À la suite d’une réunion avec des représentants de l’AEFE, un parent d’élève expose sa compréhension de la situation.
Chers parents,
Chères personnes bien intentionnées,
Il est incontestable que chaque élève, ainsi que sa famille, mérite le même respect et bénéficie des mêmes droits. Cette conviction, partagée par l’ensemble des acteurs du Lycée Français de Djibouti, des parents aux équipes éducatives, est au cœur de notre projet éducatif. L’objectif commun est de garantir l’épanouissement de tous les enfants, quelle que soit leur origine, leur statut ou leurs particularités.
Lors de la réunion du 6 novembre 2024, « Café des parents », M. Rodolphe Echard, inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional « Établissements et vie scolaire » de l’AEFE, a rappelé avec force un principe fondamental : « L’excellence pour tous, et non pour une élite ». Il est évident que ce principe de justice sociale, auquel beaucoup adhèrent, doit s’incarner dans toutes les décisions prises au sein de notre établissement, notre LFD [1]. Il ne saurait y avoir de place pour des choix qui excluent une partie de la communauté scolaire en raison de critères économiques, sociaux ou autres.
Dans ce cadre, la récente « réforme » sur le port de l’uniforme, bien que louable, pour tous les élèves soulève des questions cruciales, particulièrement en matière de transparence, de responsabilité et d’équité. Le manque d’un référendum, qui aurait permis aux parents de s’exprimer directement sur cette décision, constitue une première faille dans le processus démocratique. Une telle mesure, imposée sans concertation ni consultation, heurte les principes mêmes de participation et de transparence auxquels les familles devraient pouvoir aspirer.
De plus, aucune considération n’a été donnée à la diversité des situations économiques des familles, qu’elles soient boursières ou non. Le port de l’uniforme ne devrait pas se transformer en une contrainte financière supplémentaire, mais cette réalité semble avoir été négligée. Un tel choix, sans accompagnement financier ni possibilité de soutien, peut fragiliser les familles les plus vulnérables et accentuer des inégalités déjà présentes au sein de notre communauté scolaire.
Par ailleurs, le règlement interne rappelle, de manière ferme et claire, que tout élève ne portant pas l’uniforme se verra refuser l’accès à l’établissement. L’application de cette décision ne semble ni respecter l’équilibre fragile des réalités économiques de certaines familles, ni prendre en compte les éventuels problèmes d’allergie ou autres contre-indications. Il a d’ailleurs été verbalement mentionné que les parents devront se tourner exclusivement vers le fournisseur, sans recours possible à l’établissement ou à l’administration pour assumer et résoudre ces problèmes. Cette situation renforce l’idée d’une déconnexion entre le collectif ayant contribué à la mise en place opaque du port de l’uniforme et les préoccupations réelles des familles.
Il est également frappant de constater qu’aucun appel d’offres n’a été lancé pour choisir le fournisseur de ces uniformes. Le manque de transparence dans l’attribution de ce marché soulève des doutes légitimes sur l’équité du processus. Les familles se retrouvent ainsi prises en étau, sans pouvoir contestataire ni alternative, dans un système dont les principes de clarté et de répartition équitable des ressources semblent avoir été laissés de côté.
Cette crise, loin d’être une simple divergence administrative, révèle un besoin pressant de réformer la gouvernance et l’organisation du lycée, notamment en matière de représentation parentale. Les parents doivent pouvoir jouer un rôle plus actif dans le processus décisionnel, particulièrement lorsque des mesures affectent directement le quotidien de leurs enfants. Leurs voix ne doivent pas être ignorées, mais prises en compte à travers des canaux démocratiques et participatifs.
Il est essentiel de rappeler que les valeurs républicaines et humanistes qui fondent notre système éducatif, tant en France qu’à Djibouti, doivent toujours guider les choix stratégiques. L’équité, la solidarité et la transparence doivent être les piliers de la gestion de notre établissement, le Lycée Français de Djibouti.
En outre, le rôle du Conseiller de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France, en tant que garant de ces principes, devrait être sollicité avec davantage de vigilance.
Il est regrettable que, lors du « Café des parents » le thème portait sur le « climat scolaire et les moyens d’agir pour améliorer les résultats scolaires, le bien-être des élèves, et lutter contre les inégalités, l’absentéisme et le harcèlement », la représentante du service de l’ambassade ait souhaité éviter toute mention des pressions liées à l’introduction du port de l’uniforme pendant l’atelier sur le harcèlement. Bien que cette décision ait été prise dans un souci de cohérence, elle a pu être perçue par certains parents comme une forme de limitation, des échanges bienveillants, sur des questions importantes qui touchent directement la vie scolaire, créant ainsi une situation délicate. Il aurait sans doute été préférable de permettre une discussion ouverte, sans que ces préoccupations soient écartées, afin de mieux intégrer toutes les dimensions des défis auxquels notre communauté scolaire fait face.
L’évocation de l’opacité entourant la mise en place du port de l’uniforme, sans que toutes les parties prenantes aient été pleinement consultées, ni que toutes les informations nécessaires aient été partagées à temps, a malheureusement alimenté un sentiment de confusion, de stigmatisation, de frustration parmi de nombreuses familles. De nombreux parents ont ressenti que la pression qui s’exerçait, avec des relances répétées et des dates butoirs imposées, leur laissait peu de place à l’adaptation ou à la réflexion. Pour certains, cette situation a été perçue comme une forme de harcèlement, non pas dans le sens le plus drastique du terme, mais plutôt comme une forme d’injustice administrative, où l’absence de communication et de concertation a créé un climat d’urgence pesant. Une telle expérience, aussi bien intentionnée soit-elle, n’est pas sans conséquence sur le moral des familles, qui se sont senties isolées face à une décision prise sans une véritable prise en compte de leurs réalités et préoccupations.
Cela dit, l’objectif reste le même : garantir le bien-être des élèves et l’harmonie de notre communauté scolaire. Le dialogue et la transparence sont des clés essentielles pour y parvenir, et c’est avec une volonté partagée d’écoute et d’engagement que des solutions équilibrées et respectueuses des besoins de tous pourront émerger.
Il n’est pas acceptable de prétendre traiter des violences silencieuses, il aurait fallu agir avant que le vase déborde.
Une situation qui rappelle que parfois, pour éviter une tempête, on préfère ignorer les petites vagues, sans réaliser qu’elles peuvent bien finir par engloutir le navire tout entier.
Enfin, cette crise souligne une autre vérité : l’unité et la solidarité de la communauté scolaire sont les garantes de la réussite de chaque élève. La diversité des familles, de leurs parcours, de leurs moyens, est une richesse qu’il nous appartient de protéger. C’est seulement à travers le dialogue, la concertation et l’écoute que nous pourrons surmonter cette épreuve et renforcer les fondements de notre lycée, pour qu’il soit un véritable modèle d’inclusion, de respect et de réussite collective.
La situation actuelle nous invite à réfléchir sur la place de chaque parent dans la communauté scolaire, mais aussi sur la nécessité de garantir un accès équitable à l’éducation pour tous, sans exception.
En conclusion, la situation actuelle au Lycée Français de Djibouti met en lumière des failles notables dans le processus décisionnel et soulève des questions cruciales sur la transparence, l’équité et la participation parentale. Afin de garantir un établissement scolaire où l’unité, la solidarité et l’égalité des chances sont véritablement respectées, il devient impératif de revoir et de réformer certains aspects de la gestion et de la gouvernance.
Pour assurer un environnement scolaire inclusif et démocratique, il est essentiel de prendre des mesures concrètes permettant à toutes les familles de participer activement aux décisions qui affectent le quotidien de leurs enfants. Parmi les actions recommandées :
1. Mettre en place un système d’élections transparentes et garanties
Les élections doivent être organisées exclusivement sur la base de bulletins physiques, dans un cadre rigoureux et sous l’observation d’un huissier de justice, des représentants des listes de candidats, de l’Ambassade de France à Djibouti et de la direction du LFD. Le vote électronique, bien que pratique, soulève des questions en matière de sécurité et de fiabilité, et devrait être exclu. Cela permettrait de garantir que chaque voix soit comptabilisée de manière transparente, sans risques de manipulation. Il convient de rappeler que le vote électronique n’est pas autorisé en France pour des élections d’importance majeure, telles que l’élection présidentielle, en raison des préoccupations liées à l’intégrité du processus électoral. L’avenir de nos enfants est également une préoccupation majeur.
2. Assurer une réelle consultation des familles
Toute décision importante, comme l’introduction du port de l’uniforme, devrait être précédée d’un référendum ou d’une consultation large des parents. Cette démarche permettrait aux familles de s’exprimer sur les choix les concernant. Un tel processus démocratique est essentiel pour garantir que les décisions respectent les besoins divers des familles et favorisent un climat de confiance au sein de la communauté scolaire.
3. Garantir un soutien aux familles les plus vulnérables
Les décisions impliquant des coûts supplémentaires, telles que l’achat d’un uniforme, doivent être accompagnées de dispositifs de soutien, notamment pour les familles boursières ou en situation économique précaire. Il serait également judicieux que l’établissement prenne en charge, dans le respect des normes françaises & européennes concernant la qualité des tissus et des matériaux, tous les frais inhérents au port de l’uniforme, tout en veillant à ce que ces choix respectent les spécificités culturelles et climatiques à Djibouti, afin d’assurer à chaque élève des conditions d’habillement dignes, confortables et accessibles à tous. L’objectif est de ne laisser aucune famille en difficulté et de ne pas accentuer les inégalités existantes au sein de la communauté scolaire.
4. Renforcer la transparence dans les processus d’appel d’offres
Tous les contrats liés à des dépenses significatives, tels que ceux concernant les uniformes, doivent faire l’objet d’un appel d’offres public transparent et équitable. Cela garantirait une gestion saine des ressources de l’établissement, tout en évitant toute suspicion de favoritisme.
5. Instaurer un dialogue continu entre les différents organes et les parents
Il est essentiel que soit mis en place des mécanismes réguliers de consultation et de communication avec les parents, non seulement en période de crise, mais de manière proactive. Un véritable dialogue renforcera la solidarité et permettra de mieux prendre en compte les préoccupations quotidiennes des familles.
Ces recommandations ne se limitent pas à des mesures administratives, mais incarnent une vision de l’avenir du lycée : un lieu d’apprentissage et d’épanouissement où les principes républicains d’égalité, de solidarité et de justice sont vécus au quotidien. C’est en travaillant ensemble, dans un esprit de transparence et d’unité, que cette crise pourra être surmontée et que l’établissement pourra devenir un modèle d’inclusion, de respect et de réussite collective.
L’avenir des élèves et de la communauté scolaire dépend d’une gestion plus équitable, plus participative et plus respectueuse des valeurs qui fondent le système éducatif. Il incombe à tous de garantir qu’un tel environnement soit construit pour le bien-être de chaque élève, chaque famille et chaque acteur de l’école.
« Le dialogue est la seule voie pour parvenir à une paix durable, à un développement partagé et à une véritable inclusion de toutes les composantes de notre société. » (Citation datant d’octobre 2016).
« La démocratie, ce n’est pas seulement une élection, c’est aussi une écoute permanente, une capacité à prendre en compte les préoccupations des citoyens, à dialoguer, à les associer aux décisions qui les concernent. » (Citation datant de janvier 2019).
Ces deux réflexions, prononcées à quelques années d’intervalle, soulignent l’importance d’un dialogue inclusif et de l’écoute active des préoccupations citoyennes comme clé de la paix sociale et du développement.
M. A. M., membre du collectif des parents
NB : Human Village publiera, mardi 12 novembre, un article de fond sur cette situation de tension au lycée Kessel .
[1] NdlR : Lycée français de Djibouti.