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60e anniversaire de l’OUA
 

Discours de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine
Addis Abeba, 25 mai 2023

Excellence Monsieur le président en exercice de l’Union,
Excellence Monsieur le Premier ministre de la République fédérale démocratique d’Éthiopie,
Excellence Madame Dlamini-Zuma, ancienne présidente de la Commission,
Mesdames et Messieurs les ministres, Madame la vice–présidente de la Commission de l’Union africaine,
Mesdames et Messieurs les commissaires,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, membres du Comité des représentants permanents,
Monsieur le secrétaire exécutif par intérim de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique,
Mesdames et Messieurs les chefs de missions diplomatiques,
Mesdames et Messieurs les chefs des bureaux de liaison des Communautés économiques régionales et mécanismes régionaux,
Chers membres du personnel de l’Union africaine,
Mesdames et Messieurs,

Le 25 mai 1963 sortait des fonts baptismaux l’Organisation de l’unité africaine, l’OUA, ici même à Addis Abeba. Soixante ans après, en ce mois de mai 2023, comme chaque année, nous célébrons le génie créateur des pères fondateurs qui avaient, dans leur élan de panafricanisme, posé les jalons d’une Afrique à construire. Cette construction devait, pour défier le temps, reposer sur de solides valeurs partagées dont la plus fondamentale s’incarnait dans la quête collective de liberté politique, de paix et de prospérité sociale, comme préalable indispensable du développement.
L’Union africaine qui lui a succédé, voici une vingtaine d’année, ne s’est guère écartée de cette voie. Mieux, elle a suppléé aux insuffisances relevées sur le difficile sentier de la gestion et de la résolution des conflits, au double plan normatif et opérationnel. C’est ainsi que lors de la célébration du 50e anniversaire de l’OUA en 2013, nos leaders, en adoptant l’Agenda 2063, l’ont accompagné d’un ambitieux projet, celui de « Faire taire les armes en 2020 » pour ne pas laisser aux générations futures le fardeau de la guerre et de l’insécurité. Cette échéance initiale, pour diverses raisons, a fait l’objet d’une révision.

Aujourd’hui, au moment où nous sommes réunis dans cette salle, au nom évocateur, la salle Nelson Mandela, nombre de nos États membres sont en crise. Ils sont en proie à des conflits internes meurtriers, alimentés par la quête effrénée du pouvoir suprême, avec pour corollaires d’importantes pertes en vies humaines. Au-delà de leurs déchirures politiques et sociales, se détruisent et se noient dans les douleurs parfois ensanglantées, les éléments significatifs de leurs patrimoines nationaux.
Quand, à ce tableau tragique, viennent s’ajouter d’autres facteurs négatifs tels le recul démocratique à travers les changements anticonstitutionnels de gouvernement, avec leurs cortège d’oppression et de bâillonnement des libertés, d’insécurité, l’expansion du terrorisme, l’extrémisme violent, la circulation incontrôlée des armes, les effets néfastes du changement climatique, on a de bonnes raisons d’inscrire cette célébration du 60ème anniversaire de l’OUA à l’aune d’un recueillement, en solidarité avec nos frères et sœurs que les conflits poussent à un déplacement interne forcé ou à l’exile.
Face à une telle conjonction de circonstances et d’événements asymétriques à la volonté proclamée de nos leaders de bâtir l’Afrique que nous voulons, une réflexion s’impose à la fois pour identifier avec courage les causes profondes mais surtout d’œuvrer à traduire en acte la parole donnée, celle de nos Leaders de voir l’Afrique unie.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

La célébration du 60e anniversaire recoupe d’autres jalons temporels tels que le 20e anniversaire de l’UA, le lancement de la deuxième décennie de mise en œuvre de l’Agenda 2063 et le parcours à mi-mandat de la présente Commission.
La concomitance de ces différents événements confère un éclatant sceau d’historicité à cette année 2023, et particulièrement à cette splendide et mémorable journée du 25 mai 2023. C’est à ce titre que l’Afrique s’est mobilisée dans la plénitude de sa diversité culturelle à travers des manifestations discursives, humaines, culinaires, artistiques et autres dans l’enceinte de la Commission. Je voudrais donc inviter tous les participants à se donner du plaisir en visitant les différents stands d’exposition qui sont offerts par nos États membres.

Excellences,
Mesdames messieurs,

Je sais que mes propos ramassés, tantôt sur les ombres d’un versant du continent qui ne saurait cacher les lumières qui scintillent à l’autre versant, celui des indépendances et de la victoire contre l’apartheid, celui des progrès économiques et scientifiques significatifs, des sports, des arts, de l’accroissement du rôle international de l’Afrique etc. Je n’appartiens pas à l’école intellectuelle de l’afropessimisme mais au contraire à celle d’un panafricanisme optimiste mais réaliste à la fois.

Je sais que malgré les difficultés de tous ordres, l’Afrique reste caractérisée par sa grande capacité de résilience. Elle a pu, malgré des prévisions alarmistes d’alors, tenir bon face à la survenance de la pandémie de la Covid 19. Mieux, elle a saisi l’occasion de ce malheur pour repenser sa stratégie sanitaire dans une action concertée de nos chefs d’État et de gouvernement. Preuve que si l’Afrique veut, elle peut, quels que soient la nature et le type d’adversité auquel elle pourrait avoir à faire face.
C’est bien ce qu’atteste le bilan de l’UA à travers les résultats de l’évaluation de la mise en œuvre de la première décennie de l’Agenda 2063.
D’importants progrès ont été enregistrés dans différents domaines. Ils auraient pu acquérir plus de signification, n’eussent été les chocs exogènes qui sont venus accentuer les fragilités dont nos efforts s’employaient déjà à venir à bout.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Aux chocs liés aux facteurs classiques de fragilisation, tels que l’écrasant service de la dette ou la chute des prix des matières premières, sont venus s’ajouter les conséquences de l’intensification de la lutte hégémonique entre les grandes puissances. Dans ce contexte international d’affrontement des intérêts géopolitiques divergents, la volonté des uns et des autres menacent de transformer l’Afrique en terrain de bataille géostratégique, recréant de ce fait une nouvelle version de la guerre froide fort préjudiciable à l’efficacité du multilatéralisme dont dépend la paix et la sécurité mondiales.
Dans ce jeu à somme nulle où les gains des autres se traduiraient par des pertes pour l’Afrique, nous devons résister à toutes les formes d’instrumentalisation de nos États membres, pris individuellement et collectivement, en partageant la forte conviction que notre avenir reste et restera conditionné par la construction patiente et méthodique de notre unité. « L’Afrique doit s’unir », disait Kwame Nkrumah.
L’impérieux devoir qui nous interpelle aujourd’hui avec insistance, dans cet environnement international marqué par des replis identitaires et des élans de protectionnisme, est de donner un contenu réel, dynamique à cette unité si nous sommes déterminés à bâtir l’Afrique que nous voulons.

En cette journée solennelle, dont la célébration nous replonge dans l’esprit des pères fondateurs de l’OUA, je voudrais amplifier leurs voix qui continuent de résonner d’outre-tombe, en lançant un vibrant appel à nous tous, Africains et Africaines, du continent et de la diaspora, pour que la force de notre unité et de notre solidarité tant espérée et attendue opèrent désormais comme des leviers indispensables pour notre puissance émancipatrice.

Comptons d’abord sur nous-mêmes. La solidarité de nos amis et partenaires viendra par surcroît.

Vive l’Afrique, vive l’amitié entre les peuples !

Je vous remercie pour votre bienveillante attention.

 
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