La Banque de développement de la Chine (CDB) débarque à Djibouti. Une importante délégation composée d’une dizaine de responsables de la CDB, conduite par Yuan Li, vice-président de la banque, va séjourner du 2 au 4 juillet 2015 en République de Djibouti.
Cette mission de haut niveau vient apprécier de visu les différents projets que compte développer à Djibouti le groupe Touchroad afin d’apporter les financements nécessaires à la réalisation de ces derniers. Il faut savoir que l’accord de financement a été validé il y a près d’un mois, mais étant donné l’importance des sommes qui y seront investis par la CDB - il est question de plusieurs milliards de dollars - la direction de la banque de Développement souhaitait s’assurer de l’importance accordée par les autorités nationales à ces projets de développement.
La Banque de développement chinoise est très impliquée sur le continent africain. En 2013, elle avait déjà engagé près de 18,9 milliards de dollars dans de nombreux projets de développement en Afrique. Avec ses réserves de changes extraordinaires (4000 milliards) et sa croissance économique toujours soutenue, la Chine cherche à diversifier ses investissements ailleurs que dans les bons du Trésor américain dont la rentabilité laisse à désirer par rapport aux taux de retour sur investissement qu’offre le continent africain.
Il faut considérer les investissements chinois sur le continent dans le cadre d’une stratégie à longue vue. Ce pays est en effet confronté au ralentissement de sa croissance, qui va s’établir à 7% cette année soit son plus bas niveau depuis un quart de siècle ; l’an dernier elle était de 7,4 %. Les indicateurs restent moroses et la conjoncture continue à s’assombrir du fait d’un net recul des exportations et d’un marché intérieur qui stagne. C’est à l’aune de cette réalité qu’il faut voir les investissements chinois. La Chine a un besoin vital de tirer sa croissance vers le haut, et de sortir de cette spirale baissière. Ce ne sont pas les moyens qui lui font défaut. D’où, le projet titanesque du président chinois Xi Jinping qui souhaite créer des opportunités d’investissement sur la renaissance de la Route de la soie. Sur ce tracé très imagé de 6500 kilomètres jusqu’à Venise, la Chine a l’ambition de construire des milliers de ponts, des routes, des chemins de fer à travers l’Asie centrale et le Proche-Orient. Bref de développer le commerce et les échanges avec tous les pays traversés. Quarante milliards de dollars d’investissements viennent d’être débloqués à cet effet.
« 21st Century Maritime Silk Road », la seconde Route de la soie, empruntera les mers. De l’Asie à l’Europe, son tracé partirait des grands ports de la mer de Chine, suivrait la Thaillande et le Viêt-Nam, la Malaisie, croiserait Singapour et longerait l’Indonésie, avant de rejoindre, via l’océan Indien, le Sril Lanka, puis le Golfe, la mer Rouge, et donc Djibouti et, enfin, le canal de Suez et la Méditerranée, pour arriver à sa destination finale, Venise.
Afin d’appuyer la pénétration des entreprises chinoises sur le continent africain, et soutenir la réalisation de ces nombreux projets extraordinaires, le gouvernement chinois a fait le choix stratégique de soutenir les entreprises chinoises dans leurs efforts d’implantation à l’étranger. La visite à Djibouti de Yuan Li, vice-président de la Banque de développement, s’inscrit dans cette logique.
Il va s’en dire que Djibouti accueille ses nouveaux partenaires très favorablement, elle semble avoir compris que son bonheur se trouve plus à l’est… On notera que l’arrivée de la Banque de développement sur nos côtes intervient dans la foulée de l’importante mission à Pékin, le mois dernier, des deux piliers du gouvernement, à savoir Mahmoud Ali Youssouf et Ilyas Moussa Dawaleh. Ils s’étaient rendus à Pékin afin d’apposer la signature de la république de Djibouti à l’accord militaire relatif à l’ouverture d’une base militaire chinoise à Doraleh. Ces deux ministres, les plus précieux aux yeux du chef de l’État, ont été les seuls membres du gouvernement à avoir participé à l’entretien privé entre le président Guelleh et le secrétaire d’État américain, John Kerry.
Maintenant que l’accord militaire a été scellé, il ne fait plus de doute que la Chine va s’installer durablement à Djibouti. Elle est devenue le premier partenaire extérieur de Djibouti, devant les Européens et les Émiratis. La relation va juste évoluer, le commerce sera dorénavant le moteur des relations sino-djiboutienne, même si l’aide sera toujours présente.
Des investissements massifs chinois attendus
La délégation de la CBD doit confirmer lors de leur entretien avec le chef de l’Etat de leur intention d’investir massivement dans l’immobilier touristique et l’hôtellerie, ainsi que dans les transports aériens et les infrastructures portuaires en eaux profondes dans le Nord du pays.
Ces investissements sont évidemment bien accueillis par le gouvernement, ils créeront des emplois et auront un impact positif sur l’économie locale. Ils sont en train de devenir une composante importante du développement économique de Djibouti et de la région, avec une capacité de montée en puissance et de diversification qui reste énorme…
A tel point que les bouleversements prévisibles dans la vie monotone de ces bourgades du nord, sont considérables. C’est la raison pour laquelle il est recommandé à la population de bien attacher sa ceinture, et de se préparer à d’importantes secousses dues au fait que l’économie régionale risque de décoller, à grande vitesse.
D’ailleurs le processus d’ajustement à cette nouvelle réalité est en cours. Tout le pays va profiter des investissements chinois qui arrivent en force puisque de nombreux projets sont à l’étude sur l’ensemble du territoire. Il ne fait pas de doute que des sociétés chinoises vont affluer en nombre afin de se frayer un chemin sur cette nouvelle terre promise. L’installation à Doraleh de la première base chinoise va les conforter dans la sécurisation de leurs investissements et donner un coup d’accélérateur aux différents projets à l’étude.
Un petit pays mais avec un potentiel certain pour devenir une destination touristique majeure
Après les infrastructures, ce sera au tour du tourisme, parent pauvre de la politique gouvernementale, de connaître une croissance phénoménale au cours des cinq prochaines années. Djibouti veut enfin faire du tourisme un secteur important de son économie et a trouvé avec les capitaux chinois le partenaire idéal. Ces investisseurs chinois pourront également bénéficier des incitations mises en place par le gouvernement pour impulser les investissements dans ce secteur clé qui offre de formidables opportunités d’investissement. Quelques grandes opérations attirent l’attention, notamment celle du groupe Touchroad, qui est la plus avancée pour la réalisation de vastes projets immobiliers dans le domaine du tourisme.
Les projets pharaoniques du groupe Touchroad
Après avoir donné le premier coup de pioche à la construction du futur Mall de Djibouti, sur la route de Venise, pour un investissement de 25 millions de dollars, et sans prendre le temps de souffler voilà que M. He, président de Touchroad, s’apprête à lancer les travaux d’un hôtel cinq étoiles sur le magnifique site du ras Siyan, l’African Wings.
Il souhaite y implanter en moins de quatorze mois une hôtellerie de luxe, qui a pour objectif d’attirer une clientèle chinoise aisée, mais également d’encourager les hommes d’affaires chinois à venir s’installer à Djibouti. Ce projet hôtelier mobilisera à lui tout seul un investissement de 166 millions USD.
La clientèle cible… est chinoise
L’ambition de M. He est de faire découvrir aux touristes chinois à quel point Djibouti regorge de sites à faire pâlir n’importe quel tour opérateur. Il faut savoir que le développement rapide de l’économie chinoise permet à d’avantage de touristes de voyager à l’étranger. En 2014, la Chine a été le premier émetteur de touristes au monde, ils ont été près de cent millions à voyager à l’extérieur, dont un million et demi sur le continent africain. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), ce chiffre va être multiplié par cinq dans quinze ans, à l’horizon 2030. Ils seront alors cinq cent millions de Chinois à partir en vacances à l’étranger. En outre, les vacanciers chinois figurent parmi les plus dépensiers au monde ; l’an dernier ils ont dépensé cent quarante milliards USD.
C’est le pari de M. He, il veut capter cette clientèle de choix. Ils ont été à peine 1% à faire le choix de se rendre en Afrique en 2014. Il reste persuadé qu’il peut contribuer à inverser la courbe en faveur de Djibouti. Pour cela, il veut positionner Djibouti dans le tourisme de grand luxe afin de séduire cette clientèle très exigente. Rendons-nous compte, imaginons que M. He parvienne à capter ne serait-ce que 0,2% de ces touristes qui partent à l’étranger chaque année, c’est-à-dire 200 000 visiteurs… un peu plus de la moitié du trafic passager de l’aéroport international de Djibouti. Tout est dit je crois !
« L’atout de mon projet, nous a confié M. He lors de notre rencontre à Shanghai le mois dernier, est la possibilité de créer des offres touristiques djiboutienne adaptées au marché chinois. Nos produits viseront uniquement le segment du luxe. Les touristes chinois sont une clientèle à fort pouvoir d’achat et elle doit être séduite par des offres hautes gammes et originales. Pour ce faire nous allons proposer dans le cadre magique des îles des Sept frères, qui sont d’une beauté inouïe, bordé par des kilomètres de plages immaculées, des massifs coralliens protégés et de vastes étendues océaniques aux eaux chatoyantes, différents types de sports nautiques comme le flyboard, la plongée sous marine, le yachting ou la navigation de plaisance ainsi que la pêche, voire la chasse sous-marine. Nous allons en outre développer des activités de divertissement, tels que casino, golf… Nous allons également construire un pont qui reliera les îles des Sept frères entre elles et à ras Siyan. Nous projetons par ailleurs d’investir sur le même concept du luxe dans les îles Moucha. Ce lieu est également extraordinaire, avec ses plages de sable blanc et ses eaux turquoises ; nous prévoyons d’y développer les sports nautiques pour les amateurs de sensations fortes. De ce que je perçois, le potentiel touristique à long terme de Djibouti est tout aussi solide que celui du Kenya, du Maroc, ou bien de l’Afrique du Sud. Djibouti n’a rien à envier aux autres destinations, elle pourrait sans peine accueillir une activité touristique beaucoup plus intense.
Mon groupe compte également s’engager dans la construction de ports en eaux profondes, afin de fluidifier davantage le transbordement des marchandises à destination des pays de la zone du COMESA. Notre ambition va encore plus loin puisque nous ambitionnons que les communautés d’affaires des pays de la sous région viennent s’approvisionner directement à Obock, cette ville deviendra dans quelques années une sorte d’open gate au service des pays de la région, un peu à l’image de ce qui a si bien réussi pour Dubaï. Quant à notre projet phare de création d’une zone économique spéciale, nous voulons en faire un centre international où se côtoieront université, banques, centres commerciaux, centres médicaux et des facilités logistiques pour soutenir les activités portuaires. Je ne remercierai jamais assez votre ambassadeur en Chine, M. Abdellah Abdillahi Miguil, de m’avoir encouragé à venir découvrir Djibouti et ses opportunités fantastiques. Je crois en Djibouti, dans les dix ans ce pays connaîtra la même évolution et la même croissance que Singapour. »
Des efforts dans la formation hôtelière-restauration peuvent être payants
On parle d’investissement dans le tourisme, mais tout cela ne servira à rien si on continue à reléguer la formation professionnelle, donc l’investissement dans le capital humain au second plan.
Malgré les efforts de M. He, ou des autres investisseurs chinois attendus sur ce secteur, si les pouvoirs publics n’accompagnent pas le développement de ces futures infrastructures hôtelières, notamment par la formation d’un personnel qualifié, il sera impossible que le secteur se développe.
Il faut professionnaliser ce secteur une fois pour toute si l’on souhaite faire de Djibouti une destination moderne. Il ne peut pas y avoir de développement possible sans ressources humaines compétentes et qualifiées, ce qui implique qu’il faut se retrousser les manches et créer des centres de formation afin de garantir une cohérence dans les compétences. Il faudra également changer la perception des jeunes sur ce secteur, notamment en envoyant un premier contingent en Chine apprendre les différents métiers autour du tourisme, et se familiariser par la même occasion avec le mandarin puisque les Chinois ne sont pas réputés pour parler une autre langue que la leur.
Le gouvernement pourrait également mieux utiliser ses missions étrangères et ses ambassades pour faire la promotion de notre offre touristique, notamment en Chine ou une ou deux attachées au tourisme devraient rejoindre l’équipe diplomatique afin d’organiser des séries d’activités de promotion dans certaines villes chinoises ; Voire pourquoi ne pas ouvrir une agence permanente de promotion du tourisme à Pékin, et afin de rendre la destination plus attractive, envisager de dispenser de visas les touristes chinois dont la durée de séjour serait inférieure à quinze jours et dont le voyage serait organisé par une agence de voyage chinoise agréée par nos services diplomatiques, comme cela se fait à la Réunion.
Bref des solutions concrètes doivent se mettre en place pour accompagner le développement de ce secteur qui va connaître une croissance à deux chiffres. Les grandes compagnies touristiques chinoises doivent être séduites, afin de commercialiser la destination Djibouti. Cela demandera des efforts et des moyens conséquents de notre part, mais les enjeux en valent la chandelle. Par ailleurs, et cela doit nous conforter dans nos objectifs, l’ouverture programmée d’une ligne aérienne d’Air China, qui reliera directement la Chine à Djibouti d’ici la fin de l’année, contribuera à augmenter sensiblement le nombre de visiteurs chinois !
La Chine va jouer ces prochaines années un grand rôle dans le développement de la République de Djibouti, et les choses vont aller très vite d’ailleurs une importante délégation d’hommes/femmes d’affaires de la chambre de commerce de Shanghai est attendue fin août de cette année à Djibouti. Ce grand pays considère que notre pays occupe une position stratégique en tant que porte d’entrée vers la grande sous-région de l’Afrique de l’Est, lui offrant l’opportunité d’accéder à un marché de plus de cinq cent millions de personnes. Des investissements importants sont à venir, qui conditionneront pour partie la montée en puissance de notre industrie touristique, génèreront de nombreux emplois et seront un catalyseur de croissance, ouvrant l’accès à d’importantes ressources financières pour les infrastructures susceptibles de tirer la croissance vraiment très haut. Alors que les opportunités sont innombrables pour Djibouti, le moment est bien choisi pour faire du voyage et du tourisme un secteur clé, un moteur de changement, un formidable outil pour s’affranchir de la pauvreté. Mais n’y allons pas à demi mesure comme il est coutume, il ne faut pas rater ce virage crucial.
Mahdi A.
Excellent article très cher Mahdi. Vraiment, c’est du grand art que tu viens de sortir là. Tes analyses sont pertinentes, et tes opinions sont tranchées nettes sur les enjeux et les intérêts majeurs qui sont en jeu.
Bravo à toi et poursuit cette oeuvre journalistique inédite et unique.
Bien à toi cher ami.
"Lol" j’ai un air de déjà vu ! Les americains n’avait pas promis des projet similaire pour mieux faire passer leur implantation à djibouti ? Cette article est vraiment intéressant, je l’avoue mais je pense qu’on devrait parler du sur-endettement de notre état qui empreinte à la chine à des taux frolant l’absurdité.
La chine est differente par rapport aux americains car ces investissement sont dans un esprit gagnant gagnant et moi i beleave !!!!