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Les forces françaises au Niger redéployées à Djibouti ?
par Mahdi A., septembre 2023 (Human Village 49).
 

Dimanche 24 septembre, la France a décidé d’acter la dénonciation des accords de défense par les nouvelles autorités nigériennes, et donc que les troupes stationnées au Niger quittent le pays d’ici la fin de l’année. La question qui se pose est de savoir où repositionner ces soldats ?
Lors de son intervention télévisée, Emmanuel Macron n’a pas précisé si certains contingents militaires seraient redéployés en Afrique, ou si l’ensemble du dispositif (1500 soldats, cinq drones Reaper et trois avions de chasse Mirage) serait rapatrié en France [1].

Mahamat Idriss Deby et Emmanuel Macron

L’hypothèse d’une installation au Tchad, parait peu probable. Le président Mahamat Idriss Deby Itno reste fragile à la suite du coup de force qui l’a installé au pouvoir après le décès de son père sur le champ de bataille. La venue d’Emmanuel Macron, qui lui a apporté une caution morale en se rendant à N’Djamena peu après, a entretenu le ressentiment de la population à l’égard de la politique française. Les tensions survenues après une altercation entre un infirmier français et un patient militaire tchadien à la base de Faya-Largeau, qui auraient causé la mort d’un soldat tchadien, en sont la meilleure illustration. De nombreux manifestants ont rejeté le récit de l’incident proposé par les Forces françaises au Sahel. Pour calmer les esprits, une enquête conjointe des armées tchadienne et française a été décidée par le gouvernement tchadien pour déterminer les circonstances de « l’incident ». Cette réaction populaire est révélatrice de la fracture profonde entre les forces armées de l’ex-puissance coloniale, considérées comme les alliées du putschiste Mahamat Idriss Deby Itno, et une grande partie de la population tchadienne. Les Tchadiens n’ont pas oublié le silence assourdissant de la France au lendemain des massacres perpétrés dans plusieurs villes, y compris à N’Djamena, le 20 octobre 2022. Les forces de sécurité ont alors tiré à balles réelles sur ceux qui manifestaient « à la date à laquelle l’administration militaire, au pouvoir depuis la mort du président Idriss Déby le 20 avril 2021, avait promis de restituer le pouvoir à un gouvernement civil » [2].
Pour des raisons de politique internes pas si éloignées de celles signalées à N’Djamena, les chefs des États francophones d’Afrique de l’Ouest ne devraient pas proposer d’accueillir les troupes françaises « transhumantes » qui, après avoir dû quitter le Mali en août 2022 et le Burkina Faso en janvier 2023, vont devoir se « réarticuler » ailleurs dans les trois mois qui viennent.

Un drone Reaper

Où repositionner le dispositif militaire quittant le Niger ?
Dans le cadre de la renégociation du traité de défense la liant à la République de Djibouti, la France a manifesté son désir de renforcer sa présence, notamment en augmentant son contingent de 250 à 300 hommes. Ce renforcement des effectifs pourrait être positionné d’ici mai 2024, si les deux pays parviennent à s’entendre sur les trois chapitres en discussion. Les tractations peinent cependant à aboutir, malgré les déclarations rassurantes des deux alliés. Cela explique qu’en dépit de la prolongation d’un an de l’accord précédent, jusqu’au 21 décembre 2022, ce délai n’a pas suffit à finaliser l’entente sur un nouvel accord.
Djibouti a accepté la nouvelle narration proposée par la France, considérant dorénavant que l’accord de défense signé sous la présidence Sarkozy, le 21 décembre 2011, n’était en vigueur que depuis mai 2014, date de sa ratification par le Parlement français de l’accord de défense, et donc valable jusqu’en mai 2024. Les arguties juridiques sont une force, pas une faiblesse, une formule que Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des Sceaux, ne renierait pas.

Trou capacitaire...

Base américaine de Chabelley

L’opération Sagittaire, d’exfiltration des ressortissants français au Soudan, a montré l’intérêt de disposer de drones armés qui ont manqué au dessus de la capitale soudanaise pour soutenir les troupes au sol. Or les forces françaises stationnées à Djibouti sont dépourvues de ces appareils sans pilote. Le transfert d’un ou plusieurs drones du Niger à la base aérienne de Chabelley - largement grignotée par les forces américaines [3] et à propos de laquelle la France demande une clarification au gouvernement djiboutien - semble très plausible. Djibouti est sans doute l’emprise militaire française la plus à même d’accueillir troupes et équipements militaires « transhumants » du Sahel, sans que cela suscite des réactions majoritairement négatives de la population. D’ailleurs, la Marine royale saoudienne s’apprête à y prendre également position dans le cadre de l’alliance maritime Arab and African Coastal States of the Red Sea and Gulf of Aden [4].

Le vice-amiral d’escadre Nicolas Vaujour s’exprimait en ces termes devant la commission de la défense nationale et des forces armées du Parlement : « Je ne parlerai pas de “trou capacitaire” mais il aurait certainement été utile de disposer de drones supplémentaires à Djibouti. Il se trouve que nos drones Reaper sont à Niamey au Niger et n’ont pas l’allonge nécessaire pour pourvoir opérer à Khartoum à près de 4 000 km de là (ils seront toutefois utilisés pour l’évacuation des agents de l’ONU à El Fasher). Nous avons bénéficié d’un accès aux observations de drones américains, avec quelques images, mais ce n’était pas notre propre matériel. Nous n’avions pas de chasseurs sur place mais des chasseurs de défense aérienne et de bombardement en alerte. Nos bombardiers sont à N’Djamena et nos intercepteurs à Djibouti ; nous pouvions les utiliser si besoin était, mais nous ne voulions pas paraître trop agressifs. Les Soudanais n’auraient peut-être pas eu la même réaction si nous étions arrivés à Wadi Seidna avec une dizaine d’avions. C’est pourquoi nous sommes arrivés avec un C-130, mais nous étions en mesure de réagir. » [5].

Mahdi A.


 
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