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Election présidentielle en Somalie
 
Hassan Cheik Mahamoud

Dimanche 15 mai 2022, une élection présidentielle au suffrage indirect s’est déroulée en Somalie. L’ancien président Hassan Cheik Mahamoud, a finalement remporté l’élection au troisième tour, avec 210 voix contre 110 au président sortant, Mohamed Abdillahi Farmaajo.
La Somalie n’a jamais tenue d’élections selon le principe une personne, une voix. Aux années de gloire, de 1960 à 1969, où la Somalie brillait dans les instances internationales, a suivi une période d’incertitudes. Puis le pays a basculé dans la guerre civile en 1991. Depuis cette date, la Somalie est perçue comme un pays malade dont plusieurs puissances aux intérêts divergents se disputent le contrôle.

Cette situation amène quelques questions. Pourquoi le tribalisme prospère-t-il à l’ère de la mondialisation et du digital ? Pourquoi la Somalie reste-t-elle sous développée malgré ses richesses ? De quel leader politique aurait-elle besoin pour se reconstruire ?
Depuis la chute du régime de Siad Barre en 1991, la Somalie n’a pas connu de stabilité politique. Peuplée d’environ 20 millions d’habitants, elle est passée par plusieurs étapes. Ainsi, en 2000, Djibouti vole au secours de ce pays en difficulté en raison de liens de fraternité qui unissent les deux peuples. Une conférence de réconciliation pour la Somalie se tient dans la ville d’Arta, à 40km de Djibouti. Cette rencontre de plusieurs mois aboutit à l’élection du président Abdisalat Kassin Hassan pour quatre ans.
Pour tenter de mieux comprendre l’imbroglio somalien, il faut une analyse approfondie concernant sa société, constituée de plusieurs groupes ethniques. Certaines s’estimant supérieures aux autres occupent le pouvoir de l’État avec la complicité de puissances internationales. Ces dernières profitent de la faiblesse de l’État et accentuent les clivages entre les ethnies afin de créer une instabilité permanente.

L’autre facteur pénalisant est le communautarisme. Les leaders politiques doivent leur survie au repli identitaire qui constitue leur fond de commerce pour s’enrichir et jouer un rôle politique. Un autre élément handicapant empêche le peuple somalien d’élire un président au service de son pays : le mode de scrutin présidentiel indirect connu sous le nom de « 4,5 » où le quatre représente les grandes tribus et le 0,5 rassemble toutes les petites. Le président est élu par un parlement fédéral tribal où les partis politiques ne s’affrontent pas sur la base d’un programme politique et social cohérent. Le choix du président revient à 270 députés et 50 sénateurs sélectionnés sur des critères claniques. De plus, des ingérences extérieures influencent le vote. Des pays comme le Qatar, les Émirats arabes unis, le Kenya, le Royaume Uni ou l’Éthiopie essayent acheter des voix des électeurs claniques pour faire émerger un candidat qui puisse garantir ses intérêts. La somme minimale pour acheter la voix d’un député varie entre 40 000 dollars et 150 000 dollars US. Jouant de ce jeu tribal, l’ex-président Hassan cheick Mahamoud a gagné une élection biaisée le 15 mai 2022. Est-il le meilleur candidat ? A-t-il un profil idéal d’homme d’État rompu aux arcanes de la finance et de l’économie ? En tout cas, sa mandature de 2012 à 2017, a été marquée par plusieurs scandales financiers et sécuritaires. Sous son règne, le pays a enregistré le taux d’assassinats de députés et de journalistes le plus élevé depuis 2000. Sa réélection est perçue, comme un accident de parcours par un grand nombre de personnes.

Mohamed Abdullahi dit « Farmaajo »

Par ailleurs, plusieurs autres obstacles freinent le développement du pays, notamment la corruption. La monopolisation du pouvoir politique par un groupe restreint a permis à ce dernier de s’enrichir anormalement. Ce groupe use de tous les moyens pour conserver ses privilèges, créant un désordre interminable. Dans un tel contexte, l’intérêt général est sacrifié sur l’autel des intérêts privés.
Face à cette instabilité récurrente qui prévaut en Somalie, la solution serait d’engager le pays dans des réformes profondes qui passeraient par la mise en place d’un cadre juridique et légal garantissant le principe une personne, un vote. Il faudrait créer une structure chargée de la production et la distribution effective de cartes d’électeurs et une commission électorale indépendante.

En conclusion, tout le monde s’accorde à dire que parmi les présidents qui se sont succédé depuis la chute de Siad Barre en 1991, Mohamed Abdillahi Farmaajo semble avoir le meilleur bilan avec plusieurs réalisations à son actif, notamment l’amélioration de la sécurité, le rétablissement de la confiance des institutions financières, le dynamisme de l’économie, la lutte contre la corruption et enfin la réforme de l’armée. Un travail colossal a été abattu en peu de temps malgré l’hostilité de l’opposition. Ceci lui a attiré la sympathie du peuple somali dispersé aux quatre coins du monde. Sa défaite pourrait-elle entraîner un retour en arrière avec l’aggravation de la corruption et de la déstructuration de l’État ? Tout incite à le croire. Toutefois, à travers les réseaux sociaux on voit que, majoritairement, le peuple somali forme le vœu de voir leur leader revenir aux affaires. Seule solution, selon lui, pour garantir la stabilité et la prospérité retrouvée de la Somalie ?

Souleihman Moumin Robleh

 
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