Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Depuis la matinée du vendredi 16 février 2024, nos discussions sont enflammées, animées par la situation au Sénégal, notamment la décision du Conseil constitutionnel d’annuler le décret présidentiel reportant les élections.
Dans de telles situations, ce sont rarement les politiciens qui guident les mouvements. En général, ils les suivent et les organisent. Ce sont plutôt les activistes moraux et les pionniers culturels qui donnent forme à ces évolutions. Ils deviennent ainsi les véritables législateurs de l’humanité, détenant un pouvoir et une influence considérables. Ces individus sont les authentiques architectes des normes et des valeurs, traçant la voie et jouant un rôle essentiel dans l’orientation de notre société.

Au Sénégal, ces acteurs occupent le devant de la scène et ont réussi à ébranler le pouvoir en place, soulignant ainsi une différence marquée avec notre propre réalité, où ces protagonistes du changement semblent faire défaut. Cette comparaison met en relief l’importance cruciale du rôle joué par ces forces motrices dans la dynamique politique et sociale d’un pays.
Cependant, cela nous amène à nous interroger : pourquoi ces forces semblent-elles absentes dans notre pays ? Explorer cette question pourrait nous fournir des clés pour mieux comprendre les dynamiques sociales et politiques propres à notre nation et éventuellement susciter des réflexions sur la manière dont nous pourrions encourager l’émergence de ces acteurs du changement dans notre propre contexte.

A mon humble avis, il semble que notre population soit confrontée à deux crises individuelles, au-delà du tribalisme. Tout d’abord, une crise d’acédie s’est installée, engendrant une lassitude généralisée, apathique et désintéressée qui entrave la mobilisation collective. Cette crise se manifeste par un manque d’enthousiasme pour les affaires publiques et un désintérêt face aux changements nécessaires. L’acédie instaure une attitude d’évitement émotionnel et une désinvolture, expliquant, par exemple, notre acceptation, sans que cela ne dérange personne, de la prolifération des déchets et de la saleté dans nos quartiers.
En parallèle, une crise du telos émerge, remettant profondément en question les objectifs et la finalité de notre société. Cette crise se traduit par une absence de vision commune, une fragmentation des aspirations nationales et une difficulté à définir un cap clair pour le futur. Selon Nietzsche, quiconque possède un « pourquoi » qui lui sert de finalité est capable de composer avec tous les « comment ». Le « pourquoi » représente ici le sens ultime, la motivation intérieure qui transcende les aspects techniques ou les détails du « comment ». Avoir un objectif ou une raison d’être claire permet à la personne de surmonter les obstacles, d’accepter les sacrifices nécessaires, et de s’adapter aux différentes circonstances. Cette idée met en avant la puissance du sens et de la signification dans la construction d’une vie épanouissante et résiliente.

Mes chers compatriotes,

Ces crises combinées entravent la capacité de notre société à générer les dynamiques positives nécessaires au changement.
Explorer ces crises d’acédie [1] et du telos devrait nous guider vers une compréhension plus approfondie des défis spécifiques que nous devons surmonter. En envisageant des approches innovantes pour réanimer l’élan collectif et définir une vision partagée, nous pourrons ainsi surmonter ces obstacles et tracer un chemin vers un avenir plus prometteur pour notre nation.
La seule façon d’y arriver est de s’engager.
La bonne nouvelle est que, si j’ai appris quelque chose au cours de ces onze dernières années, c’est que la communauté vous rend au centuple ce que vous lui donnez.
Alors, engagez-vous pour votre pays et ne restez pas là, les bras croisés, à vivre par procuration !

Kadar Abdi Ibrahim, président du MoDeL