fuel qui constitue la principale entrave à notre développement. L’interconnexion avec l’Éthiopie est bien entendu le fer de lance de cette nouvelle stratégie énergétique. Plus qu’un projet d’interconnexion énergétique, c’est un véritable levier de croissance pour notre pays, il a également le mérite de s’inscrire en bonne intelligence avec notre environnement, puisqu’il donne la part belle aux énergies renouvelables.
Dirieh Hassan Ali

Bibliographie
 Dubois (Colette), « L’électrification du territoire djiboutien 1906-1977. Des réalisations tardives mais des projets audacieux », Sciences et environnement, Djibouti, n° 13, Revue de l’ISERST, 2001
 Dubois (Colette), « Cendrillon oubliée par la "Fée électricité" : Djibouti 1906-1977 », Outre-Mers, vol. 89, 1er semestre, 2002, p. 105-123

 
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