Selon The Reporter [1], une attaque de drones sur une localité éthiopienne frontalière de Djibouti aurait tué huit personnes et fait plusieurs blessés dans la nuit du 30 au 31 janvier.
« L’attaque s’est produite dans le kebele Kiyaru du woreda d’Elidar dans la zone Awsi Rasu. Kiyaru est à cheval sur la frontière entre l’Ethiopie et Djibouti, entre Assab et Galafi.
Un accord entre les deux pays désigne un rayon de cinq kilomètres de part et d’autre de la frontière comme zone tampon. Cet espace est souvent utilisée par des groupes armés en conflit avec le gouvernement de Djibouti, selon des sources locales. »
Interrogé par The Reporter, Ibrahim Mohammed, chef du bureau de communication du woreda d’Elibar, a décrit la situation : « Dans la soirée du 30 janvier 2025, des drones ont lancé des attaques dans la zone frontalière. Nous, les fonctionnaires du woreda et de la zone, sommes arrivés dans la région le lendemain matin. […] Lorsque nous sommes arrivés, les habitants étaient en train d’enterrer les morts. Cinq sont enterrés sur notre sol, tandis que trois sont enterrés à la frontière. […] D’après nos informations et celles de la population locale, le gouvernement djiboutien a déjà recherché des insurgés près de la zone frontalière et dans le même kebele. Nous en avons donc conclu que l’attaque avait été menée par le gouvernement djiboutien. […]
Nous avons signalé le problème à l’administration régionale Afar, qui l’a à son tour signalé au gouvernement fédéral. Nous espérons que les forces de sécurité du gouvernement fédéral viendront bientôt enquêter sur ce qui s’est passé. En attendant, nous essayons de calmer les habitants. Ils sont en grande partie des éleveurs. Nous essayons de les sensibiliser aux accords sur la zone tampon. » [2]
Selon cette même source, « les restes d’armes trouvés sur place, ainsi que d’autres éléments, indiquent qu’il s’agit d’une attaque de drone » et « tous les morts trouvés étaient des civils ».
Le contexte
Dans l’attente de la réaction du gouvernement djiboutien à ces événements, nous pouvons rappeler que le 23 décembre dernier l’Éthiopie et Djibouti avaient décidé de constituer un groupe de travail pour renforcer leur coopération sécuritaire et lutter contre les activités clandestines autour de la frontière, les deux pays partageant l’analyse des enjeux de la menace terroriste. « Cette collaboration se concentrera sur les opérations de reconnaissance, l’extradition des criminels et l’échange d’informations pour contrer les activités des insurgés dans la région. » [3].
Une délégation conduite par Hassan Said Khaireh, directeur du Service de documentation sur la sécurité de Djibouti (SDS), s’était rendue à Addis-Abeba pour des entretiens avec de hauts responsables du Service national de renseignement et de sécurité éthiopien (NISS), dont son directeur Redwan Hussein. Les discussions visaient à approfondir la coopération en matière de sécurité afin de contribuer à la stabilité régionale, en particulier de renforcer la lutte contre la criminalité transfrontalière.
Mahdi A
Communiqué du ministère djiboutien de la Défense, 1er février 2025
Dans la nuit du jeudi au vendredi 30 janvier, une attaque de drone a été menée contre un groupe terroriste à Addorta, localité djiboutienne située à environ 6 kilomètres de la frontière avec l’Éthiopie.
Ce site, identifié comme une base logistique et opérationnelle utilisée par des éléments terroristes, était sous surveillance depuis une semaine dans le cadre d’une mission de reconnaissance d’objectifs.
Le groupe terroriste présent sur cette base commettait des actions hostiles, notamment des infiltrations par trois itinéraires différents, constituant une menace potentielle pour nos postes avances ainsi que pour les infrastructures stratégiques du lac Assal. De plus, ils enlevaient des enseignants d’écoles rurales et menaçaient la sécurité du corridor lac Assal-Tadjourah.
Suite à cette attaque, huit terroristes ont été neutralisés sur place. Des dommages collatéraux ont malheureusement été signalés parmi les civils djiboutiens présents dans la zone. Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes de leur présence sur le site et une assistance humanitaire a déjà été dépêchée pour soutenir les personnes affectées par ce tragique incident
Nous réaffirmons notre engagement à poursuivre nos efforts pour garantir la sécurité des biens et des personnes sur toute l’étendue du territoire national.
Communiqué du Bloc pour le salut national (BSN) [4]
Nous apprenons que, dans la soirée du 30 janvier 2025, un drone militaire djiboutien a attaqué des civils à Siyaru, zone frontalière avec l’Éthiopie de la région djiboutienne de Tadjourah. Selon nos informations, cette attaque a fait au moins cinq morts et trois blessés. Les civils tués sont : Gamma Ali Orbisso, Kako Ali Orbisso, Mohamed Aydahis, Ali Mohamed Kako, Aicha Badoul Ali. Les civils blessés dont certains grièvement sont : Maryam Mohamed Abdallah, Fatouma Ali Ahmed et Ali Mohamed Ali.
C’est la seconde attaque par drone militaire contre la population civile de Siyaru en un mois. Comme nous l’avions alors dénoncé, cette population a déjà été prise pour cible par drone militaire le 30 décembre 2024, sous prétexte de combattre le FRUD armé dans la zone. Par communiqué daté du 1er février 2025, le ministère djiboutien de la défense reconnaît ces faits en parlant de « dommages collatéraux ». Nous condamnons avec la plus grande force cette attaque meurtrière et odieuse ainsi que l’acharnement dont elle témoigne. Nous exigeons une enquête indépendante sur toutes les attaques contre les civils de Siyaru et la punition des auteurs comme des commanditaires.
Nous appelons la communauté internationale, particulièrement les puissances ayant une base militaire à Djibouti, à user de leur influence pour que cessent ces atteintes gravissimes aux droits humains à Djibouti. Nous adressons nos sincères condoléances aux familles et aux proches des victimes. Nous souhaitons également un prompt rétablissement aux blessés. Les Djiboutiennes et les Djiboutiens doivent plus que jamais se mobiliser pour imposer le changement démocratique et l’état de droit dans ce pays. La lutte continue, nous vaincrons.
[1] Helen Tesfaye, « Eight killed in Afar as Djibouti drones target armed groups on border : local officials », Reporter Ethiopia, 1er fevrier 2025.
[2] Idem..
[3] « Ethiopia And Djibouti Form Joint Task-Force To Tackle Cross-Border Anti-Peace Activities », Fanabc, 23 décembre 2024.
[4] Publié sur le compte X de Kadar Abdi Ibrahim, 2 février 2025. Le BSN regroupe des partis djiboutiens d’opposition : l’Alliance républicaine pour le développement (ARD), le Mouvement pour le renouveau démocratique (MRD) et le Mouvement pour le développement et la liberté (MoDeL).