À Djibouti, des salles aux murs faits de plastique recyclé commencent à apparaître. « Une initiative qui émane d’un écosystème de partenariat ADDS, OVD, UNICEF, MENFOP et OIM » d’après La Nation du 3 juin 2025.
Présenté comme une solution écologique à la crise des déchets, ce type de construction suscite pourtant des inquiétudes croissantes dans la communauté scientifique. Derrière cette apparente innovation se cachent des risques bien réels pour la santé humaine et l’environnement.
Contrairement à une idée reçue, recycler le plastique ne le rend pas plus sain. De nombreux déchets plastiques contiennent des additifs chimiques comme des phtalates, du bisphénol A (BPA), ou encore des retardateurs de flamme bromés — des substances classées perturbateurs endocriniens ou cancérigènes. Une étude relayée par Greenpeace en 2023 révèle que ces produits toxiques persistent même après recyclage, et peuvent être relâchés dans l’air, notamment sous l’effet de la chaleur ou de l’humidité.
Dans notre pays, où les températures dépassent fréquemment les 40 °C, la question est d’autant plus préoccupante. « La chaleur accélère la dégradation des plastiques et augmente l’émission de composés organiques volatils (COV) », alerte un rapport du Center for International Environmental Law (CIEL). Ces substances sont liées à des troubles respiratoires, neurologiques, hormonaux, et même à certains cancers. Dans un pays où les températures atteignent 45 °C, ces matériaux ne sont pas seulement inadaptés, ils deviennent des émetteurs de composés volatils toxiques.
Une revue de littérature publiée dans Frontiers in Built Environment souligne un autre problème : sur plus de cent études consacrées à l’utilisation de plastiques recyclés dans le bâtiment, aucune n’évalue les impacts sur la santé humaine. Ce vide scientifique nourrit l’inquiétude de nombreux experts, qui appellent à plus de précaution dans l’adoption de ces matériaux. Autre point sensible : la sécurité incendie. Certains plastiques recyclés sont hautement inflammables ou produisent en brûlant des fumées extrêmement toxiques, asphyxiantes et/ou cancérigènes. Dans des écoles ou des logements, ce risque ne peut être ignoré. Sommes-nous prêts à exposer enfants, enseignants, soignants à ces risques,
Face à la pression mondiale pour réduire les déchets, la tentation est grande de transformer le plastique en matériau de construction. Mais sans études sanitaires approfondies, cette approche pourrait s’avérer contre-productive : en enfermant des toxines dans nos murs, nous risquons de transformer un problème environnemental en bombe à retardement sanitaire.
Le plastique n’est pas un matériau de construction durable. Il est une impasse recyclée.
Il serait souhaitable et prudent que nos autorités suspendent immédiatement toute utilisation de plastique recyclé dans les constructions publiques, tant qu’une évaluation sanitaire indépendante n’aura pas té menée. Les bailleurs, ONG, entreprises partenaires devraient exiger de véritables garanties sanitaires avant de financer ou promouvoir ces projets, sous prétexte d’innovation ou de réduction des coûts de construction.
Omar M. Elmi, ancien professeur d’économie, ancien cadre de la fonction publique
Sources
• Greenpeace (2023), Recyclage et toxicité du plastique
• CIEL (2019), Rapport Plastique & Santé
• Grist (2024), Absence d’études sanitaires sur les plastiques recyclés
• Wolters Kluwer (2023), Substances dangereuses dans les plastiques recyclés