Dans la foulée de la COP22 au Maroc, s’est tenue hier soir - lundi 5 décembre - une exposition, conjuguée à la projection d’un film, pour faire prendre conscience qu’il n’est pas encore trop tard pour agir pour la biodiversité. Au total, une vingtaine de clichés grand format époustouflants sont présentées au centre culturel français. A travers ce concours, qui a été organisé par l’institut français de Djibouti (IFD) en collaboration avec l’ambassade de France et l’Agence française de développement (AFD), les initiateurs ont souhaité faire passer un message, en interpellant la jeunesse. Ils veulent lui dire qu’elle a un rôle essentiel à jouer dans l’évolution de notre société, particulièrement en matière d’environnement. C’est ainsi à l’aide d’un concours photos sur les valeurs associées à l’écologie qu’ils veulent sensibiliser de manière ludique, impliquer les jeunes dans la protection de l’environnement, tout en expliquant qu’il y a quelque chose de sérieux derrière afin de provoquer des réflexes qui favorisent un comportement responsable vis-à-vis de l’environnement.
Nous avons rencontré Mohamed Abdillahi Omar, un des trois lauréats ex-æquo de ce concours, qui nous parle de ce qui l’a poussé à agir pour l’environnement : « J’ai postulé au concours de l’IFAR [1] à l’occasion de l’anniversaire de la COP21 à Paris. Je voulais montrer la rareté de l’eau dans notre pays. C’est quand même un comble, à l’aube du XXIe siècle, de faire le constat de ne pas avoir de l’eau potable pour tous ! Sur une de mes photos, on aperçoit deux personnes qui profitent d’une averse récente pour se laver et retrouver un peu de dignité, de réconfort. La scène se déroule tout près d’ici, dans l’oued d’Ambouli. Ils se lavent au vu de tous, sans doute la raison pour laquelle ils sont obligés de garder leurs sous-vêtements sur eux. Il était important pour moi de montrer la réalité djiboutienne, ce qu’est la vie à Djibouti sans filtre. Il n’est pas facile de trouver de l’eau partout à Djibouti. Ces moments immortalisés doivent nous faire réagir, nous donner comme une sorte de coup de marteau sur la tête afin de nous réveiller comme dirait Kafka. Ils doivent nous amener à nous interroger sur comment mieux préserver l’eau, comment moins la gaspiller… Je ne sais pas si mes photos “parlent” suffisamment pour amener à réfléchir sur cette thématique de l’eau mais c’est l’idée que je poursuivais en prenant mes clichés ».
L’IFAR, c’est le seul véritable lieu de culture dans notre pays
Et Mohamed explique : « La photo c’est une forme d’expression pour moi, il n’y a pas beaucoup de photographes djiboutiens. C’est dommage ! A Djibouti il n’y a pas de maisons de production musicale, cinématographique, théâtrale c’est vraiment un désert culturel. C’est comme si nous étions les mains et les pieds liés… rien n’est conçu pour nous les jeunes. Heureusement, il y a l’IFAR. Je me passionne pour la musique et j’ai trouvé ici un lieu pour m’épanouir. J’ai fait ici en 2003 mon premier concert avec mon groupe de musique. Il faut dire que cela a été un tel succès que l’on a du jouer ici pas moins d’une centaine de fois en un peu plus de dix ans. Maintenant j’ai arrêté la musique, n’empêche je dois quand même dire que c’est un peu triste que l’IFAR soit le seul véritable lieu de culture dans notre pays, pour réaliser sa passion. C’est aussi le seul cinéma, la seule bibliothèque digne de ce nom ! L’Institut culturel français fait beaucoup pour la jeunesse djiboutienne. Je tiens à les en remercier : l’IFAR c’est le seul lieu où l’artiste, le curieux peut se sentir un peu spécial, où l’amoureux des livres, de la culture, de l’échange peut se sentir un peu comme chez lui, où il peut se sentir s’élever, grandir mais également soutenu dans ses projets ».
Une sélection qui reflète superbement la beauté de Djibouti qu’il est essentiel de préserver
Déambulant, un œil curieux sur les nombreux clichés exposés, nous avons fait la connaissance du directeur de l’IFD, Louis Estienne. Il est fraîchement arrivé sur nos côtes, juste une petite semaine, pour autant il n’en montre rien, on dirait que le sujet l’habite et qu’il habite les murs de l’IFD depuis toujours. Au fourneau donc, il nous explique d’une voix assurée les objectifs de cette soirée dédiée à l’environnement : « L’exposition photos qui se tient à l’IFD a pour objectif après la COP21 et quelques semaines après la COP22, de mettre l’accent sur l’importance des débats autour du climat et les modifications climatiques. Au moment où je vous parle, le film Demain (de Cyril Dion et Mélanie Laurent, 2015, 1h55) est projeté dans la salle de cinéma. Il traite également de ces questions essentielles. Notre objectif est évidemment de sensibiliser les jeunes sur les questions environnementales et montrer que cela peut avoir un impact également à Djibouti. Ce n’est pas tout, nous organisons mercredi 7 décembre un grand débat sur cette même thématique en partenariat avec l’université de Djibouti. De nombreux enseignants viendront nourrir les échanges et répondront aux interrogations, que cela soit sur la préservation des lagunes, de l’eau, du réchauffement climatique… Nous espérons que le public sera nombreux au rendez-vous. Nous avons lancé une invitation à tous les lycées de Djibouti-ville à venir assister à cette rencontre importante.
On a été agréablement surpris par l’engouement, les Djiboutiens se sont pris au jeu, et ils ont été très nombreux à participer au concours. Il n’a pas été possible de tous les exposer, pour la raison que souvent les photos avaient été prises avec des mobiles qui n’avaient pas une très haute définition. Peut-être que l’an prochain il faudra que l’on travaille sur du matériel à donner ou à prêter afin que l’on puisse avoir des propositions plus large. C’est effectivement une grande satisfaction pour nous ce succès de l’événement. Comme vous pouvez le constater, ce soir l’affluence très forte, pas loin de deux cents djiboutiens ont répondu favorablement à notre invitation pour voir les œuvres des jeunes artistes mais également pour visionner le film Demain en cours de projections ».
Djibouti, bientôt 40 ans !
Louis Estienne ajoute : « Les trois primés ex-æquo se sont vus décernés chacun:un ouvrage de photos sur Djibouti, des dictionnaires et un abonnement d’un an à l’IFD. Quant aux vingt et un exposants, ils ont tous reçus des dictionnaires de français ainsi qu’une inscription d’un an à la médiathèque mais également à Culture tech, la grande médiathèque francophone numérique, offrant un accès illimité à des livres, magazines, des quotidiens, et enfin à une revue de presse francophone large et diversifiée. Nous allons bien évidemment renouveler cette expérience, continuer à travailler sur le climat, avec toujours cette recherche de la meilleure manière d’impliquer/d’associer les jeunes afin de les amener à mieux cerner par eux mêmes les défis environnementaux d’aujourd’hui. Nous sommes en train de voir sur la programmation 2017, si l’on ne pourrait pas faire un point mensuel, autour des questions environnementales. Cela devrait s’appeler café environnement ou point environnement, le nom n’est pas encore arrêté mais ce n’est pas le plus important, ce qui compte c’est que la flamme soit entretenue, de poursuivre la sensibilisation sur la protection de l’environnement et d’encourager les initiatives en faveur de cette cause. Enfin sur la photo et l’image nous allons continuer à développer ces outils, notamment en mettant l’accent sur l’exploitation des archives de la télévision française autour des célébrations à venir du quarantième anniversaire de l’indépendance de la République de Djibouti. Il faut savoir que cet événement est très très important pour nous, c’est la raison pour laquelle nous réfléchissons à faire quelque chose avec les archives de l’INA, à tenir des conférences/débats ou enfin des expositions de photos inédites… Nous souhaitons vraiment réaliser un grand moment partagé là dessus ».
Cette initiative de l’Institut français a permis de toucher autrement un large public djiboutien sur des questions trop souvent oubliées, et d’influencer les perceptions et attitudes des jeunes à l’égard de l’environnement. Il semblerait à voir l’affluence que le pari a été gagné… Cet engouement pour la thématique de la soirée se traduira-il par des actes citoyens pour la préservation de l’environnement ? Le temps nous le dira !
Au vu du succès de la soirée ne devrait-on pas surfer sur l’engouement évident, pour démultiplier ce type d’initiative peu couteuse et originale sur l’ensemble du territoire afin de sensibiliser à la biodiversité nos jeunes à travers le même scénario pédagogique et interactif ? On pourrait aller plus loin, en y associant les enseignants, avec l’appui de la direction de l’environnement par exemple. A terme l’idée serait d’amener les élèves à se questionner, à poser une réflexion, des hypothèses, et de vérifier si leur hypothèse environnementale était la bonne. L’objectif étant de toute manière d’amener les jeunes à être responsables, plus respectueux envers les générations futures… A l’IFD, chapeau bas donc !
Mahdi A.
[1] Acronyme de l’Institut français Arthur Rimbaud, ancien nom de l’IFD.